25 janvier 1785

L'Affaire du collier de la Reine

Le 25 janvier 1785, deux joailliers parisiens remettent une somptueuse rivière de diamants au prince-cardinal de Rohan. C'est le début d'un incroyable fait divers qui va éclabousser la famille royale.

Une incroyable escroquerie

Les joailliers avaient déjà tenté de vendre la parure au jeune roi Louis XVI mais celui-ci avait reculé devant l'énormité du prix : 1.600.000 livres ! La reine Marie-Antoinette avait même rappelé que c'était le prix de deux vaisseaux de ligne...

Des escrocs de haut vol persuadent alors le prince-cardinal Louis de Rohan (un viveur assez peu... catholique !) qu'il obtiendrait les faveurs de la reine en l'aidant à acheter le collier en secret.

S'étant fait livrer le collier par les joailliers, le naïf prélat le confie aux escrocs en pensant qu'ils le remettraient de sa part à la reine. Mais les escrocs revendent aussitôt les diamants à l'étranger.

Le scandale éclate le jour de l'Assomption, le 15 août 1785, avant la messe que doit célébrer à Versailles le cardinal. La reine ayant eu vent de l'escroquerie, elle en parle au roi qui fait arrêter le cardinal. Maladroitement, il confie l'instruction de l'affaire au Parlement. 

Or, on est en pleine crise financière et  les parlementaires, comme l'ensemble des privilégiés, reprochent au roi et à son ministre Calonne de vouloir instituer un impôt payable par tous, y compris les plus riches ! Ils prennent prétexte de l'affaire du collier pour salir la reine et indirectement affaiblir le gouvernement.

C'est ainsi que la reine est grossièrement calomniée et le cardinal relaxé !... Deux ou trois ans plus tard éclate la Révolution. Il nous reste de cette incroyable escroquerie un superbe roman d'Alexandre Dumas: Le collier de la reine.

Publié ou mis à jour le : 2024-01-26 14:56:23
Michael (25-01-2024 18:50:41)

Le Collier de la Reine.
D'abord, c'est davantage le Collier de la Du Barry que celui de la Reine. N'oublions pas les inquiétudes financières de la favorite devant un protecteur en bout de course. D'où ce projet de mobilier en or massif (lit, psychée, etc.) dont parlent les Goncourt dans La Du Barry, paru un ou deux ans avant le Nana de Zola, et qui lui a clairement servi d'inspiration, non seulement pour le caractère psychologique de Nana, mais aussi son fameux lit d'argent (qui passera de la littérature à la réalité grâce à Cécile Sorel, et est visible actuellement au château de Cormatin).

Ce collier est dit "en esclavage" car les deux longues bandes de diamants latérales devaient être passées par-dessus les épaules et pendre dans le dos ce qui équilibrait le poids de ce fleuve. Reconnaissons que porté par une Du Barry nue, il aurait eu de quoi stimuler les ardeurs d'un Louis XV fatigué.

Soit commande officieuse, soit anticipation des joailliers, le projet de collier est lancé. Avec une réalisation rapide, Louis XV aurait certainement succombé, d'autant plus que Choiseul, pour légitimer ses prévarications, partageait avec le Roi l'écart entre les lignes budgétaires de ses ministères et les dépenses réelles, et que Louis XV avait plusieurs millions en or dans ses cabinets ("il faut avoir de quoi vivre"). Mais les joailliers étaient perfectionnistes, le collier était l'enfant de ce couple de professionnels. Plus ils couraient l'Europe pour assortir les pierres innombrables et exceptionnelles, plus ils s'attachaient au collier, le voulaient éternel, et le rêvaient pour un cou plus noble que celui d'une favorite dont le destin était de le dépecer.

C'est la compétition pour la prééminence à la cour entre la petite dauphine et la favorite qui a donné à Marie-Antoinette le goût de la mode, surtout d'une mode, osons le mot, plébéienne (adieu aux riches étoffes). Un collier destiné a la Du Barry l'aurait davantage attiré que le collier lui-même. Lorsqu'on le lui propose, forte de ses quatre grossesses, la plantureuse fille de Marie-Thérèse et du gros Léopold recule : elle réalise qu'elle aurait l'air d'une "jument harnachée". Et puis la mode avait changé, qu'on regarde les portraits de 1774 et de 1785 : vingt ans après...

Marie-Antoinette suggère aux joailliers, avec la bonne foi des gens sensés, de diviser le collier et remonter les pierres, mais les artistes se récusent hautement, prêt à tout pour sauver leur œuvre, dupes en puissance.

Le cardinal de Rohan, Prince Évêque de Strasbourg, avait bien mérité, par sa fatuité et son inconséquence, la haine de la fille aimante et respectueuse d'une Marie-Thérèse ridiculisée entre petits snobinards. La comtesse de Marsan, Rohan de naissance, avait habilement réussi (cf. Mémoires de Louis XVIII), malgré la répulsion de Louis XVI et l'opposition farouche de Marie-Antoinette, à le faire nommer Grand Aumônier de France, une des premières Charges de la Cour. Le courtisan flatte les passions du Prince : je ne serais pas étonné que l'entrevue avec la demoiselle Olivia n'ait été montée par la coterie de Marie-Antoinette, pour satisfaire la vengeance de la Reine (probablement dissimulée à proximité), et qui a dû savourer avec délice la vue de Rohan s'humiliant devant une prostituée.

Et c'est là qu'a dû entrer en action cette fine mouche de La Motte-Valois, qui a la suite de l'entretien à la rose (symbole de secret à conserver, pensez au Pot aux roses), lance l'affaire du collier. D'une part en roulant dans la farine les joailliers qui ne demandaient qu'à croire que leur collier irait sur des épaules royales, peut-être même deviendrait inaliénable au titre des diamants de la couronne. D'autre part en bernant un homme prêt à tout pour cesser d'être traité en paria, et certainement en proie à la pression de tous les Rohan qui ne devaient leur fortune qu'a la faveur des rois.

Une question qui donne peut-être une clef : pourquoi Jeanne de la Motte-Valois ne quitte pas précipitamment le royaume après avoir subtilisée le collier, mais parade a Bar-sur-Aube ? Sans doute parce qu'elle pense que tout le monde est trop mouillé pour que l'affaire ne soit pas étouffée : Rohan se taira par peur du crime de lèse-majesté (avoir pensé courtiser la Reine de France), et peur du ridicule devant tous les Grands Seigneurs, qu'il a traités de haut, et qui allaient, pour une poignée de louis d'or à la Demoiselle Oliva, assouvir leurs fantasmes royaux ou passer leurs nerfs. 

Marie-Antoinette, quant à elle, se souviendra un peu tard, qu'en se moquant de Rohan, qui est aussi un dignitaire ecclésiastique, elle a tourné en ridicule l'Église toute entière. Mais, aveuglée par sa rage de ridiculiser publiquement le Cardinal, se délectant de rendre publique son humiliation devant la Demoiselle Oliva, elle saisit fatalement le rancunier Parlement qui soulèvera et répondra à l'unique question de cette misérable affaire : imagine-t-on la Reine Marie-Thérèse ou la Reine Marie Leczinska donnant un rendez-vous galant ? Non. Alors pourquoi est-ce crédible de la part de Marie-Antoinette ? Eh bien, parce que tout dans l'attitude de Marie-Antoinette depuis 20 ans le rend crédible. Par delà l'image de la Reine, c'est, par la question d'une bâtardise éventuelle de ses enfants, le pacte social reposant sur les lois fondamentales du Royaume qui est remis en question. On connait les suites...

Maurice (28-01-2016 17:11:31)

Il y a très longtemps, j'ai eu l'occasion de visiter l'Abbaye de la Chaise-Dieu, pas très loin d'Ambert. De cette visite, à faire, j'ai retenu cette anecdote savoureuse rappelée par le guide. Pour accéder à l'abbaye, il y a un imposant escalier à gravir. Le cardinal était un homme fort gros parait-il et l'ascension fut pénible. Pour l'encourager, l'ecclésiastique qui l'attendait en haut des marches lui aurait adressé un " allons Monseigneur, vous y êtes, encore un dernier coup de collier". Vraie ou fausse, volontaire ou pas, en tout cas anecdote amusante.

Hammurabi (24-01-2016 16:00:06)

Très-instructif.

Cent ans plus tard, La Justice s'acharnera encore à exonérer un pourri de gros calibre, en la personne du commandant Esterhazy, toujours avec le soutien de la populace vociférante - admirable façon de préparer cette "Grande Guerre" qu'on était sûr de gagner en trois semaines!

Il s'en est fallu de peu que cette populace, encore! n'obtienne la peau de Victor Kravchenko.

Pas très-étonnant que la statue qui porte la balance emblématique ait les yeux bandés.....

kourdane (25-01-2015 19:02:36)

une autrichienne qui avait pour ascendance directe le frère de Louis XIV et de ce fait comme aieul Henri IV
sans oublier que les relations avec la maison des Habsburg est constante et demeurera jusqu'à l'Aiglon duc de Reichstag
fils de Napoléon et petit fils de l'empereur d'Autriche

pj (21-11-2013 19:26:39)

La reine, autrichienne, a trahi la France en donnant aux autrichiens les plans de bataille français.

ZX 49 (19-11-2013 19:38:45)

l'affaire fut elle mener de main de Maitre par le Roi?? en quoi la créance signée par le Cardinäif "de Rôt..han " de la Gaule... impliquait elle la Reine??Nous manque-t-il des données ?? merci pour toute éventuelle réponse

alban (25-01-2011 15:43:09)

Cette affaire a injustement terni l'image publique de la reine mais celle-ci, par sa légèreté antérieure, a prêté le flanc à ce genre de calomnies ; on peut faire de ce point de vue un rapprochement avec l'affaire des diamants de Bokassa, qui a contribué à la défaite de Giscard d'Estaing en 2001.

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