Le 8 juin 1783, le volcan islandais Laki entre en éruption. Les conséquences pour toute l'Europe en sont dramatiques.
Exceptionnelle, cette éruption l'est par la lave vomie mais surtout par les énormes quantités de gaz dégagées dans l'atmosphère.
La quantité de sulfates dans l'air connaît un pic dramatique et tous les êtres vivants en sont affectés : 80% des moutons islandais périssent dans l'année, la famine tue un cinquième de la population de l'île, ramenant celle-ci à 40 000 habitants.
Mais les problèmes ne se limitent pas à l'Islande : poussé par les vents, le nuage volcanique atteint l'Europe continentale dans les jours et les semaines qui suivent.
On en constate même les effets en Asie et en Amérique du nord ! Affolée par le brouillard dense, qui prend parfois une couleur sang, et les pluies de cendre, la population panique et recourt aux superstitions pour prévenir la catastrophe.
L'étude des registres paroissiaux montre qu'il y avait de quoi paniquer : la surmortalité dans les mois qui suivent est de l'ordre d'un tiers. Les éruptions, car il s'agit davantage d'une série d'éruptions que d'une seule éruption, s'atténuent en octobre, avant de cesser en février 1784.
Lorsque l'effet immédiat s'estompe, les conséquences à moyen terme prennent le relais. Elles sont d'autant plus graves qu'une autre gigantesque éruption a lieu au Japon du 9 mai au 5 août 1783. Très mortifère elle aussi, elle contribue vraisemblablement à perturber le climat.
Après avoir élevé la température dans les premiers jours, les nuages volcaniques, en empêchant le rayonnement solaire de toucher la terre, provoquent un hiver exceptionnellement froid en Europe. La Seine est totalement gelée le 1er février 1784. Et lorsqu'intervient la fonte des neiges, les rivières sortent de leur lit à travers tout le continent : de Caen à Prague, les inondations sont catastrophiques. À Paris, elles durent un mois et demi. Partout, les autorités doivent intervenir pour secourir les malheureux.
Il est difficile de mesurer avec certitude les dégâts provoqués par ces éruptions : on évalue à plusieurs dizaines de milliers le nombre de morts en Europe. Si on peut mettre l'activité du Laki en relation avec les phénomènes climatiques extrêmes de 1783-1784, on est moins certain de son impact sur les années qui suivent : caractérisées par un « mini-dérèglement climatique », elles alternent sécheresses et grands froids, récoltes exceptionnelles et disettes.
De là à attribuer au volcan islandais le déclenchement de la Révolution, comme le proposent certains, il y a un pas qu'on se gardera de franchir : dans d'autres pays, les mêmes phénomènes n'entraînent pas les mêmes effets.
Notons qu'un autre volcan, indonésien celui-là, le Tambora, aura, en 1815 et dans les années suivantes, des conséquences moins dramatiques et plus souriantes concernant l'art et la littérature...
Texte écrit le 31 décembre 1783 par le curé, M. Mathieu
Nos successeurs ne trouveront pas icy sans intérêt les désastres et les phénomènes de cette année 1783, dont les annalles du monde n’offrent rien de semblable pour leur étendue et leur singularité. L’Europe, depuis son midy jusqu’au nord austral, c’est-à-dire depuis la Sicile jusqu’à l’Islande, a éprouvé d’horibles tremblemens de terre dont les foyers ont été les monts Etna et Héclat ; le premier a détruit toutes les villes, bourgs et villages, vignobles et plantations quelconques des deux Calabres et d’une grande partie de la Sicile, dont Messines, l’une de ses capitalles, ne montre en ce moment que des ruines. Dans l’autre point, il s’est élevée une isle brûlante au millieu de ces mers presque toujours glacées. Les calamitées de ces mouvemens convulsifs sont au dessus de toutes expressions dans les Calabres et la Sicile.
L’Europe entière a vu successivement et avec un égal étonnement un brouillard sec qui, pendant une grande partie des mois de juin et juillet, interceptoit les rayons du soleil et de la lune et donnoit à ces deux flambeaux une couleur de sang ; et beaucoup d’épidémies affligeantes, grandes sécheresses, cependant bonne récolte, mais peu abondante.
In futuram rei memoriam.
Signé illisible,
curé de Morfontaine
Remerciement à Henri Magdalena pour la communication de ce document
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