21 juillet 1773

Dissolution de la Compagnie de Jésus

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la Compagnie de Jésus est un ordre religieux toujours reconnu et apprécié pour la qualité exceptionnelle de sa pédagogie et de ses écoles, ainsi que pour ses nombreuses missions d’évangélisation menées à travers le monde. Les Jésuites sont intellectuellement, scientifiquement, théologiquement et socialement contemporains de leur temps mais ils ont aussi de nombreux détracteurs.

Perçu comme pilier principal de l’Église, l’ordre religieux est critiqué, dénoncé puis expulsé des États catholiques sous l’influence des idées des Lumières et du « despotisme éclairé ». Face aux pressions de ces forces combinées, le pape Clément XIV supprime universellement la Compagnie de Jésus par le bref apostolique Dominus ac Redemptor du 21 juillet 1773.

Matthias Mauvais

Le pape Paul III approuve la Compagnie de Jésus, Domingos da Cunha, 1640, la Nouvelle Cathédrale Sé Nova de Coimbra, Portugal. Agrandissement : Paul III approuvant la Compagnie de Jésus, Anonyme, sacristie de l'église Il Gesù à Rome.

Les Jésuites : éducateurs et missionnaires

La Compagnie de Jésus est un ordre religieux catholique fondé en partie par saint Ignace de Loyola et approuvé en 1540 par le pape Paul III. Ses membres, les « Jésuites », professent les trois vœux habituels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance auxquels s’ajoute le vœu d’obéissance spéciale au pape.

Saint Ignace et Saint François Xavier, fondateurs de l'ordre des Jésuites, Cathédrale de Cordoue. Agrandissement : la fondation mystique de la Compagnie de Jésus, XVIIe-XVIIIe siècle, sacristie de la Nouvelle Cathédrale Sé Nova de Coimbra, Portugal. Ainsi, la vocation de ces religieux est bel et bien de se mettre au service de l’Église catholique ; pour cela ils se spécialisent dans la mission d’évangélisation, la justice sociale et l’éducation. Justement, la Compagnie de Jésus est créée à un moment où l’Église réagit à la Réforme protestante en lançant une « Contre-Réforme » marquée notamment par le Concile de Trente (1545-1563).

Aussi, pour répondre aux critiques concernant la discipline et la formation de ses prêtres, l’Église tridentine décide de réformer son clergé. La Compagnie de Jésus, composée alors d’éducateurs, d’intellectuels et de fondateurs d’écoles, devient automatiquement le fer de lance de cette réforme.

Rapidement, les Jésuites forment le premier corps enseignant de la catholicité moderne et leurs collèges rendent d’incontestables services en assurant la formation d’une partie des élites nobiliaires et bourgeoises.

Missionnaire (habillé de noir) présent au darbâr (audience) de Jahângîr, quatrième empereur moghol, Abu'l-Hasan, Boston, Museum of Fine Arts.  Agrandissement : Frontispice de l'ouvrage d'Athanasius Kircher, China Illustrata, 1667. Adam Schall et Matteo Ricci déploient une carte de la Chine sous la protection de François Xavier et d'Ignace de Loyola.Paradoxalement cet ordre religieux qui s'était signalé par l'excellence de sa pédagogie allait être détruit par ses élèves après que ceux-ci eurent basculé dans le camp de l'anticléricalisme, voire de l'athéisme. Prenons l’exemple de Voltaire qui après avoir profité de la qualité d’enseignement du collège Louis-Le-Grand (fondé par la Compagnie en 1550), écrira à plusieurs reprises contre les Jésuites.

Enfin les religieux de l’ordre ignacien sont aussi des missionnaires. En 1750, on compte 22 500 Jésuites dans le monde et environ 700 écoles dirigées par eux. Ils sont en mission sur les cinq continents et en particulier dans les colonies portugaises et espagnoles.

En Amérique du Sud, ils évangélisent au sein des « Réductions », ces lieux de vie où les populations indigènes étaient regroupées pour qu’elles soient mieux intégrées au système politico-économique de la colonie, et pour qu’elles soient protégées des razzias de chasseurs d’esclaves. C’est également aux Jésuites que l’on doit les premières semences d’évangélisation en Asie, surtout en Chine, au Japon, en Inde et en Corée.

Chrétiens japonais en costume portugais, Anonyme, XVIe-XVIIe siècle, Japon.

Les controverses et polémiques

Cependant l’apparition et le développement de la Compagnie n’est pas sans conséquence d’abord pour la vie religieuse. Les premières polémiques en matière de théologie morale aussi bien avec les protestants qu’avec les jansénistes suscitent beaucoup d’inimitiés envers les Jésuites qui sont également considérés comme trop indulgents et laxistes.

La querelle la plus connue reste sans doute celle concernant « la grâce et le libre arbitre » qui les opposent aux Dominicains et aux Jansénistes au cours du XVIIe siècle. C'est ainsi qu'à la demande des jansénistes, Blaise Pascal attaque les Jésuites en 1656-1657 dans Les Provinciales sur la question de la casuistique et en particulier contre leur morale libérale jugée laxiste, qui donne une trop grande place à la liberté de conscience. Il écrit : « Les jésuites ont répandu dans l’Église les ténèbres les plus épaisses qui soient jamais sorties du puits de l’abîme. » Pour lui, un chrétien doit réguler sa conscience uniquement d’après la volonté de Dieu.

Francisco de Zurbarán: Saint François en méditation, fondateur de l'ordre des Frères mineurs (Franciscains), Francisco de Zurbarán, 1635-1639, Londres, National Gallery. Agrandissement : Saint Dominique de Guzmán, fondateur de l'ordre dominicain, Claudio Coello, vers 1685, Madrid, musée du Prado.La dispute est si virulente que le pape doit leur imposer à tous le silence ; l’image des Jésuites en sort profondément ternie.

La Compagnie de Jésus est un ordre nouveau qui fait inévitablement concurrence à des ordres plus anciens créant ainsi des luttes d’influence pour se partager les terres de mission en Inde et en Amérique du Sud. Peu à peu, des divergences apparaissent entre missionnaires jésuites, franciscains et dominicains concernant les modes d’évangélisation.

Les Jésuites se différencient par une faculté d’adaptation de l’enseignement de la religion aux coutumes et usages locaux, et s’appuient sur une vision très large de la divinité qui permet de dialoguer avec les autres cultures (principe de l’inculturation). En 1704, la querelle des rites chinois aboutit à une première interdiction et une condamnation par le pape Clément XI qui voit dans l’acceptation des rites indigènes le retour de certaines formes de paganisme ou de culte des idoles.

Narai, souverain du royaume d'Ayutthaya (royaume de Siam), observe une éclipse de soleil avec les jésuites à Lopburi en avril 1688. Le jésuite et mathématicien Louis Lecomte la décrit dans ses Nouveaux mémoires (1696), ouvrage détruit lors la de querelle des rites chinois.

L’image du Jésuite comploteur

La Compagnie connaissait aussi un certain nombre d’oppositions dans le monde politique où elle avait beaucoup d’influence. En tant qu’alliée des monarchies absolues, elle comptait beaucoup de soutiens mais avait aussi beaucoup d’ennemis dans l’aristocratie catholique européenne. Il faut dire que l’ordre était proche du pouvoir et avait acquis de solides positions jusqu’à donner des confesseurs aux rois ce qui ne manquait pas d’alimenter certaines craintes.

Juan de Mariana (1536-1624), jésuite, théologien et historien, Matias Moreno, XIXe siècle, Madrid, musée du Prado.Les souverains ont eux-mêmes appris à se méfier des Jésuites qui s’opposaient traditionnellement à l’absolutisme royal alors en plein essor. À la fin du XVIe siècle, le prêtre jésuite espagnol Juan de Mariana avait publié un ouvrage dans lequel il justifiait le tyrannicide. La théorie de Mariana contribua beaucoup au développement de l’image du Jésuite comme « comploteur » et ennemi du pouvoir royal.

En France notamment, ces prises de position causèrent beaucoup de difficultés à la Compagnie car le pays, déchiré par les violences des guerres de religion, ne pouvait accepter des arguments favorables au régicide. Rappelons qu’Henri III est assassiné par un religieux dominicain en 1589, ainsi lorsqu’en 1610, le roi Henri IV est assassiné à son tour, une véritable tempête éclate contre l’ordre ignacien.

Les Jésuites et le mouvement des Lumières

Au XVIIIe siècle, les sentiments de haine et de méfiance envers la Compagnie se cristallisent et prennent une nouvelle ampleur avec le développement en France des Lumières (dico). Le mouvement philosophique cherche à déstructurer par tous les moyens l’Église et s’attaque à la Compagnie qu’elle perçoit comme pilier principal de l’institution religieuse.

Père José de Anchieta, Benedito Calixto, São Paulo, Museu Paulista. L'un des premiers jésuites envoyé par Ignacio de Loyola en Amérique.Pour cela, les philosophes français trouvent le soutien des États dont ils sont convaincus de la supériorité sur l’Église. Le siècle est alors marqué par une nouvelle doctrine politique : le « despotisme éclairé ». Selon cette variante du despotisme, le pouvoir doit être exercé par des monarques de droit divin mais dont les décisions sont guidées par la raison (on parle alors de « rationalisation de l’État. »).

C’est pourquoi les despotes éclairés comme Frédéric II de Prusse, Catherine II de Russie ou encore Joseph II d’Autriche entretiennent des correspondances avec les philosophes des Lumières comme Voltaire ou D’Alembert ; ces derniers bénéficient même parfois d’un soutien financier.

Pourtant beaucoup de savants jésuites participaient à l’entreprise des Lumières. D’ailleurs bon nombre de grands esprits du XVIIIe siècle ne se privaient pas de se moquer de la Compagnie de Jésus tout en pillant ses travaux d’astronomie, de géographie ou d’anthropologie (domaine auquel l’observation missionnaire était très profitable). Mais le « despotisme éclairé » est fatal à l’ordre religieux qui ne fait pas le poids face à l’alliance de ses détracteurs au sein du catholicisme romain et de ceux anticléricaux qui veulent se débarrasser de l’Église.

Ruines de la résidence jésuite de Gorgora Nova, région d'Amhara, Éthiopie. Agrandissement : Ruines de l'église de São Miguel Arcanjo, aujourd'hui au Brésil.

Expulsion dramatique des Jésuites au Portugal et dans ses colonies (1759)

Le premier État à prendre des mesures d’expulsion contre la Compagnie de Jésus est le royaume du Portugal. Le principal responsable de ces mesures est le futur marquis de Pombal (il le deviendra en 1770) Sébastien José de Carvalho.

Marquis de Pombal, école portugaise, XVIIIe siècle. Agrandissement : la Compagnie de Jésus expulsée du royaume du Portugal, 1759, musée de LisbonneEn tant que Premier ministre et homme des Lumières, il estime comme beaucoup que les Jésuites ont trop d’influence à la cour. Comme tous les autres « esprits éclairés » de son temps, il souhaite la suprématie de l’État sur l’Église et mène pour cela une véritable campagne anti-jésuite.

Les religieux sont d’abord chassés de la cour en 1758 puis les attaques et les condamnations envers l’ordre atteignent leur apogée au moment de l’attentat manqué contre le roi Joseph Ier du 3 septembre 1758. Sans aucune preuve, plusieurs membres de la famille ducale de Tavora, proche des Jésuites sont accusés d’être les instigateurs du crime. Sous la torture, ils mentionnent les Jésuites dont une dizaine sont arrêtés et exécutés.

Dans la foulée, les biens de la Compagnie de Jésus sont confisqués et le 20 avril 1759, Joseph Ier informe le pape qu’il expulse tous les Jésuites des territoires portugais à moins qu’ils ne renoncent à leurs vœux. À partir du 3 novembre 1759, environ 1 100 Jésuites venant du Portugal et de ses colonies se retrouvent exilés en Italie dans les États pontificaux où ils ont été envoyés en bateau tandis que des centaines d’autres sont emprisonnés au Portugal.

Comble de l’atrocité, le 21 septembre 1761, le pamphlétaire jésuite et ancien missionnaire au Brésil Gabriel Magdala, âgé de 71 ans, est brûlé vif sur la place publique à Lisbonne. Même Voltaire, pourtant un sympathisant du marquis de Pombal, est choqué par cette exécution brutale.

Le Marquis de Pombal, L'expulsion des jésuites par Louis-Michel van Loo et Claude-Joseph Vernet, 1766, musée de Lisbonne.

En France : Louis XV face au Parlement de Paris (1764)

En France, le roi Louis XV est favorable aux Jésuites tout comme le sont la plupart des évêques mais l’alliance de circonstance entre trois courants ont raison de l’ordre religieux : le jansénisme, le gallicanisme et l’encyclopédisme. En effet, l’Université et le Parlement de Paris sont pénétrées de ces courants et lancent une sorte de défi au pouvoir royal qui tourne carrément au conflit.

Si du côté des catholiques on reproche toujours aux Jésuites leur influence suspecte sur le pouvoir et leur fidélité inconditionnelle au Saint-Siège, les philosophes « éclairés » eux, espèrent en plus profiter de la situation. Ainsi en 1761, D’Alembert écrit à Voltaire : « Que la canaille janséniste nous débarrasse des polissons jésuites. Ne fais rien pour empêcher que ces araignées se dévorent les unes les autres. » Après la suppression de la Compagnie en France, il écrira aussi : « On ne peut pas dire des jésuites que leur mort ait été aussi brillante que leur vie ; si quelque chose même doit les humilier, c’est d’avoir péri si tristement, si obscurément, sans éclat et sans gloire. »

Un tournant se fait dans l’opinion publique lorsqu’intervient le scandale financier du père jésuite Antoine Lavalette, supérieur des missions aux Antilles. Ce dernier menait des opérations commerciales - malgré l’interdiction de ses supérieurs - entre les Caraïbes et l’Europe, jusqu’au jour où ses navires sont pillés par des corsaires. Les pertes considérables amènent Antoine Lavalette à faire banqueroute et ce dernier se retrouve condamné - solidairement avec toutes les maisons jésuites de France - à rembourser ses dettes. Cependant, les Jésuites ne peuvent assumer cette responsabilité.

Caricature anti-jésuite célébrant l'expulsion de la Compagnie de Jésus hors du royaume de France, 1762, Paris, BnF.

Cette affaire de malversations financière est alors utilisée par le Parlement de Paris - composé en grande partie de magistrats jansénistes - qui en profite pour remettre en cause les Constitutions de l’ordre religieux et son admission dans le royaume. Le roi tente de calmer le jeu et de temporiser mais face à l’opiniâtreté des Parlements, il laisse faire. Ainsi, en novembre 1764, conformément aux avis de la majorité des Parlements, un édit royal entérine l’expulsion des Jésuites. La Compagnie est proscrite en France, ses biens sont confisqués mais les religieux sont autorisés à rester comme « bons et fidèles sujets », sous l’autorité des évêques.

Bien que la situation soit moins dramatique qu’au Portugal, tout de même les conséquences sont graves pour l’enseignement en France qui se retrouve complètement désorganisé puisque de nombreux pères décident de s’exiler. Dans le royaume, à l’orée des années 1760, ces derniers tenaient 111 collèges, neuf noviciats, 21 séminaires, quatre maisons professes, huit missions et treize résidences. La relève est difficile malgré l’implication des autorités locales, civiles et religieuses. Ainsi, partout les pensionnaires sont renvoyés chez eux. Dès lors, ce sont les Oratoriens qui dirigent en France l’instruction catholique.

Expulsion des jésuites d'Espagne par ordre de sa Majesté catholique (31 mars 1767), Vizille, musée de la Révolution française.

En Espagne et dans ses colonies (1767)

Dans le royaume d’Espagne gouverné alors par Charles III, la Compagnie a aussi ses détracteurs qui s’inspirèrent d’ailleurs beaucoup de leurs voisins portugais. Déjà en 1750, les missionnaires jésuites des Réductions du Paraguay s’étaient mis la couronne à dos en aidant la résistance indienne dans le cadre de la guerre des Guaranis.

Portrait d'Aranda Campomanes, Francisco Bayeu, Madrid, Real Academia de la Historia.Mais c’est en 1766, lorsque Madrid se soulève contre la politique du ministre des Finances Leopoldo de Gregorio, marquis d’Esquilache, que le roi trouvera le moyen de se débarrasser des Jésuites. La révolte populaire est grave et menace la figure royale si bien que Charles III préfère écarter le ministre pour le remplacer par le comte d’Aranda Campomanes, un admirateur de Sébastien José de Carvalho, le bourreau des Jésuites portugais.

Le nouveau ministre des Finances dénonce sans surprise les Jésuites comme les instigateurs de cette révolte, les soupçonnent de vouloir renverser la couronne en Espagne et de vouloir soumettre le pays au Saint-Siège.

Le 29 janvier 1767, le conseil de Castille décide en secret que les Jésuites doivent être expulsés d’Espagne et de ses colonies, et que tous leurs biens soient confisqués. Les mêmes arguments sont avancés : cupidité, avarice, corruption de la jeunesse et incitation à la révolte contre la couronne.

Le roi Charles III, Anonyme, Parme, Galleria Nazionale. Agrandissement : Charles III en tenue de cour, José del Castillo, 1775-1785.Le 27 février de la même année, le roi signe la Sanction pragmatique, un décret secret de bannissement qui est envoyé dans toutes les municipalités où se trouvent des collèges et des résidences jésuites. Tous les pères doivent quitter les lieux et ne peuvent emporter qu’un bréviaire et quelques objets de premières nécessité.

Près de 2 700 Jésuites sont regroupés manu militari dans divers ports du royaume où une flotte est chargée de les transporter à Rome, qui refuse de leur donner asile jusqu’en 1768. Pendant ce temps-là, 2 300 autres réfugiés jésuites arrivent des colonies du Mexique, d’Amérique du Sud et des Philippines. Charles III décrète que toute démonstration populaire en leur faveur sera considérée comme un acte de « haute trahison ».

Glorification de l'Immaculée Conception, Francisco Antonio Vallejo, XVIIIe siècle, Mexique, Museo Nacional de Arte. De chaque côte du retable, à gauche, le pape Clément XIV, à droite, le roi Charles III.

La suppression universelle de la Compagnie de Jésus

Après le Portugal, la France et l’Espagne, les souverains des autres États liés aux Bourbons emboîtent le pas et suivent l’exemple. Ainsi, Ferdinand d’Espagne, le fils de Charles III, expulse les Jésuites du royaume de Naples et de Sicile en 1767, et le duché de Parme agit de même en 1768.

Le pape Clément XIV, vers 1770, Giovanni Domenico Porta, Rome, Museo della Città - Acquapendente.Le nouveau pape Clément XIV, qui succède à Clément XIII en 1769, tente de faire face au pacte familial des Bourbons. Mais en 1773, il voit son dernier espoir disparaître lorsqu’il comprend que la cour de Vienne, dernière grande puissance catholique, ne s’opposera pas au programme des gouvernements français et espagnols.

La décision de Marie-Thérèse d’Autriche peut paraître paradoxale de la part d’une souveraine très dévote et qui n’a jamais dissimulé ses sympathies pour les Jésuites. Mais il n’était pas dans son intérêt de déplaire aux Bourbons à un moment où elle cherchait à marier ses nombreuses filles (dont Marie-Antoinette). Sans compter que Marie-Thérèse d’Autriche savait quel bénéfice les finances de son État tireraient de l’expulsion de la Compagnie de Jésus et de la liquidation des biens jésuitiques.

Clément XIV subit des pressions politico-religieuses de plus en plus fortes jusqu’au 21 juillet 1773 où il prononce finalement la suppression universelle de la Compagnie de Jésus par le bref apostolique Dominus ac Redemptor. Après avoir signé, il aurait dit : « Je me suis tranché la main droite ». Les monarchies catholiques ont réussi à faire plier le souverain pontife qui se voit obligé de détruire un ordre qui était pourtant au service de Rome.

Le Dominus ac Redemptor par lequel le pape Clément XIV a supprimé la Compagnie de Jésus (1773).

Néanmoins, les communautés et collèges jésuites survivent en Prusse et dans la partie polonaise de l’Empire russe car leurs souverains respectifs, Frédéric II et Catherine II, plutôt hostiles au catholicisme, interdisent aux évêques de promulguer le bref pontifical. Ces deux dirigeants pourtant non-catholiques ne voulaient pas se priver du service en matière de formation et d’éducation de ces religieux sur leurs terres, de sorte que beaucoup de Jésuites dispersés s’y réfugièrent.

La restauration de la Compagnie de Jésus

Quarante ans plus tard, après la tourmente révolutionnaire et les guerres napoléoniennes, l’Europe des Anciens Régimes a laissé place à celle des Restaurations, le climat politique n’est donc plus hostile à la présence du catholicisme organisé. Le 7 août 1814, la Compagnie de Jésus est restaurée par le décret du pape Pie VII Sollicitudo omnium ecclesiarum.

Dès lors, tout au long du XIXe siècle, on assiste à un retour progressif des Jésuites. On en comptait 2 150 en 1814 et 21 650 en 1930. Aujourd’hui, l’ordre religieux a repris avec encore plus de vigueur sa tradition et sa mission apostolique. En 2013, pour la première fois de l’histoire, un Jésuite, Jorge Mario Bergoglio, a été élu pape de la Sainte Église romaine sous le nom de François Ier.

Publié ou mis à jour le : 2022-11-24 11:14:01
Frapi (28-11-2022 09:10:42)

Juste sur la forme : *[...] Jorge Mario Bergoglio, a été élu pape de la Sainte Église romaine sous le nom de François.* pas "Ier", il a expressément demandé d'être appelé "pape François",... Lire la suite

Jacques Moussalli (25-09-2006 19:30:21)

Bien, mais un peu sommaire. En fait le rayonnement des peres de la compagnie de Jesus ne s'est pas limite aux pays nouvellement "colonises" des Ameriques.... Cet article a besoin de mettre l'accent pl... Lire la suite

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