Le 23 février 1771, le roi Louis XV publie un édit qui institue la gratuité des procédures judiciaires et supprime la vénalité des charges de magistrats.
Jusque là, les charges de juges étaient vendues par l'État. Elles étaient très prisées car elles procuraient à leurs détenteurs de fructueux bénéfices qui venaient des « épices », en d'autres termes des pots-de-vins payés par les justiciables. La vénalité des charges nuisait à l'impartialité de la justice mais elle limitait aussi l'autorité du roi sur ses propres agents... Difficile d'imposer quoi que ce soit à un subordonné que l'on ne peut ni licencier ni contraindre !
Par l'édit Paulet de 1604, le roi Henri IV, en quête d'argent frais, avait accordé aux parlementaires et magistrats le droit de transmettre leur charge à leur héritier à moindres frais, ce qui avait accru l'indépendance des magistrats à l'égard du pouvoir royal.
L'édit royal de 1771 prévoit de simplifier les procédures et de les uniformiser sur l'ensemble du royaume. Il entraîne de facto la disparition des « épices ». Désormais, les juges doivent être recrutés selon leur seul mérite. C'est la promesse d'une plus grande égalité des Français devant la justice. C'est aussi pour le gouvernement l'assurance d'une plus grande autorité sur ses agents...
Cet édit véritablement révolutionnaire est conforme à la philosophie des « Lumières » et à l'idéal de liberté dont sont épris les esprits éclairés de ce temps.
Le chancelier René Nicolas Maupeou en est l'initiateur. Quelques semaines plus tôt, il a obtenu la suppression des anciens Parlements judiciaires, coupables d'intervenir dans le domaine politique en s'opposant à toutes les réformes et en minant l'autorité royale. Le chancelier instaure six Conseils supérieurs dans le ressort de l'ancien Parlement de Paris. Il en fait autant en province.
Mais les élites du pays, insensibles au caractère progressiste de l'édit, se gaussent du « Parlement Maupeou ». Beaumarchais met toute sa verve au service des opposants : privilégiés et anciens parlementaires nostalgiques de leurs « épices ». Les gens du peuple ne sont pas reconnaissants au roi de cet édit. C'est que Louis XV, au crépuscule de son règne, est honni de tous et son gouvernement discrédité quoi qu'il fasse.
Le souverain résistera jusqu'à sa mort aux pressions de toutes parts en faveur d'un retour à l'ancienne « justice ». Mais en 1774, son petit-fils et successeur, le jeune Louis XVI, n'aura d'autre hâte que de renvoyer Maupeou et de rappeler les anciens parlementaires.
Quinze ans plus tard, la Révolution tentera à nouveau d'instaurer l'égalité de tous les citoyens devant la justice.
Je recommande sur l'époque pré-révolutionnaire l'essai classique de Jean Albert-Sorel: Le déclin de la monarchie (1715-1789) (Arthème Fayard, 1948). Agréable à lire, vivant et bien documenté.
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