Le 10 février 1763, par le traité de Paris, la France met fin à la guerre de Sept Ans avec l'Angleterre, l'Espagne et le Portugal.
La France évincée de l'outre-mer
Le traité est négocié au nom du roi Louis XV par le Premier ministre, le duc Étienne de Choiseul. Il se solde par la quasi-disparition du premier empire colonial français.
La présence française en Amérique du Nord avait commencé de se racornir avec le traité d'Utrecht de 1713 et la cession de l'Acadie à l'Angleterre ; cette colonie nord-américaine allait plus tard donner naissance aux provinces de Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Lors du traité d'Utrecht, la France avait perdu aussi ses bases de pêche de Terre-Neuve et les territoires de la baie d'Hudson, très riches en fourrures, malgré les exploits réalisés par le Canadien Pierre Le Moyne d'Iberville et ses frères pour conserver ces territoires à la France.
Avec le traité de Paris de 1763, la France cède cette fois à son ennemie la Nouvelle-France, principale implantation française en Amérique du Nord. Le roi George III la débaptise par la Proclamation royale du 7 octobre 1763 et elle devient officiellement « The Province of Quebec ». La France ne conserve dans le golfe du Saint-Laurent que le petit archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, dédié à la pêche à la morue.
Le sacrifice de Montcalm devant la ville de Québec est passé par pertes et profits.
Un an avant le traité de Paris, la France avait secrètement cédé à l'Espagne la Louisiane occidentale, c'est-à-dire la rive droite du Mississippi (jusqu'aux Montagnes Rocheuses) ainsi que La Nouvelle-Orléans. Il s'agissait pour Paris d'offrir une compensation à son alliée malencontreusement entraînée dans la guerre de Sept Ans.
Par le traité de Paris, la France cède à l'Angleterre ce qui lui reste de la Louisiane, autrement dit la rive gauche du Mississippi. Elle ne conserve plus dès lors en Amérique du nord que le petit archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Notons que l'Espagne restituera la Louisiane occidentale à la France en 1800. Trois ans plus tard, ce vaste territoire fera l'objet du « Louisiana Purchase » entre Napoléon Bonaparte et Thomas Jefferson. Il est maintenant recouvert par treize États des États-Unis.
Aux Indes, la France cède à l'Angleterre la quasi-totalité de ses possessions. Elle conserve tout juste cinq comptoirs qui feront rêver des générations d'écoliers : Pondichéry, Chandernagor, Yanaon, Karikal et Mahé. Triste épilogue de la brillante entreprise diplomatique de Dupleix.
La France récupère Belle-Île ainsi que la Martinique, la Guadeloupe et ses comptoirs d'Afrique (Saint-Louis du Sénégal, Fort-Dauphin de Madagascar...).
Elle conserve surtout Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti). C'est la seule colonie à laquelle tiennent les bourgeois de l'époque, y compris les « philosophes », en raison des riches plantations de sucre où travaillent les esclaves (l'île deviendra indépendante 40 ans plus tard).
À propos du traité, Voltaire écrit au ministre Choiseul : « Je suis comme le public : j'aime mieux la paix que le Canada et je crois que la France peut être heureuse sans Québec ». Avec beaucoup de mépris et bien peu de clairvoyance, l'illustre « philosophe » évoquera plus tard dans Candide ces « quelques arpents de neige vers le Canada ».
Le ministre, qui devait s'illustrer par la suite en achetant la Corse, affiche une opinion similaire et pense « ...qu'une colonie ne vaut que pour le gain qu'elle procure à la métropole ».
Jean-Jacques Rousseau, quant à lui, écrit dans une lettre adressée à son ami Diderot : « Il est regrettable que nous n'ayons pu continuer de vivre en communauté avec ces sauvages, car sans doute nous eussent-ils enseigné ces vertus que j'ai vainement recherchées auprès de ceux que les conventions et l'usage me contraignent de nommer des hommes civilisés. »
Le 15 février 1763, c'est au tour de la Prusse et de l'Autriche de signer la paix à Hubertsbourg, en Saxe. Le traité reconnaît au roi de Prusse Frédéric II la possession définitive de la Silésie (cela en violation de toutes les règles antérieures de la diplomatie européenne, le roi n'ayant aucun droit dynastique sur la province).
À l'issue de la guerre de Sept Ans, dont on peut dire qu'elle est la première guerre mondiale car elle s'est déroulée sur tous les continents, la Prusse devient ainsi le principal État allemand et l'Angleterre la première puissance coloniale. Les traités de 1763 dessinent pour un siècle et demi le paysage de l'Europe.
Le recul colonial de la France au XVIIIe siècle a tenu à l'affaiblissement progressif de sa marine. Vers 1680, la France de Louis XIV pouvait aligner, grâce à Colbert et son fils Seigneulay, une flotte de guerre d'environ 200 navires, sans compter la flotte marchande. Ce fut l'âge d'or de la « Royale ». Elle faisait la loi sur les océans et les mers avoisinant son territoire et soutenait un empire colonial qui se développait régulièrement.
Cinquante ans plus tard, la France ne dispose déjà plus que d'une flotte de guerre de 50 à 80 navires tandis que la Navy britannique compte 200 unités. C'est le résultat du désintérêt porté à la guerre maritime et du recentrage de l'effort militaire sur la guerre continentale. C'est aussi le résultat du traité de La Haye avec l'Angleterre négocié par l'abbé Dubois en 1718, sous la Régence. Cette politique pacifiste a été poursuivie à la majorité du roi Louis XV par son Premier ministre, le cardinal Fleury.
Sur mer, en l'absence de guerre déclarée, la rivalité franco-anglaise se traduit par la guerre de course, mais les corsaires français, à l'exception de figures légendaires comme René Duguay-Trouin, sont bien en peine de suppléer aux insuffisances de la « Royale ».
Lorsqu'éclate la guerre de Sept Ans, la Grande-Bretagne compense ses faiblesses militaires en tirant parti de sa supériorité navale. Celle-ci lui permet d'envoyer au Canada des troupes relativement nombreuses pour attaquer les unités françaises. C'est ainsi que survient le désastreux traité de Paris. Dans les années qui suivent, les responsables de la marine française tentent de se ressaisir, notamment avec le plan de réforme de 1763 du comte Charles-Henri d'Estaing. Sous les ordres de l'amiral de Grasse, la « Royale » allait s'illustrer vingt ans plus tard dans le soutien aux insurgés américains. Leur indépendance apparaît comme une revanche sur le traité de Paris.

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Liger (10-02-2023 19:28:37)
La guerre de course est la guerre du pauvre, globalement inefficace, pratiquée par les pays ne disposant pas d'une vraie marine, comme la France entre 1789 et 1815 ou l'Allemagne pendant la Seconde Guerre Mondiale, voire la première, etc.
Inversement, ce sont les vraies flottes qui ont joué un rôle dans la victoire de leur pays : Angleterre, le Diable sait combien de fois, souvent la France de Louis XIV et de Louis XVI, etc. Qu'on se souvienne aussi du rôle décisif joué par la marine coréenne sous le commandement de l'amiral YI Sun Shin : la combinaison de la qualité des navires et de leurs équipages avec le génie manœuvrier de cet amiral bien trop méconnu firent échouer l'invasion des Japonais (Guerre d'Imjin entre 1592 et 1598) qui avait pourtant conquis Séoul 3 semaines après leur débarquement à Pusan.
Pierre (11-02-2022 01:09:31)
La prise de Québec a peut-être eu beaucoup d’impact sur la suite des choses. Si Montcalm avait att3ndu Bougainvillée, il aurait écrasé les Anglais qui s’étaient peinturés dans le co8n, adossés à la falaise. La Vallée du Saint-laur3nt serait restée française. Les Américains ont toujours eu beaucoup de difficultés avec les CanaDiens et leurs alliés autochtones. Auraient-ils défié la mère patrie dix ans plus tard? Louis XVI les aurait-il soutenu? Les Canadiens auraient été des adversaires plus coriaces que les Autochtones pour freiner l’expansion territoriale americaine
JP LAFAILLE (06-04-2014 17:55:12)
Vous écrivez : "Les corsaires français munis de leur lettre de course attaquent allègrement les convois britanniques avec une ingéniosité tactique sans égale qui compense leur faiblesse numérique."
J'ai lu il y a peu dans la revue "Guerres et Histoire" un article apparemment très fouillé sur les corsaires anglais et français. En résumé, à part quelques "vedettes" rarissimes, comme Surcouf, Duguay-Trouin ou Jean Bart, les corsaires français ne faisaient que caboter à proximité de leur port d'attache et ne ramenaient en général qu'un maigre butin (P. ex. un pêcheur avec sa cargaison de poissons), à peine de quoi rembourser les frais de leur expédition, au point même que l'administration royale renonçait souvent à sa part du (maigre) butin.
Selon cet article, la "guerre de course" se passait en général de façon fort "civile". Le corsaire tirait un coup de semonce. Soit le navire visé mettait en panne et un détachement du corsaire montait à bord pour vérifier si le navire était "de bonne prise" (nationalité, cargaison...) auquel cas il était amené au port d'attache du corsaire et vendu (navire et cargaison) aux enchères. Je ne sais plus ce qu'il advenait de l'équipage. Sans doute considéré comme prisonniers de guerre.
Si le navire ne mettait pas en panne, il était automatiquement considéré "de bonne prise". Souvent alors, le corsaire "laissait tomber", son équipage étant fort peu désireux de se frotter à l'équipage adverse. Canonner la "prise", au risque de la couler, offrait peu d'intérêt, vu qu'alors, en cas de naufrage, on perdait tout bénéfice (financier) potentiel à l'action. La « montée à l’abordage », sabre entre les dents, n’est qu’une invention de Hollywood.
Ceci ne concerne évidemment pas les "vedettes" citées plus haut, qui se sont enrichies, mais sans apporter un gain significatif à la France.
Bien différents, toujours selon l'article Guerres et Histoire, étaient les résultats des corsaires anglais, (Francis Drake, Walter Raleigh...) qui auraient été un réel appoint à la Royal Navy. Rappelons que Drake et Raleigh contribuèrent à la déconfiture de l' "Invincible Armada [espagnole]" et ont joué leur rôle dans la perte des colonies françaises en Amérique, au profit de l'Angleterre.
René Marcel Sauvé (29-06-2009 11:46:21)
La France abandonne la Nouvelle France avec le traité de Paris du 10 février 1763. Peu reluisant comme scénario diplomatique. Nous,colons du Québec, sommes abandonnés. Soit. N'y aurait-il pas lieu de regarder vers l'Est, vers la Russie et les possiblités offertes par l'ouverure récente du port et et de la grande ville de St Pertersbourg,afin de trouver au revirement de la politique française vers l'Amérique du nord une explication plus proche de la réalité? Le commerce russe du bois, le meilleur du monde, des fourrures et des matières premières n'apparaissait pas dans le décor diplomatique et géopolitique de 1763, mais il devait être réel. Autrement plus économique pour la France et l'Angleterre de passer par les détroits scandinaves, la mer Baltique et de là vers St Petersbourg que traverser le terrible Atlantique nord et risquer le naufrage presque à tout coup, pour échanger des produits de première nécessités, peu rentables, pour des fourrures, du bois et quelques autres minerais que la Russie offrait en quantités astronomiques. Les affaires sont les affaires et la politique est d'abord affaire d'intérêts, de rapports de forces et d'effectivité. Comment expliquez vous autrement la tentative de Napoléon d'inféoder la Russie moins que 50 ans plus tard? Une guerre ne commence pas le jour lorsque les armées se lancent à l'attaque mais au moins 40 ans auparavant. Quelles investigations avez-vous faites en France au sujet des décisions diplomatiques et militaires de la France d'abandonner sa colonie en Amérique pour: 1. Venir en aide aux Yankees de Nouvelle Angleterre avec l'espoir de chasser l'Angleterre de l'Amérique du nord. 2. Réorganiser le commerce français vers la Russie, plus prometteuse ? Salutations, René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et auteur de Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires.