Le 5 avril 1722, l'explorateur hollandais Jacob Roggeveen aborde une île isolée en plein Pacifique. Comme c'est le jour de Pâques, il la baptise tout simplement... Île de Pâques.
L'île est le sommet émergé d'un massif volcanique sous-marin. À la différence de la plupart des autres îles du Pacifique, elle n'est pas protégée des vagues par une barrière de corail et un lagon, ce qui rend son approche en bateau difficile. Sur son sol aride de 171 km2 survivent quelques centaines de misérables Polynésiens.
Les ancêtres de ces malheureux, arrivés en pirogue entre 900 et 1200 de notre ère, avaient découvert un paradis doté d'une faune et d'une flore exubérantes, qu'ils avaient appelé dans leur langue Rapa Nui.
Ils avaient bâti une société prospère et même inventé une écriture idéographique, le rondorongo. Ils s'étaient multipliés mais sans jamais dépasser l'effectif de trois mille selon la paléogénéticienne Evelyne Heyer (Nature, 11 septembre 2024).
La population était divisée en clans familiaux dont chacun était établi dans l'une des vallées sèches qui descendaient vers l'océan, cultivant ses jardins et honorant ses morts. Les dépouilles de ces derniers étaient déposées sur la grève.
Pour se protéger de l'océan hostile, chaque clan avait aménagé près du rivage une plate-forme en pierre surmontée de statues géantes, alignées comme à la parade, au regard impressionnant de vie, tournées vers les jardins et les habitants.
Les habitants sculptaient les statues (les moaï) dans les flancs des trois anciens volcans de l'île. Ils les faisaient ensuite glisser jusqu'aux plates-formes de pierre qui leur étaient destinées (les ahu). Pour cela, ils fabriquaient des rails et des cordages avec les palmiers géants qui couvraient l'île.
On a dénombré un total de 800 statues, représentant des hommes et des femmes d'une taille d'un mètre à 22 mètres. La majorité sont restées sur les lieux d'extraction, en position couchée. 256 ont été déplacées et 164 de celles-ci ont été érigées sur les plates-formes.
Les Européens qui ont exploré l'île, tels Lapérouse et Cook au XVIIIe siècle, n'ont pas manqué de s'interroger sur l'arrêt subit de cette activité et le déclin brutal de la société pascuane, que les scientifiques situent vers le milieu du XVIIe siècle. Irresponsabilité des hommes ou fatalité de la Nature ?...
Comme si la déforestation ne leur avait pas suffi, les Pascuans ont encore souffert de l'esclavage et du travail forcé suite à l'arrivée des Européens. Ils n'étaient plus que 111 en 1877.
En 1888, l'île passe sous la souveraineté du Chili. Un entrepreneur livre le sol à des milliers de moutons. Le surpâturage dévaste ce qui reste de ressources agricoles et relègue les derniers habitants dans un recoin misérable de l'île.
Dans les années 1950, diverses personnalités, comme Thor Heyerdal, se penchent au chevet de l'île et remettent à l'honneur ses antiques statues. Les moutons sont chassés. L'île renaît lentement à la vie. Elle compte en ce début du XXIe siècle 4 000 habitants dont la moitié revendiquent leur filiation avec les sculpteurs des moaï.
Vos réactions à cet article
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josé (25-10-2024 18:54:42)
L'article est très intéressant, mais je note une incohérence : d'un coté on dit que les premières statues sont construites entre 1600 et 1650, de l'autre que les arbres ont disparu en 1650, "bien avant que les Pascuans érigent leurs monumentales plates-formes".
La cohérence des dates semble bien suggérer un lien de cause à effet entre édification des statues et disparition des arbres, non ? Je ne veux prendre parti pour aucune hypothèse en particulier, mais il me semble donc que les datations apportées par Catherine Orliac n'appuient pas nécessairement sa thèse. Pouvez-vous apporter des éclaircissements ?
Herodote.net répond :
Effectivement, la thèse de Catherine Orliac pèche par cette inconnue : comment les Pascuans ont-ils déplacé leurs statues et leurs pierres si l'île n'avait déjà plus de végétation arbustive au début du XVIIe siècle...
Philippe MARQUETTE (23-10-2024 14:11:55)
La bibliographie concernant cette Île de Pâques est hélas extrêmement réduite.
Merci pour ces 2 publications.
J'espère y aller un jour...
henri75012 (23-10-2024 11:20:41)
Parmi les hypothèses du déboisement, certains auteurs ont mis en cause l'invasion de rats débarqués de bateaux au XVIII siècle. Les rats auraient mangé les noix des palmiers empêchant la repousse de nouveaux arbres... Pour ce que cela vaut...
Cirus17 (06-04-2022 16:19:11)
Merci pour tous ces éclairages, ces monuments, grâce à vous, me sont moins étrangers.
Belle soirée à vous et bien amicalement,
J.Pierre