18 juillet 1721

Les Fêtes galantes pleurent Watteau

Le 18 juillet 1721, Antoine Watteau s'éteint à Nogent-sur-Marne, victime de la tuberculose. Il n'a que 37 ans.

Le mélancolique peintre de Valenciennes apparaît comme le précurseur du siècle des Lumières, de son appétit de jouissance et de bonheur. Il nous montre la civilisation française au sommet de sa gloire, libertine, superficielle et gaie, cultivant la douceur de vivre, avec une pointe d'amertume eu égard au temps qui passe et à la jeunesse qui se flétrit.

Fabienne Manière
Pierrot content, vers 1712-1713, par Antoine Watteau (164-1721), 35x31 cm, Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza

Mélancolie

Le peintre des Fêtes galantes est né en 1684, à Valenciennes, au nord de la France, dans le ménage d'un couvreur, homme d'une si grande violence qu'il doit rendre des comptes à la justice.

L'enfant a grandi dans un foyer sans tendresse. De là son tempérament solitaire et mélancolique qui le rend proche d'un poète tel que Verlaine, lequel a d'ailleurs publié en 1869 un recueil intitulé... Les Fêtes galantes.

Antoine Watteau s'initie à la peinture chez un peintre médiocre de sa ville avant de se rendre à Paris. Là, ce n'est guère mieux. Il travaille dans l'atelier d'un peintre d'oeuvres pieuses. On y produit à la chaîne et il racontera plus tard en riant qu'il s'y était spécialisé dans les têtes de saint Nicolas et les lunettes de vieille femme !

Le règne de Louis XIV s'achève tristement dans les invasions, la famine et les épidémies. Les bourgeois et les nobles fuient la cour de Versailles et se réfugient dans les salons parisiens. Foin de peintures épiques, allégoriques ou religieuses. Ces privilégiés se montrent amateurs de peintures décoratives pour garnir les boiseries de leurs salons et de leurs boudoirs.

Tout un petit monde d'artistes et de marchands se met à leur service. Et les gens du monde peuvent se rendre compte des dernières tendances de la mode en matière de peinture en visitant dans une salle du Louvre un « Salon de peinture et sculpture » qui a lieu tous les deux ans...

Les plaisirs du bal (détail), par Antoine Watteau (vers 1712-1714, 52,5x65,2 cm, Dulwich Picture Gallery, Londres)

Succès éclatant

Les marchands d'art prennent sous leur protection Antoine Watteau, dont le talent se confirme très vite dans la peinture comme dans le dessin. Il sait, mieux que quiconque, reproduire d'un trait de crayon la délicatesse d'un geste ou d'une expression de tendresse. Il a accumulé ainsi des milliers de dessins dont il s'est servi ensuite pour composer ses toiles.

Tout au long de sa courte vie, le peintre va vivre chez les uns et les autres, sans fonder de foyer ni d'atelier. Dans l'atelier du peintre Gillot, il découvre le théâtre de la Commedia dell'Arte qui inspirera plusieurs de ses chefs-d'oeuvre comme Pierrot, dit Gilles.

Vers 1708, il travaille chez le peintre Audran, par ailleurs « concierge » ou conservateur du palais du Luxembourg, où il étudie sans relâche les maîtres anciens et en premier lieu Rubens, qui est de son point de vue le plus grand de tous.

Antoine Watteau développe alors un art inédit en phase avec le goût bourgeois de son époque. S'inspirant des pastorales italiennes, il représente des « conversations » langoureuses entre jeunes hommes et jeunes femmes ou des « assemblées » langoureuses et quelque peu féeriques, à l'ombre de grands arbres. On en a un premier aperçu avec Pierrot content, une petite oeuvre (par son format) réalisée en 1712. Le succès est immédiat. Cinq ans plus tard, le 28 août 1717, il est reçu à l'Académie royale comme... peintre d'histoire avec son célèbre Pèlerinage à l'île de Cythère, une allégorie de l'amour, la déesse Aphrodite ayant séjourné dans l'île de Cythère d'après la mythologie.

Pèlerinage à l’île de Cythère, dit L’Embarquement pour Cythère, par Antoine Watteau (1717, 129x194 cm, musée du Louvre, Paris)

Un regard prémonitoire sur le siècle

Dans le même temps, il réalise des travaux décoratifs pour le banquier et mécène Pierre Crozat puis il se rend à Londres pendant un an pour se faire soigner de la tuberculose, et peut-être aussi pour explorer un nouveau marché. Mais il meurt peu après son retour, après avoir réalisé pour son ami le marchand d'art Gersaint, en une huitaine de jours, la célèbre Enseigne de Gersaint. Notons dans le groupe à gauche de cette toile la mise en caisse d'un portrait de l'ancien roi Louis XIV !...

Antoine Watteau, dont on conserve environ deux cents peintures, a eu plusieurs disciples comme Nicolas Lancret et Jean-Baptiste Pater. Il a aussi inspiré François Boucher et Jean-Honoré Fragonard au début de leur carrière. Les uns et les autres ont comme lui représenté des « conversations » dans une nature idéalisée ou des jardins rêvés. 

Ce genre pictural a disparu à l'avant-veille de la Révolution mais a été réhabilité par les auteurs romantiques et plus encore par Paul Verlaine et les frères de Goncourt. C'est à ces derniers qu'il doit son appellation définitive de « fêtes galantes ».

« Trompeurs exquis et coquettes charmantes,
Coeurs tendres, mais affranchis du serment,
Nous devisons délicieusement »
(Paul Verlaine)

Enseigne de Gersaint (détail), Antoine Watteau, 1721 (1,66 m × 3,06 m, château de Charlottenburg, Berlin)
Publié ou mis à jour le : 2021-07-27 15:45:26

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