Le 25 mai 1720, le Grand-Saint-Antoine entre dans le port de Marseille avec un passager clandestin venu de Syrie, le bacille de la peste. A bord, une dizaine de personnes ont déjà succombé au mal.
Les propriétaires du navire, discrètement prévenus par le capitaine, font jouer leurs relations pour éviter une quarantaine brutale qui empêcherait le débarquement de la cargaison.
Les médecins du port prennent l'affaire avec détachement et décident une quarantaine «douce» : les marins sont débarqués et enfermés dans un dispensaire. Mais les hommes, une fois à terre, n'entendent plus s'occuper de leur linge sale. Ils en font des ballots qu'ils confient à des lavandières...
Le 20 juin, une lavandière meurt après quelques jours d'agonie sans que quiconque prenne garde au «charbon» apparu sur ses lèvres. C'est seulement le 9 juillet, après quelques autres décès, que deux médecins venus au chevet d'un adolescent donnent enfin l'alerte. La peste !
L'épidémie va bientôt faire un millier de morts par jour dans la ville. L'évêque, Monseigneur Belsunce, parcourt les rues au mépris de la mort, assiste et secourt les malades. Le chevalier Roze libère des bagnards et, avec eux, incinère les cadavres qui par milliers pourrissent dans les rues. Tâche indispensable et ô combien dangereuse ! Sur 200 forçats, 12 sont encore en vie cinq jours plus tard.
En deux mois, Marseille va perdre la moitié de ses 100 000 habitants et la peste va tuer dans l'ensemble de la région pas moins de 220 000 personnes...
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ROLANDO (03-11-2021 18:57:57)
C'est Daniel Mouyssinat qui a trouvé les restes du Grand Saint-Antoine à Jarre sauf erreur. Son livre "la mort est venue de la mer" (ou approchant) doit pouvoir encore se trouver... On dit que la basilique de Fourvière a été érigée du fait du vœu marial prononcé par les Lyonnais, les processions religieuses ayant permis que la ville soit épargnée par la peste qui avait remonté la vallée du Rhône... Courtoisement
Françoise (25-05-2020 15:27:52)
On peut voir l'ancre du Grand Saint Antoine au musée d'histoire de Marseille
Jullien (24-05-2020 17:19:24)
Je signale « La santé à Marseille » ouvrage grand format, 290 pages, richement illustré, 20€,
Publié par le Comité du Vieux Marseille. 16 pages pestilentielles...
Voir aussi les registres paroissiaux, s’ils n’ont pas étaient immolés a la déesse Raison. 600 morts à Château-Gombert 113 Marseille. Voir ttes les ref. sur la toile.
Henri (22-05-2019 15:28:27)
Excellent récit ! Mais ne pas oublier l'acteur essentiel de cette épidémie, c'est-à-dire ... la puce. Le fait que la maladie se soit propagée à partir de ballots de linge sale est évocateur. Mais le rôle de la puce n'a été découvert que vers les années 1890-1900 par le médecin Paul-Louis Simond du service de santé colonial. Il écrit "J'éprouvai une motion inexprimable à la pensés que je venais de violer un secret qui angoissait l'humanité depuis l'apparition de la peste dans le monde".
Margane (12-07-2015 16:45:39)
La cupidité et la bêtise et toujours l'intérêt particulier passant avant l'intérêt général sont l'apanage humain primitif le plus meurtrier dans l'histoire.c'est encore une question d'éducation et d'éthique non encore résolue! Cf. Nos politiques,la crise grecque, la réforme de l'école etc...
GM
Jean-Louis (22-05-2015 10:57:14)
A signaler, même si ce n'est pas la même période, l'excellente monographie sur le sujet, issu d'une fouille d'un cimetière à Lambesc :
BIZOT (B.),CASTEX (D.), REYNAUD (P.), SIGNOLI (M.), 2005, La saison d'une peste (avril-septembre 1590). Le cimetière des Fédons à Lambesc (B.d.Rh.), Ed. du CNRS, 132 p.
A consulter par tous les amateurs si l'on veut avoir une idée précise des apports de l'anthropologie à la connaissance des maladies au cours de l'Histoire !
Tranchant (15-09-2012 07:47:27)
Marseillaise depuis deux décennies, j'ai entendu parler d'un mur "anti peste" construit pour empêcher ce fléau de se propager, qu'en est-il ? D'où à où ? (plusieurs dizaines de kilomètres). Je crois qu'on en retrouve encore des traces. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Louis (24-05-2009 18:59:29)
Admirable évêque de Marseille, méprisant ors et honneurs, sans oublier le clergé dans son ensemble,qui défient les lois naturelles pour, à la suite du Christ, donnent leur vie pour sauver la multitude!...
Louis
Anonyme (09-03-2009 15:17:43)
Deux tableaux célèbres de Michel Serre doivent se trouver au musée des Beaux Arts à Marseille.Le peintre etait commissaire du quartier ST Ferreol
PIERINI (03-10-2007 20:07:32)
Très bon texte sur cette période tragique! A Marseille même, les statistiques de l'époque parlent d'au moins 50000 morts(la moitié de la population!) Etant Marseillais et membre d'une association culturelle(comité du vieux Marseille), je peux vous dire que lors d'une intervention archéologique, il y a quelques années, j'ai été témoin de la découverte sur l'esplanade de la Tourette d'une des tours du Moyen Âge qui contenait des restes humains, tour qui servait de réceptacle pour inhumer les nombreuses victimes! Et dont un tableau
retraçant cette scène montre le Chevalier Roze(héros de cette période)donnant l'ordre aux galériens de jeter les corps dans cette la tour en question, retrouvée par les archéologues (tableau se trouvant au musée Atger de Montpellier. Souvent, lors de diagnostics archéologiques encore aujourd'hui, on tombe sur des charniers ! Quant au Grand Saint Antoine, l'épave du navire a été retrouvée à quelques encablures de Pomègues par 30m de fond.