7 mai - 20 juin 1717

Les aventures parisiennes du tsar Pierre Ier

Le séjour parisien du tsar Pierre le Grand, du 7 mai au 20 juin 1717, a nourri la chronique mondaine tout comme, à la même époque, une ambassade perse. C’est que les Russes paraissaient encore aussi étranges que les Persans aux Français de la Régence !

Sans grand résultat concret, ce voyage allait néanmoins marquer le début d’une relation forte et généralement cordiale entre les deux pays ; une relation fondée sur un attrait réciproque pour la culture et l’art de vivre, mais aussi sur un motif moins avouable : une commune rivalité avec l’Allemagne.

Étrangeté d’un empire eurasiatique

En 1698, lors d’un premier séjour en Hollande, le jeune tsar de toutes les Russsies avait fait demander à Louis XIV s’il pouvait l’accueillir à Versailles, et « il fut mortifié, écrit Saint-Simon, de ce que le roi déclina honnêtement sa visite, dont il ne voulut point s’embarrasser. »

Deux décennies plus tard, le contexte est tout différent. Pierre Ier a hissé son pays au rang de grande puissance européenne après avoir écrasé les Suédois à Poltava et contenu les Ottomans. Il a manifesté sa volonté d’entrer la modernité par des réformes hardies autant que brouillonnes et brutales et par la construction sur le littoral de la mer Baltique d’une nouvelle capitale destinée à devenir un conservatoire de l’art baroque.

À Versailles, le vieux Roi-Soleil s’est éteint et le nouveau règne, sous l’impulsion du Régent Philippe d’Orléans, se montre résolument ouvert aux idées nouvelles. Quand le tsar annonce son intention de rendre visite au jeune roi Louis XV et au Régent, il n’est plus question de le repousser. Mieux encore, on accepte de l’accueillir tous frais payés (la Russie ne déborde pas de richesses).

Louis XV rend visite à Pierre le Grand à l?hôtel de Lesdiguières, le 10 mai 1717 (Louise Marie Jeanne Hersent, née Mauduit, 1838, musée de Versailles)

Les mœurs simples du tsar

Parti le 7 février 1716 de Saint-Pétersbourg par la mer, le tsar et son épouse Catherine s’arrêtent à Dantzig (Pologne) et Stettin (Prusse), pour une visite de courtoisie aux souverains des deux pays. Ils poursuivent par le Danemark et arrivent enfin à Amsterdam où Pierre Ier peut se livrer à sa passion, la visite des chantiers de marine.

Le Régent envoie à sa rencontre à Dunkerque le sieur de Liboy, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, avec des instructions très détaillées relatives à l’étiquette. Elles seront de peu d’effet sur « Sa Majesté Tsarienne », d’un naturel abrupt et peu enclin aux manières cérémonieuses.

« Il demande, écrit Liboy, que le Roi veuille le faire loger dans une maison particulière qui soit convenable. Il veut éviter les maisons royales. » De même, il ne veut pas des voitures « honnestes et propres » qui avaient été préparées pour lui et demande à la place de simples cabriolets, avec l’objectif de gagner Paris en quatre jours. Il est aussi prévu que le tsar laisse son épouse en Hollande.

Lors de la dernière étape, le comte René de Tessé se joint à l’escorte avec six carrosses. Maréchal de France et habile diplomate, il a reçu mission du Régent d’accompagner le tsar pendant sa visite et de s’assurer sinon son alliance du moins sa bienveillance dans les conflits européens susceptibles d’advenir.

Le 7 mai 1717 au soir, le tsar et son escorte entrent donc à Paris par la rue Saint-Denis, où ils sont surpris d’être accueillis par des illuminations et la foule aux fenêtres. Ils se rendent au Louvre, où les anciens appartements d’Anne d’Autriche ont été préparés pour le recevoir. Mais Pierre Ier, rebuté par le luxe, repart illico pour l’autre résidence préparée à son attention, l’hôtel de Lesdiguières, aujourd’hui disparu.

Le lendemain de son arrivée, le Régent lui rend visite. Les deux hommes (45 ans environ) sont de la même génération et ont mûri dans l’adversité. Ils s’entretiennent de banalités tandis que le prince Boris Kourakine, ambassadeur de Russie en Hollande et à Versailles, fait office d’interprète.

Enfin, le 11 mai, c’est au tour du petit Louis XV de se rendre à l’hôtel de Lesdiguières. Selon un cérémonial soigneusement réglé, Pierre Ier va l’accueillir à la porte de son carrosse et tous deux marchent de front jusqu’à la chambre du tsar, où ils s’assoient sur deux fauteuils égaux. Le roi débite un compliment appris par cœur. Puis le disque s’enraye...

Au lieu de répondre comme convenu, le tsar prend brusquement l’enfant dans ses bras et l’embrasse à plusieurs reprises. Le jeune roi, bien que surpris, fait bonne contenance et la conversation reprend, entretenue par le duc du Maine et le maréchal de Villeroy. (...)

Publié ou mis à jour le : 2019-11-10 10:44:45
jdesm (01-06-2017 10:29:54)

L'influence du cardinal Dubois n'apparaît pas ici... mais dans les mémoires de St Simon que vous donnez par ailleurs ! Est-il vrai que Dubois, "vendu" à l'Angleterre a empêché une liaison plus Ã... Lire la suite

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