11 avril 1713

Signature du traité d'Utrecht

Le 11 avril 1713, après quatorze mois de négociations pénibles entrecoupées de rebondissements militaires, les diplomates européens signent à Utrecht (Pays-Bas) le traité qui met fin à la guerre de la Succession d'Espagne.

Camille Vignolle
La France  au plus haut

Au terme du long règne de Louis XIV, la France garde un immense prestige en Europe, malgré ses difficultés dans la Guerre de Succession d'Espagne. Cela lui vaudra de rester pendant un siècle encore à l'avant-garde de la civilisation européenne. D'ailleurs, c'est en français qu'est rédigé le traité d'Utrecht. C'est une première car tous les actes diplomatiques étaient précédemment rédigés en latin. Le français devient pour deux siècles, jusqu'au traité de Versailles, la langue de la diplomatie.

Fin d'une guerre européenne

En 1700, le roi d'Espagne Charles II, sans enfant, avait légué son royaume au duc Philippe d'Anjou, petit-fils du roi de France Louis XIV. Craignant une union de la France et de l'Espagne, plusieurs États européens, dont l'Angleterre et l'Autriche, s'étaient coalisés contre les Bourbons.

Après de sévères revers militaires, la France écarte le danger d'invasion grâce à la victoire du vieux maréchal Villars à Denain. Louis XIV peut enfin négocier la paix dans des conditions à peu près honorables.

À Utrecht, ses diplomates et ceux de l'Espagne font face aux représentants de l'Angleterre, de la Hollande, du Portugal, de la Savoie et de la Prusse.

La signature du traité donne lieu à une vaste redistribution des cartes en Europe... Elle nous fait penser a posteriori à une avant-première des traités de Vienne (1815) et de Versailles (1919).

Négociations européennes à grande échelle

La France doit céder l'île de Terre-Neuve à l'Angleterre, le territoire de la baie d'Hudson et l'Acadie au Canada, ainsi que l'île Saint-Christophe aux Antilles. Elle lâche aussi plusieurs villes allemandes : Brisach, Fribourg, Kehl, sur la rive droite du Rhin, et s'engage à détruire ses fortifications du bord du Rhin.

A la frontière du nord de la France, la Hollande obtient d'installer des garnisons dans huit forteresses : Furnes, Ypres, Menin, Tournai, Mons, Charleroi, Namur et Gand. Humiliante pour la France, cette « barrière » vise à prévenir toute nouvelle agression contre la Hollande.

La France reconnaît par ailleurs les droits de la dynastie de Hanovre sur le trône anglais et renonce à soutenir les droits des Stuart. Elle s'engage à détruire les fortifications érigées à Dunkerque par Vauban.

En contrepartie, le petit-fils de Louis XIV est confirmé comme roi d'Espagne sous le nom de Philippe V, tout en renonçant à ses droits sur le trône de France.

La Savoie se voit confirmer la possession d'une partie du Milanais. Elle recouvre la possession de la... Savoie, occupée par les troupes françaises. Le duc de Savoie cède à la France la vallée alpine de Barcelonnette en échange de Fenestrelle et d'Exiles. Il reçoit également le titre de roi ainsi que la Sicile (mais échange peu après cette dernière contre la Sardaigne).

L'Électeur de Brandebourg, Frédéric Ier de Hohenzollern, se voit reconnaître le titre de roi en Prusse (sans arriver à convaincre l'empereur d'Allemagne de lui reconnaître le titre plus honorable de roi de Prusse). Il reçoit la haute Gueldre, près de la Hollande, ainsi que la principauté de Neuchâtel. Il cède d'autre part à la France la principauté d'Orange (en Provence).

L'empereur Charles VI de Habsbourg reçoit la plupart des possessions espagnoles en Europe : Milan, Mantoue, Naples, la Sardaigne (qu'il échangera ensuite contre la Sicile), ainsi que les Pays-Bas du sud (l'actuelle Belgique).

L'Europe à la mort de Louis XIV

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L'Europe à la mort de Louis XIV (carte : Alain Houot, Herodote.net)
La France apparaît en 1715, à la mort de Louis XIV, comme le royaume le plus peuplé, le plus puissant et le plus prospère d'Europe, avec une vingtaine de millions d'habitants et une population en progression. La « ceinture de fer » de Vauban la protège durablement contre les risques d'invasion...

Conclusions

Le traité d'Utrecht consacre l'effacement de l'Espagne de l'avant-scène européenne et inaugure l'extraordinaire ascension de l'Angleterre.

– Les Anglais acquièrent les colonies françaises du Canada ainsi que l'île de Minorque, dans l'archipel des Baléares, et la presqu'île de Gibraltar, enlevée à l'Espagne en 1704. Ils obtiennent aussi pour 30 ans le monopole de la traite des Noirs (l'asiento) dans l'Amérique espagnole.

– Les Provinces-Unies, bien que victorieuses, cèdent à leurs rivaux anglais la primauté maritime et commerciale.

– L'Allemagne et l'Italie restent divisées, malgré la montée en puissance de la Prusse et de la Savoie.

– La France conserve de « beaux restes ». Ses frontières, puissamment fortifiées par Vauban, la tiendront à l'abri de l'invasion pendant près d'un siècle, jusqu'en 1792.

Les traités signés à Utrecht sont complétés quelques mois plus tard par le traité de Rastatt. Celui-ci est signé le 6 mars 1714 par le maréchal de Villars, qui représente Louis XIV, et le prince Eugène, qui représente l'empereur d'Allemagne.

Le traité de Bade du 7 septembre 1714 étend les clauses du précédent traité à toutes les principautés allemandes. Enfin, le traité d'Anvers (15 novembre 1715), ou traité de la « barrière », définit les rapports entre la Hollande (ou Provinces-Unies) et les Pays-Bas autrichiens.

Publié ou mis à jour le : 2022-06-23 06:34:22
Yves Petit (11-04-2022 01:07:37)

Dans mon récent commentaire, je mentionnais que la France sous Louis XV a été une catastrophe. C'est vrai mais je me suis trompé sur le roi qui était aux commandes lors du traité d'Utrecht. C'était encore le vieux roi Soleil et non le petit roi Louis XV qui connaitra son abîme avec la défaite à la guerre de sept ans et le traité de Paris de 1763.

Yves Petit (10-04-2022 14:07:04)

La France sous Louis XV est une faillite épouvantable. Comment se fait-il que le Grand Louis XIV n'ait pu choisir un homme mature capable de gouverner la France et ses colonies de façon honorable?

Rémy Volpi (12-04-2021 13:31:50)

Comme les commentateurs précédents, je conteste l'appellation "empereur d'Allemagne" pour désigner, de manière que je crois malicieusement erronée, l'empereur du Saint Empire Romain Germanique", institution dissoute à Vienne en 1806.
Cette institution vient de loin. Au IIIè siècle, des Francs s'installent entre le Rhin, frontière nord de l'empire romain, et la "via romana", route fortifiée de première importance, qui reliait sur 410 km Cologne, cité romaine, à Boulogne. Mise devant le fait accompli, Rome fait de ces Francs les alliés militaires de son armée en cas d'invasion barbare. L'empire romain d'occident tombe en 476, mais laisse un vestige prestigieux, l'Église romaine, l'empire ayant fait du christianisme une religion d'État. L'alliance entre les Francs et Rome est confirmée par le baptême de Clovis, roi des Francs, en 496, et surtout par le couronnement en 800 de Charlemagne, roi des Francs et des Lombards, au titre d'empereur par le pape. Empereur de quoi? Bras armé du pape, le titre fait de son détenteur l'empereur de la chrétienté d'occident. De ce fait, l'empereur est dans la hiérarchie politique du monde féodal au-dessus des rois. Par ailleurs, le territoire que l'on désigne sur les cartes - et sur celle figurant dans cet article - sous le terme de "Saint Empire", correspond aux territoires de culture allemande héritage des Francs, dans lesquels se trouvent les "princes électeur"s. Ces électeurs élisent un souverain qui prend le titre de "roi des Romains", lequel est éligible au titre d'empereur si affinité avec le pape.
Soulignons que le souverain élu ne ressortit pas exclusivement au territoire du Saint Empire, mais à l'ensemble de la chrétienté d'occident. Ainsi, François 1er et Henry VIII d'Angleterre ont été candidats au même titre que le futur Charles Quint, et Louix XIV, l'espace d'un matin a caressé l'idée de se porter candidat.
Pour conclure, toute l'histoire de l'Europe occidentale peut se lire comme la lente dissolution de l'institution du Saint Empire Romain Germanique, et la montée en puissance d'États souverains "sans Dieu ni maîtres", conduisant à une anarchie apocalyptique. Ce à quoi a tenté de remédier la création de l'Union européenne, œuvre inachevée car comprise comme une entrave insupportable aux souverainismes nationaux.

Jean MUNIER (22-03-2018 08:20:22)

Bismarck n'avait pas réussi à persuader GUILLAUME 1ER pour le titre d'empereur d' Allemagne , pouvoir trop symbolique , alors il trouva une astuce : EMPEREUR ALLEMAND

jacques D. (09-04-2013 10:12:31)

l'expression empereur d'Allemagne est erronée, on disait l'empereur tout court, et l'empire recouvrait un ensemble beaucoup plus vaste que l'Allemagne actuelle (Pays-Bas, est de de la France, Suisse, Autriche, Tchéquie, Italie du Nord, mais pas la Prusse Orientale); son nom officiel était Saint Empire Romain Germanique et l'empereur était élu à Frankfort par quelques princes appelés Electeurs (Kurfürst)et son pouvoir n'était que symbolique, même en Allemagne et à plus forte raison dans les pays périphériques. Il n'y a eu d'empereur d'Allemagne qu'à partir de 1871. C'est une confusion qui revient souvent sur ce site,et qui entache l'intérêt de ces rappels historiques.

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