Le 16 mai 1703, sur ordre du tsar Pierre Ier le Grand (30 ans), des soldats russes posent la première pierre de la forteresse Pierre-et-Paul, sur l'île Zaïatchi (l'île aux Lièvres).
Celle-ci se situe dans le delta de la Néva, au fond du golfe de Finlande, sur la mer Baltique, une région marécageuse, froide et terriblement inhospitalière !
Le tsar entame ainsi la construction de sa nouvelle capitale, Sankt-Petersburg. Ce nom signifie « ville de Saint-Pierre » en allemand, cette langue étant alors en faveur à la cour de Russie (on écrit en français Saint-Pétersbourg).
Caprice de tsar
L'idée de donner une nouvelle capitale à la Russie est venue au tsar Pierre Ier suite à ses voyages en Europe. Fils du tsar Alexis Ier, Pierre monte sur le trône en 1682, à l'âge de 10 ans, en association avec son demi-frère Ivan V. Livré à lui-même, il se frotte aux idées occidentales et s'empare de la totalité du pouvoir à dix-sept ans, en 1689.
En 1697-1698, Pierre effectue incognito un voyage de découverte en Angleterre, en Allemagne et en Hollande.
De retour à Moscou, il entreprend de moderniser son pays en forçant par exemple les citadins à couper leur barbe et à s'habiller à l'européenne ! Sa volonté d'occidentaliser le pays culmine avec la fondation de Saint-Pétersbourg sur un territoire qu'il vient d'arracher à la Suède.
L'emplacement ne se prête pas a priori à l'établissement d'une grande ville. Mais il a pour le tsar l'avantage d'être plus proche de l'Occident et plus accessible que Moscou, l'ancienne capitale de la Russie.
Une capitale baroque
À sa manière brutale, par un oukase du 1er mars 1704, le tsar réquisitionne 30 000 hommes pour la construction de la ville.
L'architecte Domenico Trezzini (33 ans), originaire du Tessin suisse, dessine un plan d'ensemble de la ville et prévoit des modèles d'habitations adaptés aux différentes classes sociales: haute, moyenne et basse.
Il entreprend dès juin 1704 la construction de la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul. Deux ans plus tard, il achève la forteresse Pierre-et-Paul.
Celle-ci va d'abord servir de prison et accueillir le propre fils de Pierre Ier, le tsarévitch Alexis. Après la mort de Pierre le Grand, elle deviendra nécropole impériale. Y seront inhumés les tsars et les tsarines, à commencer par Pierre Ier le Grand.
Parmi les premiers aménagements de Saint-Pétersbourg figurent également le Jardin d'été du tsar, la citadelle de Kronstadt et le chantier naval de l'Amirauté.
Les ouvriers ont fort à faire pour surmonter les difficultés liées au terrain spongieux et aux multiples bras de la Néva. Le fleuve est envahi par les moustiques en été et pris par les glaces en hiver, soit cinq mois par an.
Les principales familles de la noblesse russe sont contraintes de construire dans la future capitale un palais en pierre... mais n'en continuent pas moins de résider à Moscou. Les constructions s'élèvent lentement au-dessus des marécages. En 1712, enfin, Saint-Pétersbourg devient officiellement la capitale de l'empire.
Le tsar interdit dès lors toute construction de pierre en Russie ailleurs que dans sa chère capitale. Il oblige par ailleurs tout navire entrant dans le port à amener sa part de pierres et de briques.
En 1716, Pierre Ier appelle à la rescousse l'architecte Jean-Baptiste Alexandre Leblond, qui arrive avec une équipe nombreuse d'artisans français.
Il conçoit pour le centre de la ville, sur l'île Vassilievski, un plan en ovale parcouru par de nombreux canaux qui rappellent Amsterdam... ou Venise (Saint-Pétersbourg, avec ses 42 îles et ses centaines de ponts, mérite le surnom de Venise du Nord).
Mais sa mort prématurée à 40 ans, en 1719, ne lui permet de mener à bien ni ce projet d'urbanisme ni aucun de ses projets d'architecture.
À la mort du tsar, en 1725, Saint-Pétersbourg compte déjà 75 000 habitants et possède une Académie des Sciences, créée avec le concours du mathématicien allemand Gottfried Leibniz, ainsi que des musées et un étonnant cabinet des curiosités.
Mais c'est encore et pour longtemps un immense chantier sale, insalubre et malodorant dans lequel les grandes familles moscovites répugnent à vivre... et l'on estime à 150 000 le nombre d'ouvriers qui y ont laissé leur vie sous le règne du tsar.
Le jeune Pierre II (13 ans), qui succède à Pierre le Grand, cède à la pression des boyards et Moscou redevient la capitale de l'empire. Il faut attendre l'impératrice Anna Ivanovna, nièce de Pierre Ier pour que Saint-Pétersbourg retrouve son rang. C'est chose faite en 1732.
De 1741 à 1762, pendant les 20 années du règne de l'impératrice Élisabeth Ière, fille de Pierre le Grand, l'architecte italien Bartolomeo Francesco Rastrelli complète avec maestria l'oeuvre de ses prédécesseurs.
Il construit de nombreux palais dans le goût rococo qu'il affectionne dont le palais Peterhof et surtout le palais d'Hiver (460 salles), résidence ordinaire du souverain.
C'est ainsi que les palais et les bâtiments officiels hérités des grands souverains de la dynastie des Romanov s'ordonnent peu à peu autour de la forteresse Pierre-et-Paul.
Dans un panorama grandiose et lumineux dont les canaux et les méandres de la Néva soulignent l'ampleur, ces bâtiments construits dans un style qui évoque le baroque italien composent l'une des plus belles villes du monde actuel.
À l'extrémité de la perspective Nevski (l'équivalent des Champs-Élysées), l'ensembre architectural de l'Ermitage rivalise avec le Louvre pour ses dimensions et ses collections de peintures.
Cet ensemble s'est développé autour du Palais d'Hiver. Cet édifice se prolonge avec le Petit Ermitage, construit par le Français Jean-Baptiste Vallin de la Mothe pour le repos de Catherine II. La tsarine confie par ailleurs à l'Allemand Youri Velten la construction du Grand Ermitage et à l'Italien Giacomo Quarenghi la construction du Théâtre de l'Ermitage, dans le prolongement des précédents, au bord de la Néva.
Détruit par un incendie en 1837, le Palais d'Hiver est reconstruit à l'identique sur ordre de Nicolas Ier et le tsar commande aussi une aile supplémentaire, en style néoclassique, pour abriter les collections impériales. C'est le Nouvel Ermitage, en bordure de la rue Millionnaia et non de la Néva. Le musée est ouvert au public par le tsar le 5 février 1852.
Saint-Pétersbourg ressuscitée
La ville a russifié son nom en Petrograd lorsque le pays est entré en guerre contre l'Allemagne en 1914. Le 10 mars 1918, à l'initiative de Lénine, elle perd une nouvelle fois son rang de capitale au profit de Moscou. Le 26 janvier 1924, quelques jours après la mort de Lénine, elle prend le nom de Léningrad en l'honneur du chef bolchevique et c'est sous ce nom qu'elle connaît pendant la Seconde Guerre mondiale un siège terrible et une famine qui occasionnent près d'un million de victimes.
Un référendum populaire a entraîné en 1991 le retour à l'ancienne appellation, Saint-Pétersbourg.
Avec environ cinq millions d'habitants et d'importantes activités portuaires et industrielles, la ville n'est plus que la deuxième en importance de Russie, après Moscou.
En 1714, à son apogée, Pierre Ier se met en tête de rivaliser avec Louis XIV et son palais de Versailles. Il engage la construction d'une somptueuse résidence d'été sur les rives du golfe de Finlande, à 25 km de Saint-Pétersbourg. Elle portera son nom, Peterhof (le château de Pierre en allemand).
Le Grand Palais, conçu par les architectes Jean-Baptiste Le Blond et Bartolomeo Rastrelli, se dresse au-dessus des bassins, d'une cascade et d'une falaise. Il est complété par les palais de Monplaisir et Marly ainsi que par le pavillon de l'Ermitage.
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Hugo (16-05-2019 02:00:36)
Bonjour,
£e nom réel est Санкт-Петербург ((Sankt PETERBURG)).
£a différence est donc le "S", autrement dit le GÉNITIF SAXON, une humiliation fort inutile après l'abominable siège de la ville par les brutes nazies pendant 900 JOURS faisant 500.000 victimes chez les combattants ainsi que 1.200.000 chez les civils.
BERNARD IMIANITOFF (15-05-2013 12:13:31)
ARTICLE REMARQUABLEMENT CONCIS ET FORT INTÉRESSANT.
UN (OU PLUSIEURS) PLANS AURAIENT UTILEMENT COMPLÉTÉ LE TEXTE...
CDT
Bernard Grapperon (27-12-2012 20:06:41)
Saint-Pétersbourg se situe dans le delta de la Néva, au fond du golfe de Courlande(?), sur la mer Baltique, une région marécageuse, froide et terriblement inhospitalière !
Avant de publier un article, veuillez revoir vos cours de géographie.