Dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683, le roi Louis XIV épouse en grand secret l'ancienne gouvernante de ses bâtards.
Avec ce mariage morganatique (ne donnant pas droit au titre de reine), la marquise de Maintenon, née Françoise d'Aubigné, fille d'un voyou et veuve du poète paralytique Scarron, parvient au terme d'un destin peu commun...
De la prison de Niort à Versailles
Petite-fille d'Agrippa d'Aubigné, huguenot rebelle et poète, Françoise est née dans la prison de Niort où son père était incarcéré ! Jeune fille sans dot mais bien élevée, elle épouse le poète Scarron, vieux et paralysé mais spirituel en diable, et celui-ci la fait apprécier de la haute société.
En 1669, devenue veuve, elle se voit confier l'éducation des enfants que le roi a eus de la marquise de Montespan. Louis XIV, très attaché à ses enfants, apprécie la tendresse maternelle de Mme Scarron pour ses chers petits : « Comme elle sait bien aimer, il y aurait du plaisir à être aimé d'elle », confie-t-il.
En 1675, le roi a le coup de foudre pour cette femme discrète. C'est alors que l'heureuse élue reçoit du roi, devant la cour, le titre de marquise de Maintenon avec le château et le domaine qui l'accompagnent, à quelques lieues au sud de Versailles.
Le roi se détache de la marquise de Montespan, compromise en 1681 dans l'« affaire des Poisons ». Dans le même temps, sur les instances de Mme de Maintenon, il se rapproche de son épouse, la reine Marie-Thérèse. Celle-ci, qui a souffert pendant des années du dédain des maîtresses successives de son royal époux, en marque une vive reconnaissance à la nouvelle élue. Ses trois dernières années seront parmi les plus heureuses de sa vie.
Après la mort de la reine, le 30 juillet 1683, le roi, lassé des écarts et peu soucieux d'épouser une nouvelle princesse européenne, régularise sa liaison. Et c'est au cours d'une cérémonie sobre, à son image, que celle qui était surnommée la Belle Indienne en souvenir d'un séjour en Martinique, s'unit au Roi-Soleil.
Elle va dès lors mener une existence discrète, dans une cour vieillie et ennuyeuse, avec le souci de ramener le roi aux vertus chrétiennes d'austérité et de tempérance. En bonne catholique, elle se réjouit comme beaucoup des conversions de protestants mais, contrairement à une rumeur tardive, elle n'a sans doute aucun rôle dans la malheureuse révocation de l'Édit de Nantes.
Éducatrice d'avant-garde
Dès 1681, la marquise, éducatrice et pédagogue dans l'âme, s'intéresse à l'initiative d'une amie, Mme de Brinon. Celle-ci a créé à Montmorency, au nord de Paris, une école pour les jeunes filles pauvres de la noblesse. Madame de Maintenon leur offre un hébergement plus accueillant à Rueil puis à Noisy-le-Roi. Enfin, en 1684, elle convainc son royal époux de l'utilité d'une maison d'éducation à Saint-Cyr, derrière le parc du château de Versailles, en un lieu au demeurant peu propice, marécageux et pestilentiel. Les travaux sont confiés à l'architecte de Versailles lui-même, Jules Hardouin-Mansart.
C'est ainsi qu'est fondée la Maison royale de Saint-Louis. Elle accueille gratuitement les jeunes filles de sept à douze ans qui ont au moins quatre quartiers de noblesse et une famille trop pauvre pour leur assurer une bonne éducation. Sont privilégiées les jeunes filles dont le père a combattu ou donné sa vie au service du roi. Ces « demoiselles de Saint-Cyr », au nombre de 200 à 250, sont destinées à faire un « beau mariage » et devenir des dames de la Cour.
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Leroux (08-10-2023 17:10:49)
Il me semble que Colbert avait été témoin egalement de ce mariage?
GVD (10-10-2017 07:04:36)
La marquise ne faisait pas l'unanimité. La Princesse Palatine, belle-sÅ“ur du roi qui avait la langue bien pendue, s'écria à l'annonce de la mort de son épouse : "La vieille garce est crevée Ã... Lire la suite
pcordel (08-09-2014 11:21:21)
Excellent article (comme toujours)
Un correctif : à la fin du premier paragraphe du chapitre "Mère et amante de substitution" remplacer François par Françoise