29 décembre 1675

Les cafés anglais interdits pour cause de « fake news »

En 1675, les cafés londoniens sont interdits par proclamation du roi Charles II. La grogne monte dans la capitale britannique, qui voit d’un mauvais oeil la fermeture de ces lieux de débats.

Le 29 décembre 1675, le roi Charles II d’Angleterre émet une proclamation interdisant les cafés et exposant les raisons pour lesquelles la Couronne juge ces établissements délétères : « Ils ont produit des effets très néfastes et dangereux […], car dans ces établissements […] se trament et se diffusent des informations fausses, malicieuses et scandaleuses, visant à diffamer le gouvernement de Sa Majesté et à altérer la paix et la tranquillité du royaume ». C’est pourquoi « Sa Majesté considère juste et nécessaire de fermer et de supprimer ces cafés... »

Histoire & Civilisations

Histoire & Civlisations N°37, mars 2018Cet article est extrait du magazine Histoire & Civilisations n°37, mars 2018) [intertitre et illustrations sont de Herodote.net]. Vous pouvez le découvrir en version originale. On peut aussi lire dans le magazine un dossier très complet sur les relations France-Russie : trois siècles de peur et de fascination, Vésale, comment il a révolutionné l'anatomie, Zarathoustra, le Golem etc.

Chaque mois, sous la plume d’historiens reconnus et passionnés, Histoire & Civilisations vous emmène sur les traces des cités mythiques, fait revivre le quotidien de nos ancêtres, mais aussi des événements majeurs qui ont marqué notre humanité… tout en veillant à transmettre les repères chronologiques et géographiques indispensables à la compréhension de ce passé.

Les Anglais ignorent l'injonction royale !

Londres vit fleurir les cafés à partir de 1652. Cette année-là, le premier d’entre eux était fondé par Pasqua Rosee, le domestique arménien d’un commerçant britannique, devenu amateur de cette boisson lors d’un voyage en Méditerranée orientale.

L’établissement rencontra un succès immédiat dans l’Angleterre puritaine d’Oliver Cromwell, qui dirigeait alors la seule République jamais instaurée dans le pays. Car, à la différence du vin et de la bière, le café était associé à la sobriété, une valeur chère aux puritains.

Ses vertus stimulantes favorisaient les longues journées de travail et la lucidité, faisant ainsi le bonheur des écrivains et des marchands.

En 1660, année de la restauration monarchique, Londres comptait déjà 63 cafés, où l’on abordait toutes sortes de questions, notamment politiques.

Un fidèle de Charles II, sir William Coventry, rappelle d’ailleurs que c’était dans les cafés que se réunissaient sous Cromwell les partisans du roi et que « les amis [de ce dernier] y avaient joui d’une liberté d’expression supérieure à celle qu’ils auraient osé exercer n’importe où ailleurs ».

Or, conscient du fait que les coffee houses étaient des espaces de discussion et de critique de l’action gouvernementale, le souverain voulut les interdire en 1675.

Cette tentative déclencha une telle vague d’indignation que le gouvernement fut contraint de céder du terrain : les cafés dont les propriétaires verseraient 500 livres et prêteraient un serment d’allégeance obtiendraient un délai supplémentaire de six mois. Mais ces consignes furent unanimement ignorées, et aucun café ne ferma.

« Universités à 1 penny »

Si l’interdiction avait tant irrité la population, c’est parce que ces établissements faisaient désormais partie du quotidien de la nouvelle Angleterre libérale et bourgeoise, à la tête d’un prospère empire commercial.

Le Lloyd's vu par George Woodward (en 1798, les femmes n'étaient pas encore admises dans les cafés londoniens)Ils étaient le lieu de réunion des hommes d’affaires, et d’importantes institutions économiques y virent le jour, comme la compagnie d’assurances Lloyd’s, fondée dans l’établissement du même nom. D’autres cafés attiraient poètes et écrivains, tandis que les scientifiques de la Royal Society y poursuivaient leurs débats.

Chacun pouvait donc assister, voire participer à ces discussions pour le prix d’une tasse de café, ce qui valut aux coffee houses le surnom d’« universités à 1 penny ».

Meublés de longues tables en bois sur lesquelles les propriétaires disposaient bougies, pipes et journaux, les cafés londoniens se prêtaient à la tenue de débats collectifs. Cette vocation se vit renforcée par la fréquentation démocratique de ces établissements, où se côtoyaient « le chevalier, l’artisan, le lord et le vaurien », comme le fait observer le poète Samuel Butler. Les partis politiques s’engouffrèrent dans le mouvement, tant et si bien que les whigs (libéraux) et les tories (conservateurs) divulguèrent bientôt leurs positions depuis les cafés.

Paris à l'imitation de Londres

Dans le Paris du milieu du XVIIIe siècle, les cafés constituaient aussi des lieux de rencontre entre intellectuels et s’étaient transformés en refuges pour les penseurs éclairés. Ainsi, c’est au Café de la Régence que Diderot compila son Encyclopédie, tandis que le Procope le comptait, avec d’Alembert et Rousseau, parmi ses clients.

Le Procope, d'après une gravure pré-révolutionnaire du XVIIIe siècleLes cafés revêtaient néanmoins une dimension moins combative qu’à Londres, notamment parce que la presse et l’opinion faisaient en France l’objet d’une féroce censure. Les informations qui circulaient s’assortissaient d’abondantes rumeurs, dont la police prenait note : « Jean-Louis Le Clerc déclara dans le café Procope qu’il n’avait jamais existé pire roi, que la cour et les ministres poussaient le souverain à commettre des actes infâmes que son peuple réprouvait au plus haut point », pouvait-on lire par exemple dans un rapport de 1749.

En juillet 1789, la confrontation entre les députés des États généraux et la Couronne fit brusquement monter la température dans les cafés. Les orateurs s’y insurgeaient contre le gouvernement, et certains cafés étaient si bondés que le public se battait devant pour pouvoir entendre les harangues.

La tension explosa le 12 juillet, quand le député Camille Desmoulins monta sur une table du Café de Foy et cria à la foule : « Aux armes ! » Deux jours plus tard, le peuple prenait la Bastille. Le café était entré dans le paysage de la culture politique européenne.

Josep Maria Casals, historien
Publié ou mis à jour le : 2023-10-03 20:17:43
Jean Pierre (18-12-2018 12:51:36)

Ce que vous écrivez est tout à fait exacte et je peux vous décrire un exemple. A la fin de guerre d'Algérie des militaires du contingent ont fais courir l'information selon la quelle les colons d'Algérie avaient refusé de l'eau de boisson aux soldats. En réalité il vrai que nous achetions l'eau douce de boisson, à Oran notamment. Et pour cause l'eau du service était saumâtre, elle provenait de nappes situées au sud de la ville. Nous achetions l'eau de boisson à des marchands par échange de bonbonnes de 20 litres. L'inauguration fut à l'été 1952 l'objet d'une fête ou l'anisette fut distribuée gratuitement.

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