14 octobre 1670

Le Bourgeois gentilhomme

Le 14 octobre 1670, Molière donne la première représentation du Bourgeois gentilhomme au château de Chambord, devant le roi Louis XIV et sa cour.

La pièce résulte d'une commande du roi lui-même qui voulait un « ballet turc ridicule ». Louis XIV avait été affecté par le mépris manifesté par l'ambassadeur du Grand Turc (le sultan ottoman de Constantinople), Soliman Aga, lors de la réception donnée en son honneur à Versailles en décembre de l'année précédente.

Insensible à l'attrait du « kawah » (le café) que l'ambassadeur avait fait découvrir à la Cour, le roi attendait de Molière qu'il le vengeât de ses mauvaises manières.

Première page du Bourgeois gentilhomme dans l'édition de 1688

Fin théâtrale

Molière et Lully, le compositeur de la Cour, s'associent donc une nouvelle fois pour réaliser une comédie-ballet en cinq actes.

Le Bourgeois gentilhomme est la plus belle expression du théâtre total comme l'affectionne Molière, associant la comédie, la danse et la musique, dans une inspiration très baroque. Le roi lui-même apprécie le genre et, jusqu'à la trentaine, n'hésite pas à participer à certaines représentations de ballets en dansant en personne (voir le film de Gérard Corbiau, Le roi danse, 2000).

Le Bourgeois gentilhomme est un prétexte à railler la haute bourgeoisie de l'époque, avide de s'anoblir par l'achat de charges (les « savonnettes à vilains »).

La pièce met en scène Monsieur Jourdain, un riche parvenu désireux d'acquérir de bonnes manières en vue d'obtenir un titre de noblesse. Il refuse de donner sa fille en mariage au jeune homme qu'elle aime parce que celui-ci n'est pas gentilhomme. Mais il se ravise lorsque le même jeune homme se présente comme le fils du Grand Turc et offre à M. Jourdain de l'élever à la dignité de « mamamouchi » en échange de la main de sa fille. L'affaire se conclut par un ballet oriental, sur une musique de Lully... dont les authentiques janissaires du sultan feront une marche populaire !

Après la représentation de Chambord, Molière s'inquiète de l'accueil réservé à sa pièce par le roi. C'est seulement au bout de cinq jours que Louis XIV lui confie qu'il a trouvé la comédie excellente. Les Parisiens attendront cinq semaines avant de la découvrir à leur tour le 24 novembre 1670 au théâtre du Palais-Royal.

Avec Le Bourgeois gentilhomme, le comédien est au sommet de sa gloire mais il est également usé par les années de galère et les luttes contre les cabales de la cour.

Publié ou mis à jour le : 2022-03-15 10:26:53
Michael (14-10-2024 10:22:14)

Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme !
En 1669, Louis XIV a reçu un envoyé du Grand Turc qu'il a voulu impressionner en sortant paillettes et boa. Quiproquo, Soliman Aga n'est pas un ambassadeur, mais un envoyé accrédité venu tâter le terrain. Cette réception officielle le met dans une situation délicate vis à vis de Mehmet IV. Soliman Aga, pris au dépourvu, essaye de s'en sortir en faisant mine de ne pas remarquer un faste qui ne peut s'adresser qu'à un autre statut que le sien. A la Sublime Porte, comme dans toutes les dictatures, la susceptible joue facilement du cimeterre.
Le premier ridicule est là, miroir de la cérémonie turque.
Avec l'écriture de ses pièces, la plume de Molière s'est moquée des Précieuses, des dévots, des avares, des médecins, des bourgeois, des maris, la liste est longue. Pourtant, à cette période charnière dans laquelle elle se débat, quid de la noblesse ? Rien, aucune pièce ?
Si, il y en a une. C'est celle-là. C'est le Bourgeois Gentilhomme. C'est la noblesse mise à nu, sordide, manipulatrice, voleuse dans la figure de Dorante, exacerbée par la comparaison avec l'honnête bourgeois Cléonte.
L'accueil de la Cour a été glacial, les courtisans ne s'y sont pas mépris. Louis XIV non plus. Cinq jours pour adopter la seule échappatoire possible : rire, pour montrer qu'on ne se sent pas visé.
Au moins autant qu'une satire du snobisme, le Bourgeois Gentilhomme est une pièce exceptionnelle sur la langue française. L'orthographe, les syllabes et consonnes, la prose ou les vers, la composition des phrases avec l'appel à une simplicité recommandée par les auteurs du temps. Mais aussi les réflexions par comparaison avec les langues étrangères ("Tant de choses en deux mots ?") et la musicalité potentielle d'une langue au-delà de son sens (le ballet turc).
A une époque où n'ont été inventés ni couverts à poisson, ni pinces à asperges, la langue permet de différencier les classes sociales, sans tomber dans la caricature des Précieuses Ridicules (souvenez-vous du parler simple et élégant du comte dans les Fausses Confidences de Marivaux).
Une énigme révélée : "Vous avez mis les fleurs en en bas ? - Vous ne m'aviez pas dit que vous les vouliez en en haut." Pour tailler l'habit, le "tailleur" dispose sur le tissu des patrons de papier, représentant chaque pièce à plat avant qu'elle ne soit assemblée aux autres. Ces patrons ont naturellement des formes irrégulières. Lorsque l'étoffe est unie, on peut les disposer presque dans tous les sens afin d'optimiser le métrage de tissu. Précédemment, le tailleur de Monsieur Jourdain a profité de ces "chutes" pour lever un habit pour lui-même "Ah ! Ah ! Monsieur le tailleur, voilà de l'étoffe du dernier habit que vous m'avez fait faire, je la reconnais bien !". Le nouvel habit présenté à Monsieur Jourdain est vraisemblablement en brocatelle (c’est-à-dire un brocart sans or ni argent) donc avec un motif tissé, ici des fleurs. Le tailleur a utilisé les chutes, mais a gardé pour lui les pièces à l'endroit. Il tente de fourguer l'habit à l'envers, quitte, en cas de refus, à devoir le refaire avec les morceaux à l'endroit qu’il a gardé "Si vous voulez, je les mettrai en enhaut". Dans cette même scène, on trouve une prémonition de nos défilés de mode devant le public du théâtre avec le "Ces sortes d'habits se mettent avec cérémonie".
La représentation du Bourgeois Gentilhomme se poursuit par le Ballet des Nations. Savez-vous que Richard Strauss en 1911 avait composé le Rosenkavalier (le Chevalier à la Rose) comme introduction au Bourgeois Gentilhomme ? Son opéra étant ainsi un miroir du Ballet des Nations qui concluait la pièce. L'air du "ténor italien" "Di rigori armata il seno" reprend exactement le texte de l'Entrée des Italiens du Ballet des Nations, mais au lieu d'être triste comme ce texte de Lamento, il est joyeux comme son reflet inversé. La quintessence du Bourgeois Gentilhomme, n'est pas seulement d'être une pièce sur le snobisme, mais sur le thème du miroir avec toutes les ouvertures psychanalytiques qui s'y prêtent. Voilà une plume qui vole haut !

Grabinoulor (02-04-2023 08:50:54)

Il n'y a pas que Pierre Louÿs, qui a affirmé que certaines pièces de Molière étaient en réalité de Corneille. Des statisticiens ont fait des analyses lexicographiques qui confirment cette théorie. D'autres affirment avoir montré le contraire.

Roger Jouan (11-10-2020 11:33:04)

Que l'on cesse de nous rebattre les oreilles avec cette stupidité de nous faire croire que Molière n'a pas écrit ses pièces... ! Reprenons cette belle formule:" Ce n'est pas Molière qui a écrit les pièces de théâtre, c'est un auteur inconnu qui s'appelle "Molière"... " Bien à vous.

jean-pierre de Tugny (10-07-2006 16:02:04)

C'est Pierre Louÿs, qui, le premier, a émis l'hypothèse que Molière ne pouvait être l'auteur des pièces publiées sous son nom, et que le véritable auteur était Corneille. Sauf certaines pièces, comme LE MEDECIN VOLANT ou LA JALOUSIE du BARBOUILLE qui dérangent les admirateurs de Corneille. Pourtant, on retrouve dans beaucoup de "bonnes" oeuvres de Molière (qui doivent donc être écrites par Corneille) beaucoup de passages de ces deux pièces. Exemple GEORGE DANDIN, l'AVARE.
La magnifique pièce "DOM JUAN", après la mort de Molière a été réécrite en vers par le frère de Pierre Corneille, Thomas. C'est d'une platitude totale et sans aucun intérêt.
L'argument principal des détracteurs de Molière est que l'on n'a pas retrouvé les manuscrits de ses pièces. Explication simpliste pour lui retirer la paternité de son oeuvre.

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