Le soir du mercredi 17 août 1661, Nicolas Fouquet (46 ans) étale sa munificence à l'occasion d'une fête somptueuse organisée par son talentueux maître d'hôtel François Vatel.
Le puissant surintendant général des Finances a invité le roi et la Cour en son château de Vaux, au sud-est de Paris (aujourd'hui Vaux-le-Vicomte).
Le roi blessé dans son orgueil
Le jeune Louis XIV (23 ans) arrive à six heures du soir en compagnie de sa mère, la reine Anne d'Autriche, et de quelque six cents courtisans.
La reine Marie-Thérèse, enceinte, n'a pu se joindre à la fête mais le roi se console avec sa jeune maîtresse, la douce Mademoiselle de La Vallière. Parmi les autres absents de marque, on peut noter le ministre Colbert, soucieux de se démarquer de son ennemi intime, Fouquet.
Le roi a l'humeur maussade. Depuis la mort de Mazarin, quelques mois plus tôt, il a pris le parti de diriger en personne le gouvernement et attend de tous ses ministres et conseillers qu'ils lui soient loyaux. Ce n'est pas précisément le cas de Fouquet, qui abuse de sa position d'héritier présomptif de Mazarin et continue de s'enrichir en cachette du souverain.
L'invitation à Vaux apparaît dans ce contexte d'une extrême maladresse...
Une nuit féerique
Le décorateur du surintendant, Le Brun, fait les honneurs du château. Il montre les allégories, écureuils et soleil, qui désignent le surintendant lui-même, que tout le monde ici appelle « Monseigneur ». Le roi apprécie modérément cet étalage de vanité !
Ensuite, les invités sont répartis dans différentes pièces du château pour consommer un ambigu. Le terme désigne un buffet sur lequel sont présentés simultanément tous les plats, du salé au sucré. Toute la cour est servie dans de très luxueux couverts en vermeil (un luxe inaccessible au roi lui-même !).
Après la collation, les « deux Baptiste » Molière et Lully donnent dans les jardins une comédie-ballet, la première du genre, Les Fâcheux. Pendant les intermèdes, des elfes sortent de derrière les ifs et servent gâteries et diamants aux dames.
En retournant vers le château, le roi et la cour sont éblouis par un feu d'artifice au-dessus de l'édifice. Selon une source incertaine, une loterie aurait eu lieu ensuite avec distribution de diamants et d'armes.
D'après les compte-rendus du temps, pas forcément objectifs, le roi et la Cour seraient repartis comblés, à deux heures du matin, « la bonne chère ayant été accompagnée du divertissement d'un fort agréable ballet, de la comédie et d'une infinité de feux d'artifice dans les jardins de cette belle et charmante maison, de manière que ce superbe régal se trouva assorti de tout ce qui peut se souhaiter dans les plus délicieux... » (La Gazette).
Quant à Jean de La Fontaine, il rapporte à son ami M. de Maucroix, dans une lettre du 22 août : « Tout combattit à Vaux pour le plaisir du roi, La musique, les eaux, les lustres, les étoiles. »
Pourtant, le sort ultérieur de Nicolas Fouquet accrédite l'idée que le roi s'est senti humilié et aurait même regagné son château de Fontainebleau sans attendre la fin de la fête. L'historien François Bluche indique qu'il aurait songé à faire arrêter sur le champ le surintendant mais en aurait été dissuadé par sa mère Anne d'Autriche, qui ne voulait pas enfreindre les règles de l'hospitalité. Où que soit la vérité, il est vraisemblable que cet étalage de luxe a renforcé la détermination de Louis XIV d'abattre son trop puissant surintendant.
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