10 novembre 1630

Richelieu et la « Journée des Dupes »

Le 10 novembre 1630, en présence de Louis XIII, le cardinal de Richelieu se confronte à la reine mère Marie de Médicis qui est devenue son adversaire le plus déterminé. Il l'emporte le lendemain, au terme d'une « Journée des Dupes », et peut dès lors mettre toute son intelligence au service de la monarchie.

Jean Brillet

Louis XIII remet à Poussin le brevet de premier peintre du Roi en présence de Richelieu, Jean-Joseph Ansiaux, 1817.

Un cardinal à poigne

À la tête du Conseil du roi, ou Conseil d'En Haut, depuis 1624, Armand Jean du Plessis, cardinal et duc de Richelieu, a mis au pas la noblesse, prompte aux duels et aux révoltes.

Il a aussi combattu avec efficacité les protestants de l'intérieur et leurs alliés anglais. Après le siège de La Rochelle et l'Édit d'Alès, il ne reste plus grand-chose de l'ancienne grandeur des protestants français.

Richelieu voudrait maintenant garantir la tranquillité de la France sur ses frontières. Il se dispose à combattre la maison catholique des Habsbourg qui, d'un côté, gouverne l'Espagne et, de l'autre, les États autrichiens.

Dans cette optique, il est prêt à s'allier aux protestants allemands en guerre contre l'empereur Habsbourg. 

Il couche ce projet politique sur le papier et le transmet au roi. C'est plus que n'en peut supporter le parti dévot de la Cour.

Celui-ci est regroupé autour de la reine-mère Marie de Médicis et de Gaston d'Orléans, frère cadet du roi et fils préféré de Marie de Médicis... au demeurant une tête brûlée sans trop de courage.

La reine elle-même, Anne d'Autriche, sensible aux attraits de son beau-frère, est proche de ce parti.

Le 10 novembre, en son palais du Luxembourg (l'actuel siège du Sénat), la reine-mère sermonne son fils et l'adjure de se séparer de Richelieu. Elle lui reproche en vrac de ménager les protestants, d'opprimer la noblesse et de se désintéresser du bien-être du peuple.

Vaudeville politique

Le cardinal, devant l'importance de l'enjeu, tente d'entrer dans la pièce où se déroule l'entretien. Mais Marie de Médicis a recommandé à ses huissiers d'en tenir toutes les portes fermées. Toutes ? Non. Une porte dérobée s'offre à Richelieu. Dans ses Mémoires, le cardinal raconte : « Dieu s'est servi de l'occasion d'une porte non barrée qui me donna lieu de me défendre lorsqu'on tâchait de faire conclure l'exécution de ma ruine ».

Marie de Médicis plus tard dira : « Si je n'avais pas négligé de fermer un verrou, le cardinal était perdu ». Il semble en fait que l'habile cardinal ait usé de son influence sur une femme de chambre pour approcher le roi. On imagine la surprise de la reine-mère quand il ouvre la porte !

Richelieu : « Je gagerai que Leurs Majestés parlent de moi ?... ». « Oui ! » répond sèchement Marie de Médicis. Richelieu écoute en silence ses violents reproches puis s'agenouille devant le roi et la reine-mère et, dans une humilité calculée, baise le pan de robe de celle-ci.

Louis XIII tourne les talons et se retire à Versailles, où il possède un modeste relais de chasse (son fils Louis XIV en fera le palais que l'on connaît).

Les courtisans croient en la victoire de la reine et s'inclinent devant elle.

Là-dessus, le roi fait appeler Richelieu...

D'un naturel timide et hypocondriaque, Louis XIII déteste son ministre qui est tout son contraire, intelligent, distingué, ambitieux, travailleur... Mais en son for intérieur, il approuve sa politique, si dure soit-elle, qui préserve la France de la guerre civile et des menaces étrangères. Aussi lui renouvelle-t-il sa confiance dans l'intimité de son relais de chasse, promettant de ne jamais se séparer de lui, en quoi il tiendra parole.

Un courtisan, Bautru, comte de Serrant, prononcera alors une phrase promise à la postérité : « C'est la journée des dupes ! »

Vainqueur du bras de fer, le cardinal obtient du roi l'éloignement de la reine-mère. Marie, qui n'a de cesse de comploter, veut s'installer dans la place forte de la Capelle, au nord de Laon. On est au bord de la guerre civile ! Mais la reine-mère doit finalement se résoudre à l'exil aux Pays-Bas.

Marie de Médicis, une reine encombrante

Marie de Médicis, veuve d'Henri IV, a donné le jour à un roi, Louis XIII, mais aussi à deux reines, Henriette de France, épouse du roi d'Angleterre Charles Ier, et Elisabeth de Bourbon, épouse du roi d'Espagne Philippe IV, et une duchesse de Savoie, Christine. Elle n'a pas pour autant un grand sens de la politique...
Après beaucoup de pérégrinations et de tracas, l'ex-régente meurt le 3 juillet 1642, à 69 ans, à Cologne, dans une maison prêtée par le peintre Rubens qui réalisa pour elle, au temps de sa splendeur, une superbe suite de tableaux, aujourd'hui au Louvre.

Gaston d'Orléans, qui lorgne sur la succession de son frère, encore sans enfant à 30 ans, est aussi contraint de quitter la Cour.

Au nom de la « raison d'État », et avec le soutien du roi, Richelieu peut désormais mener la guerre comme il l'entend. Il apporte d'abord un appui larvé aux protestants dans la guerre religieuse qui ravage l'Allemagne et restera connue sous le nom de Guerre de Trente Ans.

Enfin, il déclare la guerre à l'Espagne et s'engage directement dans le conflit. Celui-ci aboutira, sous l'égide de son successeur le cardinal Mazarin, aux traités de Westphalie et à la marginalisation de l'Allemagne pour deux siècles.

Publié ou mis à jour le : 2024-03-26 18:51:58
Frère Anselme (10-11-2021 23:24:09)

Il serait bon de préciser que M.le cardinal Armand du Plessis meurt entre 1642 et 1643 et que ce sera l'œuvre d'un futur autre cardinal "non prêtre" de partager l'Allemagne en 306 états et villes libres en 1648, écartant ainsi pour une assez longue période les périls venant de ce côté de notre frontière de l'Est : Julio Mazarini, 1er Ministre d'Anne d'Autriche, maman de notre «Roi Soleil.»

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