10 juillet 1559

Mort tragique du roi Henri II

Le 10 juillet 1559, meurt Henri II, fils et successeur de François Ier. Ce roi de la Renaissance, amoureux des fêtes et des tournois, a été blessé à l'oeil le 30 juin précédent par un éclat de bois, en rompant des lances au cours de grandes festivités qui s'annonçaient des plus joyeuses.

Fabienne Manière

Un traité et deux mariages

Le tournoi a été organisé à l'occasion de deux grands mariages, à savoir celui de Marguerite, la soeur du roi, avec le duc de Savoie Emmanuel-Philibert, et celui d'Élisabeth, fille aînée du roi, avec Philippe II, roi d'Espagne. Ce dernier ne s'est pas déplacé mais a délégué un cardinal pour un mariage par procuration.

Ces mariages font suite au traité contesté du Cateau-Cambrésis qui met fin aux guerres d'Italie sans grande contrepartie pour la France.

Henri II peut du moins éprouver la satisfaction d'avoir repris Calais aux Anglais et occupé les Trois-Évêchés de Metz, Toul et Verdun. Féru de romans de chevalerie, il veut magnifier le retour de la paix avec de grandes fêtes et un tournoi à l'ancienne.

Celui-ci est organisé dans la rue Saint-Antoine, la plus large de Paris, devant l'hôtel des Tournelles, résidence habituelle du roi.

Le tournoi des Tournelles

Au terme d'une journée torride, le tournoi touche à sa fin et les spectateurs commencent à se retirer quand Henri II se dispose à entrer à son tour en lice. Malgré quarante ans d'âge, il veut prouver sa vigueur à sa chère maîtresse Diane de Poitiers, dont il porte les couleurs (le noir et le blanc).

La reine Catherine de Médicis, superstitieuse, est torturée par de mauvais pressentiments. Elle fait demander au roi de ne pas jouter.

Après une première passe réussie, celui-ci lui fait dire qu'il s'accorde une dernière lance. Son adversaire est un jeune homme, le comte Gabriel de Montgomery, qui n'en mène pas large. Et l'accident se produit. Au premier choc, Henri II tombe à terre. La visière ne l'a pas protégé. Dans son oeil gauche est resté fiché un morceau de la lance adverse.

Les meilleurs chirurgiens sont requis pour soigner le souverain. Parmi eux l'illustre Ambroise Paré et le chirurgien attitré du roi d'Espagne, André Vésale.

Détail macabre : ne sachant trop comment enlever l'éclat de bois sans trop de dommages, Ambroise Paré s'exerce sur des têtes de condamnés à mort fraîchement décapités. Cela n'empêchera le roi de mourir après dix jours de grandes souffrances.

La Renaissance vue par Mme de Lafayette

Dans son roman La Princesse de Clèves, publié en 1678, sous le règne de Louis XIV, Mme de Lafayette évoque dans sa langue délicieuse et subtile les dernières années du règne de Henri II et la fin de la Renaissance (avec des considération peu amènes sur la belle Diane) : « La magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant d'éclat que dans les dernières années du règne de Henri second... »

Avenir trouble

En mourant à 40 ans, le roi laisse quatre jeunes fils qui lui succèderont à tour de rôle sauf le plus jeune, mort prématurément, et une veuve, Catherine de Médicis, qui règnera comme régente, sans compter une maîtresse toujours aimée, la belle Diane de Poitiers, alors âgée de... 60 ans.

Il laisse aussi une situation incertaine du fait de tensions au sein de la noblesse entre catholiques et protestants. Ces tensions vont déboucher trois ans plus tard sur les tragiques guerres de religion.

« Le coup de lance de Montgomery a créé la place des Vosges » (Victor Hugo)

Après son fatal accident, le roi Henri II a été transporté dans l'hôtel voisin des Tournelles. Cette belle résidence avait été édifiée par Louis d'Orléans, frère de Charles VI, un siècle et demi plus tôt, avant de revenir à la famille royale. C'est là que le roi meurt après d'interminables souffrances. Sa veuve Catherine de Médicis ne veut plus entendre parler dudit hôtel. Elle se lance dans la construction d'un nouveau palais, les Tuileries, à l'ouest du vieux Louvre de Philippe Auguste, et fait détruire l'hôtel des Tournelles.

Une génération plus tard, Henri IV et son ministre Sully font lotir l'emplacement. Ils envisagent d'y aménager une grande place (une première à Paris !). Une manufacture de draps de soie d'or est édifiée sur le côté nord de la future place Royale (il s'agit, au nom du mercantilisme, de limiter des importations coûteuses en développant la culture des mûriers et une industrie nationale de la soie).

Il est prévu que les marchands et les artisans de la manufacture habiteront les maisons de la place. Mais les 24 « officiers » (ou familiers de la cour) qui ont acquis les lots de terrain trouvent l'endroit à leur goût. Ils apprécient en particulier la place ! Les marchands se voient priés d'aller ailleurs et, derrière les façades bourgeoises en briques et pierres et la galerie marchande, les propriétaires aménagent pour eux-mêmes de beaux hôtels particuliers. La manufacture elle-même est supprimée au bout d'une quinzaine d'années.

La place Royale est inaugurée du 5 au 7 avril 1612 par un somptueux ballet équestre, à l'occasion des fiançailles du jeune Louis XIII (11 ans) avec Anne d'Autriche (le mariage aura lieu à Bordeaux le 28 novembre 1615).

En 1634, sur la fin de sa vie, Sully, vieillard non dépourvu d'extravagances, rachète l'hôtel somptueux qui porte aujourd'hui son nom, dans le Marais, entre la place Royale (place des Vosges) et la rue Saint-Paul. Selon les canons de l'époque, cette résidence nobiliaire est située « entre cour et jardin », à l'abri des bruits de la ville.

Dans l'un des hôtels de la place Royale naît en 1626 la future Madame de Sévigné. La future femme de lettres y sera à bonne école car c'est là, dans les hôtels de la prestigieuse place, qu'est né et s'est épanoui, sous le règne de Louis XIII, l'art de la conversation ou « préciosité » mais aussi le libertinage.

Sous la Révolution, la place sera rebaptisée place des Fédérés en 1792 puis place de l'Indivisibilité en 1793. Elle deviendra place des Vosges en 1800 pour honorer le premier département à s'être acquitté de ses impôts !

Publié ou mis à jour le : 2022-04-10 09:23:23

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