13 décembre 1545

Concile de Trente et Contre-Réforme

Le pape Paul III Farnèse convoque en 1542 un grand concile oecuménique à Trente, dans les Alpes (aujourd'hui en Italie).

Ce concile débute officiellement le 13 décembre 1545. Le pape (dico) lui donne pour objectif de revigorer l'Église catholique. Celle-ci va s'en trouver en effet profondément modifiée.

Fabienne Manière

La revanche catholique

Après le départ d'une partie de ses ouailles à l'appel de Luther, Calvin, Zwingli et quelques autres, le Saint-Siège a compris la nécessité d'engager une grande réforme au sein de l'Église catholique. Il y est encouragé par le nouvel ordre des Jésuites, énergique et passionné.

Le mouvement va prendre le nom de Contre-Réforme, ou Réforme catholique, en réaction à la Réforme protestante.

Éclairé par de grands théologiens (le Savoyard saint François de Sales et les Italiens saint Charles Borromée et saint Philippe de Néri), le concile impose en premier lieu de strictes règles de conduite au clergé et en particulier aux évêques. Il améliore la formation des prêtres et promeut l'enseignement du catéchisme. Il confirme aussi la préséance du Saint-Siège à la tête de la hiérarchie catholique.

Le concile de Trente clarifie par ailleurs l'interprétation catholique des Saintes Écritures, en particulier le dogme de la justification ou de la grâce : à la différence des luthériens qui estiment que Dieu décide in fine de sauver ou non un homme et de lui accorder la vie éternelle, les prêtres conciliaires précisent que l'homme peut être porté aux bonnes actions salvatrices s'il dispose de la grâce et lui concèdent une certaine marge de liberté.

Bartolomeo Bossi, Concile de Trente, 1776, église de Krkavče (Slovénie).

Le nouveau visage de l'Église

Outre ces points de doctrine, le concile de Trente rénove l'organisation du culte. À la place d'une Église médiévale épuisée, une nouvelle Église prend forme, avec ses zones d'ombre et de lumière. Elle va perdurer jusqu'à la fin du XXe siècle et au concile Vatican II.

- la confession :

Avec le concile de Trente, la confession, l'un des sacrements de l'Église catholique, ne se pratique plus de façon publique. Elle devient un exercice intime, sans contact visuel ou physique entre le confesseur et le pénitent. Elle devient aussi plus fréquente. On ne se confesse plus seulement une fois l'an mais tout au long de l'année.

Le théologien et archevêque de Milan saint Charles Borromée promeut l'usage du confessionnal, un meuble avec deux compartiments séparés par un rideau, l'un pour le confesseur, l'autre pour le pénitent.

L'Église médiévale privilégiait la dévotion, les pèlerinages et les processions. Désormais, on peut dire que l'Église issue du concile de Trente va privilégier la confession et la prédication, en réponse à l'offensive des protestants. Elle sera caractérisée par le confessionnal et par la chaire (une estrade d'où le prêtre, lors des offices, s'adresse aux fidèles).

- la formation des prêtres :

Le souci nouveau porté à la formation des prêtres change également le visage de l'Église. C'en est fini des curés et moines incultes, paillards et laxistes qui faisaient le régal des bateleurs de foire et des fabulistes au Moyen Âge.

Le concile instaure des séminaires, pour la formation des prêtres (le mot vient du latin seminare, semer ; il est synonyme de pépinière). En France, les premiers séminaires voient le jour en 1620. Ils font apparaître des ecclésiastiques en soutane, instruits, habiles à la rhétorique et rigides sur le plan des mœurs, plus respectueux que précédemment du vœu de chasteté.

Prenant le contrepied de la Réforme luthérienne, les pères conciliaires tiennent à ce que les clercs conservent en exclusivité le droit d'interpréter les Écritures saintes. Ils découragent la lecture de la Bible par les fidèles au contraire des théologiens protestants. Conséquence dommageable : l'alphabétisation va prendre du retard dans la plupart des pays catholiques. Dès 1559, l'Inquisition romaine publie la liste des ouvrages dont la lecture est déconseillée, voire interdite aux fidèles, car contraire aux bonnes mœurs et à la foi. C'est l'Index librorum prohibitorum, le début de la censure.

- le mariage :

Avec le décret Tametsi sur le mariage, voté en 1563, le concile prend le contre-pied de la Réforme protestante. Il fait très officiellement du mariage l'un des sacrements de l'Église et réaffirme son indissolubilité. Au risque de déplaire aux bourgeois et à l'aristocratie, il réaffirme aussi le libre consentement des époux et condamne les mariages forcés : « Il est criminel de violer la liberté du mariage ». Toutefois, il impose l'accord parental pour les femmes de moins de vingt-cinq ans et les hommes de moins de trente.

Pour prévenir la bigamie et les « mariages clandestins », il réglemente la publication des bans, dix jours avant la cérémonie, et impose la présence au mariage de quatre témoins ainsi que du curé de la paroisse des promis (lequel curé est mieux à même de connaître leur situation familiale qu'un quelconque prêtre). Il exige aussi que tous les mariages soient enregistrés sur les registres paroissiaux, ancêtres de l'état-civil.

Ainsi le concile de Trente a-t-il mis en place le modèle familial qui s'est imposé dans l'Occident moderne, avec un couple solidaire à l'égard de ses enfants comme de ses ascendants. L'abandon de la femme et des enfants par des hommes volages est devenu un comportement asocial et répréhensible. 

- le rituel et la messe :

Quelques années après le concile, le pape Pie V (1566-1572) entreprend de codifier aussi le rituel de la messe. Jusque-là, curés et évêques officiaient comme bon leur semblait. Désormais, l'office religieux suit un rituel rigoureux, le même partout, qui plus est dans une seule et même langue, le latin, afin que soit manifeste l'universalié de l'Église. Les chants et la musique sont empruntés au registre grégorien, lequel est le mieux à même d'élever les âmes.

La rançon de ce formalisme, c'est une messe devenue spectacle, belle mais à laquelle les fidèles participent sans rien comprendre. Il faudra attendre le concile Vatican II pour que le rituel soit assoupli et les langues vernaculaires introduites en remplacement du latin.

Concile, art et architecture

À la suite du concile, très vite, l'Église catholique reprend confiance et s'affirme dans la promotion de l'art baroque. Dès le milieu du XVIe siècle, des artistes de premier rang, tels Michel-Ange et Rubens, mettent en scène la gloire de Dieu et l'amour de la vie dans la peinture comme dans l'architecture.

L'art baroque reste le plus beau témoignage de la Contre-Réforme catholique. Issu de la réforme tridentine, il ne craint pas les excès et s'oppose par sa munificence à l'austérité des réformés luthériens et calvinistes.

L'architecture religieuse subit l'influence de la réforme tridentine :
- les cathédrales gothiques étaient conçues pour les processions et l'on pouvait en faire le tour par les nefs latérales et en contournant le chœur par le déambulantoire,
- les églises baroques, quant à elles, accordent la primeur à la prédication avec une nef centrale très large, dominée par la chaire, et l'impossibilité de cheminer derrière le chœur.

Contre-Réforme et reconquête catholique

Revigorée par le concile de Trente, la Contre-Réforme ne tarde pas à ramener à l'ancienne foi nombre de régions allemandes, surtout en Rhénanie et dans les Alpes. Elle est conduite par les Jésuites qui bénéficient de l'argent espagnol et de l'appui des successeurs de l'empereur Ferdinand 1er. La vigueur de cette reconquête attise les querelles entre catholiques et luthériens, notamment à propos des principautés ecclésiastiques.

Quand il se sépare le 4 décembre 1563, le concile de Trente a ravivé la foi catholique partout à l'exception notable de l'Europe du nord.

Publié ou mis à jour le : 2022-12-13 20:18:52
BLENET Daniel (13-12-2023 17:18:41)

Cet article est intéressant par la brève synthèse qu'il présente de la réaction catholique face à la Réforme, dans les aménagements proposés, tant dans la doctrine, la discipline ecclésiastique que l'architecture des églises. On doit rappeler les travaux d'Alain Talon sur le Concile de Trente. Il me parait aussi nécessaire de faire mémoire à cette occasion aux travaux de Bernard Chédozeau (1937-2021) qui a publié sur le Concile de Trente : "Chœur clos, chœur ouvert. De l'église médiévale à l'église tridentine" (Cerf 1999) ; l'étude des conséquences du Concile sur les monastères mauristes dans plusieurs études sur Saint-Germain-des-Prés et les abbayes languedociennes (Aniane, Saint-Guilhem le Désert, Saint-Chinian, Lagrasse, Villemagne-L'Argentière, Saint-Thibéry) dans deux séries : "Architecture et Liturgie" et "Architecture et Monachisme". Cet auteur, spécialiste des auteurs du 17° siècle (thèse de Lettres sur Pierre Nicole ; publication "Le Baroque" chez Nathan en 1989 ; nombreuses monographies et annotations des textes classiques ) a publié de nombreuses études sur les traductions de la Bible en Français à l'époque classique chez plusieurs éditeurs (Cerf, Nolin, Liame, Beauchesne, H. Champion) de 1986 à 2013. Il était membre d'honneur de la société des Amis de Port-Royal et de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier.

CARACALA (13-12-2020 19:48:04)

le bénéfice essentiel de la Réforme c'est qu'elle a permis la Contre Reforme";
A plus long terme la reforme a donne les EU, dont il faudra bien un jour faire le bilan objectif au regard de l'histoire.

Béatrice (08-05-2016 17:57:24)

Bonjour,Vous faires un lien entre l'instauration de l'index et un retard dans l'alphabétisation dans les régions catholiques. Je ne comprends pas le rapport. Pouvez-vous expliquer.De plus, c'est la première fois que je vois la mention d'un tel retard. Sur qu'elle source vous basez vous? Un article sur les processus d'alphabétisation en Europe depuis le XI ième siècle serait intėressant car c'est un point fondamental de l'émergence de la civilisation européenne ...
Merci pour la grande qualité du site

Béatrice (08-05-2016 17:57:23)

Bonjour,Vous faires un lien entre l'instauration de l'index et un retard dans l'alphabétisation dans les régions catholiques. Je ne comprends pas le rapport. Pouvez-vous expliquer.De plus, c'est la première fois que je vois la mention d'un tel retard. Sur qu'elle source vous basez vous? Un article sur les processus d'alphabétisation en Europe depuis le XI ième siècle serait intėressant car c'est un point fondamental de l'émergence de la civilisation européenne ...
Merci pour la grande qualité du site

Béatrice (08-05-2016 17:57:19)

Bonjour,Vous faires un lien entre l'instauration de l'index et un retard dans l'alphabétisation dans les régions catholiques. Je ne comprends pas le rapport. Pouvez-vous expliquer.De plus, c'est la première fois que je vois la mention d'un tel retard. Sur qu'elle source vous basez vous? Un article sur les processus d'alphabétisation en Europe depuis le XI ième siècle serait intėressant car c'est un point fondamental de l'émergence de la civilisation européenne ...
Merci pour la grande qualité du site

Michel Sourbier (22-04-2008 17:12:47)

C'est un grand honneur d'être le premier à envoyer un commentaire sur cet article. Il m'apprend des faits que je ne connaissais pas. Serait-il possible d'avoir un jour en parallèle sur deux colonnes, ce qui rapproche les deux religions et ce qui les sépare fondamentalement ?

Ce qui me plairait aussi c'est de connaître les effets désastreux pour la France de la révocation de l'Edit de Nantes, acte aussi ignoble que stupide, dont les conséquences sont encore aujourd'hui très graves me semble-t-il : la Suisse serait-elle la championne de l'horlogerie ? Anvers serait-il la référence des diamants ? Londres, puis New York auraient-elles de grandes banques ?
Voilà me semble-t-il un article qui intéresserait de nombreux amis d'Hérodote et d'autres. S'il a déjà été écrit où peut-on le trouver ?

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net