Le 21 avril 1526, sur le célèbre champ de bataille de Panipat, près de Delhi, le turc Babour chah écrase l'armée du sultan de Delhi. Sa victoire marque la naissance du dernier grand empire indien avant l'occupation britannique : l'empire moghol.
L'année même où Babour chah remporte la bataille de Panipat grâce à son artillerie, un autre conquérant d'origine turque, Soliman le Magnifique, bat le roi de Hongrie à Mohàcs et annexe la plus grande partie du pays avec une armée aussi bien outillée que celle du roi chrétien. L'Histoire universelle est alors à un tournant. Du Japon à l'Angleterre, toutes les régions du Vieux Monde sont à peu près au même niveau de développement technologique.
Ensuite, un fossé de plus en plus profond va se creuser entre l'Occident et l'Asie du fait de la fracture provoquée par l'empire ottoman d'Istamboul. En coupant la Route de la Soie qui, au Moyen-Âge, reliait l'Occident à la Chine, celui-ci va limiter les échanges terrestres entre les deux extrémités de l'Eurasie. Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour que se rétablisse l'équilibre de 1500 et que l'Extrême-Orient et l'Inde accèdent à nouveau aux techniques les plus avancées.
Un chef de bande avisé
Babour (ou Bâber ou Babur), héritier à 12 ans de la petite principauté du Ferghana, en Asie centrale, en a été chassé par son oncle. Devenu chef de bande, il s'empara de Samarcande puis, en 1504, à 21 ans, du royaume de Kaboul. Il fut dès lors connu sous le nom de Babour chah.
Il mena des expéditions en Afghanistan et dans le Sindh, aux portes du sous-continent indien et saisit la chance de sa vie lorsque le gouverneur du Pendjab, Daoulat khan, l'appela à l'aide contre son suzerain, le sultan de Delhi, Ibrahim Lodi.
Babour chah est tout sauf un sauvage. Quand il pénètre en Inde, il n'a que vingt mille hommes environ à opposer aux cent mille hommes et aux mille éléphants de guerre du sultan. Mais il dispose de l'équipement le plus moderne qui soit : canons et mousquets et arcs composites (il emploie des arcs sophistiqués, plus légers et plus puissants que les arcs longs qui ont fait le succès des armées anglaises pendant la guerre de Cent Ans).
D'autre part, il pratique une stratégie fine en divisant ses troupes en unités autonomes et coordonnées (ses archers à cheval constituent des unités particulièrement redoutables). Ses pièces d'artillerie sont montées sur des chariots mobiles reliés entre eux et constituent une fortification mobile (miniature ci-dessous).
Le roi étudie la situation et décide de livrer la bataille décisive à Panipat. Il fait creuser des tranchées face à la ville.
Le jour fatal, Ibrahim Lodi tombe dans le piège. Attaquant de front et dans le désordre, il se jette avec ses troupes dans l'entonnoir constitué par la ville d'un côté, la tranchée de l'autre. Au bout de l'entonnoir, il est accueilli par les tirs de mousquets, les boulets de canon et les flèches. Les éléphants, affolés, se replient, écrasant les fantassins sur leur passage et semant la panique. Le sultan est tué comme beaucoup de ses hommes.
Suite à sa victoire, Babour renverse le sultanat de Delhi, fondé trois siècles plus tôt par l'Afghan Mohammed de Ghor. Il complète son triomphe en battant les princes rajpoutes du centre de l'Inde à Khanoua l'année suivante, le 16 mars 1527. Enfin, il chasse du Bihar l'héritier d'Ibrahim Lodi. L'Inde du nord est désormais tout entière sous sa domination.
Naissance d'une dynastie
Babour fonde la dynastie musulmane des Moghols (déformation de Mongol - ou Turc ! -). Ce nom étrange vient de ce que Babour chah est un lointain descendant du conquérant Tamerlan, qui avait déjà remporté une victoire à Panipat en 1398. Tamerlan se rattachait de façon quelque peu abusive au conquérant mongol Gengis khan.
Le conquérant, excellent stratège, administrateur avisé, poète sensible mais ivrogne et débauché (comme pouvait l'être plus près de nous le Turc Moustafa Kémal), meurt à Agra, sa nouvelle capitale, le 26 décembre 1530, à 47 ans. Il laisse son empire à son fils Humayun.
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Cette carte montre la péninsule indienne (les Indes comme on disait autrefois) au temps des premiers empereurs moghols (du milieu du XVIe siècle à la fin du siècle suivant). Ce fut l'une des très rares périodes où la péninsule se trouva presque complètement unie.
Les Moghols règneront en Inde du Nord jusqu'à la fin du XIXe siècle avant de laisser la place à l'Empire britannique des Indes, mais les principaux représentants de la dynastie, qualifiés de «Grands Moghols», disparaîtront avec Aurengzeb en 1707.
Leur plus illustre représentant, Akbar, sera intronisé le 27 janvier 1556. Il laissera le souvenir d'un empereur tolérant et éclairé, chose rare au XVIe siècle. L'empire moghol sera à l'origine d'une brillante civilisation indo-musulmane dont les Indiens cultivent encore la nostalgie (le Taj Mahal en est la plus célèbre illustration). Il sera aboli par les Anglais en 1857.
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