Le 2 janvier 1492, la reddition de Boabdil, dernier rejeton de la dynastie nasride, met fin au royaume musulman de Grenade.
• C'en est fini de la présence musulmane en Espagne, active pendant sept à huit siècles.
• C'en est fini aussi de la première croisade engagée par les chrétiens d'Occident contre les envahisseurs musulmans, la Reconquista (dico).
Celle-ci avait débuté sous le règne de Charlemagne et l'un de ses premiers faits d'armes avait été la mort de Roland au col de Roncevaux, victime de pillards basques.
La fin de huit siècles de présence musulmane
Les grands vainqueurs de la conquête de Grenade sont les souverains de deux royaumes anciennement rivaux, l'Aragon et la Castille.
Isabelle est la fille de Jean II de Castille et de León, auquel succède le 20 juillet 1464 son fils sous le nom d'Henri IV.
Violemment contesté, le roi ne peut imposer sa fille dite « la Beltraneja » pour lui succéder et c'est en définitive sa demi-soeur Isabelle qui lui succède le 12 décembre 1474, non sans contestation.
Avec Henri IV s'éteint la descendance mâle de la Maison de Trastamare.
Cinq ans plus tôt, Isabelle a pu épouser en secret du roi son cousin, par ailleurs héritier du royaume d'Aragon et de Navarre ainsi que du comté de Barcelone.
Celui-ci monte sur le trône d'Aragon et de Navarre à la mort de son père Jean II, le 19 janvier 1479, sous le nom de Ferdinand II.
À ce moment se trouve réalisée l'union personnelle des deux couronnes. Elle va perdurer après la mort des deux époux et jusqu'à nos jours.
Ferdinand renforce hardiment l'autorité de la monarchie, en faisant détruire les châteaux forts, en recrutant des conseillers dans la bourgeoisie, en améliorant la collecte des impôts, enfin en obtenant du pape un droit de regard sur les nominations aux principales fonctions ecclésiastiques.
Francisco Ximenez, ou Jimenez de Cisneros, un prêtre devenu sur le tard confesseur de la reine et archevêque de Tolède, convainc le couple royal de parachever l'unité de la péninsule en détruisant le dernier royaume musulman, qui inclut Grenade ainsi qu'Alméria et Malaga.
Unité territoriale, unité religieuse
L'entreprise est facilitée par une guerre dans le royaume nasride entre deux clans ennemis, les Abencérages et les Zégris.
Avec la prise de Grenade, l'unité de la péninsule est désormais complète (à l'exception du Portugal). L'exploit vaut à Isabelle et Ferdinand de recevoir du pape Alexandre VI Borgia (un Espagnol) le titre émérite de « Rois Catholiques ».
Une légende veut que Boabdil, sur le chemin de l'exil, se soit retourné en pleurs vers sa chère Grenade, au lieu-dit « le dernier soupir du maure ». Sa mère lui aurait alors lancé : « Pleure comme une femme ce que tu n’as pas su défendre comme un homme ! »
Dans les faits, le roi nasride a pu obtenir de ses vainqueurs une généreuse capitulation avec le droit pour ses sujets de conserver leur religion, leurs armes et leur droit. Mais ces bonnes intentions ne vont pas résister longtemps à l'intolérance...
À peine ont-ils reçu la reddition du roi Boabdil que les souverains espagnols ordonnent l'expulsion de tous les juifs de leurs royaumes à moins qu'ils ne se convertissent avec sincérité au catholicisme. Cette mesure d'expulsion prend effet le 31 mars 1492. Elle viole, notons-le, l'engagement de respecter les juifs de Grenade, engagement inscrit dans le traité conclu avec Boabdil.
Pas moins de 160 000 juifs quittent précipitamment la péninsule et vont chercher refuge en Afrique du nord ou auprès du sultan ottoman (dans leur pays d'accueil, ils se feront connaître sous le nom de Sépharades, du nom donné à l'Espagne en hébreu). L'Inquisition, tribunal religieux au service de la monarchie, se charge de traquer les faux convertis.
Le sort des musulmans n'est guère meilleur. En 1499, l'archevêque de Tolède Cisneros, qui a obtenu entretemps la pourpre cardinalice, convainc les Rois catholiques d'en finir avec eux et de les convertir de force, contre l'avis de l'archevêque de Grenade Hernando de Talavera.
Les habitants de Grenade sont rassemblés sur la place publique, aspergés d'eau bénite et dès lors considérés comme baptisés. Ceux qui refusent ouvertement leur nouvelle condition sont expulsés du pays comme les juifs une décennie plus tôt. À Albaicín, en 1502, une tentative de révolte est violemment réprimée par le comte de Tendilla, vice-roi de Grenade.
Beaucoup de musulmans choisissent de rester sur place et de pratiquer leur foi en secret. Ces faux convertis, appelés Morisques, seront expulsés un siècle plus tard, en 1609, dans des conditions dramatiques, à l'initiative du duc de Lerma, conseiller du roi. Ces expulsions successives vont parachever l'unité religieuse de la péninsule mais aussi priver le pays d'éléments dynamiques et l'entraîner dans un irrépressible déclin.
En attendant, heureuse de sa victoire sur les Maures de Grenade, Isabelle se rend disponible pour de nouvelles conquêtes. C'est ainsi qu'elle reçoit Christophe Colomb et soutient son projet démentiel de rejoindre l'Asie des épices en traversant l'océan Atlantique.
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hourryya (12-09-2006 17:48:58)
Ben pour ma part, le mythe de l'Andalousie s'effondre. Les preuves historiques sont-elles suffisantes pour permettre d'affirmer que les juifs et les chrétiens avaient le statut de dhimmi en Andalousie ? On m'avait appris que juifs, chrétiens et musulmans cohabitaient pacifiquement, si ce pacifisme était forcé par le statut de dhimmi, c'est la fin du mythe... On m'avait également appris qu'avant l'arrivée des berbères, l'Espagne était sur le déclin et que ce sont les Arabes qui l'ont relancée. Hors dans cet article, il est fait état d'une Espagne prospère sous les wisigoths...
En revanche, pour repondre à Belbal, les musulmans ont massacré ou banni davantage de "savants" musulmans jugés hérétiques que n'en ont tué leurs ennemis. Averroès par exemple etait soupçonné d'hérésie par les autorité musulmanes andalouses qui l'ont longtemps persécuté jusqu'a la destruction de ses oeuvres philosophiques et son exil forcé. Il n’aura pas de postérité en terre d’Islam. L’oeuvre d’Averroès sera sauvée par les traducteurs juifs. Elle passera par les Juifs de Catalogne et d’Occitanie dans la scholastique latine.
bELBAL (17-05-2006 13:08:45)
Bonjour,
Dans cet article on parle des expulsions, sans donner plus de détails, d'après ma culture, il y avait pratiquement un génocide, des milliers de morts et ce n'était pas n'importe quels morts, des savants, des mathématiciens, des sages, des architectes, et la liste est longue, sans oublier le massacre des juifs.
Herodote.net répond :
La prise de Grenade s'est soldée par la conversion forcée ou l'expulsion de ses habitants mais l'Histoire ne garde pas le souvenir de massacres. Il est vrai que, par ailleurs, à la même époque, l'Inquisition sévissait durement dans toute l'Espagne contre les faux convertis (quelques milliers de victimes au total).