28 juillet - 19 août 1488

La Bretagne se soumet après la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier

À la mort du roi de France Louis XI en 1483, sa fille ainée Anne de Beaujeu obtient la régence du royaume en attendant la majorité de son frère, le futur Charles VIII.

Comme il est fréquent dans les périodes de régence, elle doit aussitôt faire face à la révolte de plusieurs princes dont le duc de Bretagne François II, aussi appelée « guerre folle ». Elle est écrasée à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, le 28 juillet 1488. Cette victoire permet à la régente de régler l’un des problèmes récurrents  auxquels Louis XI avait été confronté pendant tout son règne : l’autonomie de la Bretagne.

Après la bataille et en vertu du traité du Verger signé le 19 août 1488, les droits sur la succession ducale sont réservés au roi pour le cas où le duc décèderait sans enfant mâle. Ainsi lorsque François II meurt, sa fille Anne, l’héritière du duché, est mariée au roi Charles VIII le 6 décembre 1491. Cette bataille est donc d’une importance considérable pour tous les Bretons car elle marque véritablement la fin de l’indépendance politique du duché de Bretagne, préparatoire à la réunion à la France...

Matthias Mauvais

Cathédrale Notre-Dame de l'Annonciation de Moulins (Allier) : vitrail de Sainte Catherine, dit vitrail des ducs, XVe siècle. Partie centrale : à gauche de Sainte Catherine, Anne de France et Pierre de Beaujeu et leurs enfants Suzanne et Charles.

La question bretonne

La « question bretonne » commence véritablement sous le règne de Louis XI (1461-1483) et correspond à une longue période de tension entre le duché de Bretagne et le Royaume de France. Le roi cherche à mettre fin à l’épisode féodal de l’histoire de France et réussit peu à peu à soumettre tout le pays directement à l’administration royale.

Pendant plus de trente ans, les Marches de Bretagne (les régions frontalières du duché), deviennent le théâtre de confrontations directes - alternant avec des périodes d’accalmies - entre le duc François II et l’autorité royale.

Maître de Jeanne de France, François II et Marguerite de Foix, détail d'un décor de marge du Missel des Carmes de Nantes, bibliothèque de l'Université de Princeton. Agrandissement : Vitrail des Cordeliers de Nantes : François II, duc de Bretagne, en prière, Paris, BnF.Pour s’assurer le contrôle des fiefs, les rois de France privilégient le jeu des alliances. Dès qu’un grand feudataire n’a plus que des filles pour sa succession, le roi emploie tous les moyens, y compris la coercition, pour l’obliger à marier l’héritière à un de ses frères ou de ses fils afin que la couronne comtale ou ducale échoie à un membre de la famille royale.

Or, le duc de Bretagne François II n’ayant que des filles, Louis XI rachète les droits éventuels sur la succession aux Blois-Penthièvre en 1480 et espère relancer à son profit la querelle de succession pour le trône ducal.

Mais à la mort de Louis XI (1483), la question bretonne est loin d’être réglée, elle se poursuit alors sous le règne de son fils Charles VIII. Pendant la minorité de ce jeune souverain, c’est Anne de France dite Anne de Beaujeu, de vingt ans son aîné, qui assure la régence, elle dont son père avait coutume de dire qu’« elle [était] la moins folle femme du royaume, car de sage, il n’y en a pas ».

Maître du triptyque de Louis XII, Annonciation (panneau central) avec Louis XII de France (panneau de gauche) et Anne de Bretagne (panneau de droite), ?uvre de Limoges, XVe siècle, Londres, Victoria and Albert Museum. Agrandissement : Maître de Philippe de Gueldre, Anne de Bretagne et Louis XII devant la couronne d'épine. Lettrine découpée dans un ancien graduel à l'usage de la Sainte-Chapelle de Paris, vers 1500, Nantes, musée départemental Thomas-Dobrée.

La guerre folle : Anne de France contre les princes révoltés

Le 30 mai 1484, Anne de Beaujeu fait sacrer, à Reims, son petit frère âgé alors de quatorze ans, et qui monte sur le trône sous le nom de Charles VIII.

Le dauphin Charles (futur Charles VIII) reçoit François de Paola à Amboise en 1483, Anonyme, XVIIe siècle. Agrandissement : Portrait du roi Charles VIII, Anonyme, d?après Jean Perréal, XVIe siècle, château de Versailles.Les débuts de son règne, sous la régence de sa sœur, sont consacrés à l’élimination d’une dernière révolte féodale que l’histoire a retenue sous le nom de « guerre folle » ou « révolte des princes » (1485-1488).

La Guerre folle est une guerre féodale qui voit quelques princes français profiter de la période de régence pour se révolter contre la puissance royale. Elle s’inscrit dans une longue succession de conflits qui oppose la Royauté et les grands princes du royaume, dans la deuxième moitié du XVe siècle : Praguerie (1440), ligue du Bien public (1465), etc.

Dès la mort de Louis XI, le duc d’Orléans réclame la régence bien qu’elle soit destinée à Anne de Beaujeu conformément au désir de son père.

Louis XII recevant l'ouvrage, Des Remedes de fortune de Pétrarque, XVIe siècle, Paris, BnF. Agrandissement : Louis XII écrivant à Anne de Bretagne, Épîtres de poètes royaux, vers 1510, Saint-Pétersbourg.Entre 1484 et 1485, à plusieurs reprises, il tente de la renverser mais échoue malgré le soutien du duc de Bretagne et de quelques autres princes. Il tente même d’enlever le jeune roi mais la régente, prévenue, l’en empêche en faisant irruption en force dans la chambre du roi.

Dans la coalition des princes révoltés on compte les ducs René II de Lorraine, François II de Bretagne, Louis II d’Orléans (cousin du roi et futur Louis XII de France), le prince d’Orange, le comte d’Albret, le comte d’Angoulême, le comte de Comminges et gouverneur de Guyenne, ainsi que Philippe de Commynes. Ils sont soutenus par les ennemis étrangers du roi de France : l’Angleterre, la Castille-Aragon, et l’Autriche-Bourgogne.

François II et le parti des barons

Tout comme sous le règne de Louis XI, Le duc François II tente de préserver son pouvoir face aux visées du roi de France mais sa participation à la guerre folle et cet appui apporté aux princes révoltés français met en danger son autorité en Bretagne.

Sceau de François II de Bretagne.Parmi la haute et petite noblesse bretonne, beaucoup se révoltent contre l’administration déficiente et corrompue de François II. Parmi eux, le maréchal de Rieux, le vicomte de Rohan ou encore le baron de Châteaubriant se réunissent et forment le parti des barons.

Ensemble, ils réclament avant tout l’expulsion hors de Bretagne des princes révoltés français, à cause du péril où leur présence jette le duché en l’exposant à un choc redoutable avec la France. Aussi craignent-ils de voir ces « hors-venus » accaparer à la cour de Bretagne l’influence et les faveurs, au détriment des seigneurs bretons.

Anne de France, dame de Beaujeu, duchesse de Bourbon, présentée par saint Jean l'Évangéliste, Jean Hey, vers 1492, Paris, musée du Louvre. Agrandissement : Maître des Heures de Françoise de Dinan, XVe siècle, Rennes, bibliothèque des Champs Libres.Pour les chasser hors de Bretagne, le parti des barons fait alors le choix risqué de s’allier au roi de France. En mars 1487, une soixantaine de nobles bretons se réunissent chez Françoise de Dinan à Châteaubriant et font appel à Anne de Beaujeu pour chasser les conseillers étrangers du duc de Bretagne et notamment le comte de Dunois et le duc d’Orléans ainsi que d’autres princes français révoltés de la guerre folle.

Mais le parti des barons prend aussi des précautions contre le péril de l’invasion française de la Bretagne. Un accord est passé avec le roi : le duc ne sera pas menacé par l’armée royale et celle-ci devra se retirer de Bretagne une fois que les princes révoltés de France seront capturés.

La campagne de 1487 : les Bretons face au péril de l’invasion française

En mai 1487, une armée de 15 000 hommes envoyée par le roi de France entre en Bretagne. Les coalisés franco-bretons occupent sans coup férir un grand nombre de places fortes que les barons possédaient à titre féodal, entre autres Clisson, Ancenis, Châteaubriant, La Guerche, Vitré, et Rohan.

Tuteur de la Reine Anne de Bretagne, gravure d'après un portrait de Jean IV de Rieux, Collection Château d'Harcourt.Puis les troupes du roi, combinées avec celles des barons, s’emparent de Ploërmel, de Vannes et d’Auray. Mais ensuite, les barons perdent le contrôle de l’alliance. En dépit des accords passés, l’armée du roi seule, assiège le duc François II dans Nantes pendant sept semaines mais sans résultat du reste ; elle prend ensuite les deux petites places de Dol et de Saint-Aubin-du-Cormier.

La coalition franco-bretonne domine à ce moment dans une très grande partie de la Bretagne mais les barons voient l’étendue de leur faute. Devant le péril de l’invasion française de la Bretagne ils rejettent finalement l’alliance du roi et rallient le duc pour défendre la cause bretonne. En décembre 1487, le baron de Rieux suivi par tous les autres barons - à l’exception du vicomte de Rohan - se rallient au duc de Bretagne et toutes les places qu’ils occupaient rentrent sous l’obéissance du duc.

Dans un revirement soudain les Français ne possèdent plus que les places du vicomte de Rohan (Josselin, Rohan, La Chèze), et les six où ils avaient mis une garnison : Vannes, Clisson, La Guerche, Vitré, Dol et Saint-Aubin. La campagne de solde donc par un semi-échec pour l’armée royal et les Bretons s’apprêtent à reprendre du terrain.

Le Chateau de Clisson proche de Nantes. Agrandissement : Château de Vitré, Ille-et-Vilaine.

La campagne de 1488 : l’écrasante supériorité française

Sous la conduite du duc d’Orléans, l’« ost » breton (c’est-à-dire l’armée en campagne à l’époque féodale) reprend Vannes en mars 1488, tandis que le vicomte de Rohan se fait assiéger dans ses trois places.

Carte de la campagne militaire de 1488.En mars 1488, la Bretagne semble perdue pour les Français alors Charles VIII organise une nouvelle campagne militaire pour le printemps. Il ordonne de réunir sur la frontière de Bretagne une armée, dont il donne le commandement à Louis de La Trémoille, un lieutenant général âgé de 27 ans et familier de la régente.

Le roi veut que La Trémoille aille jusqu’à Josselin pour secourir le vicomte de Rohan car il ne veut pas perdre le dernier soutien breton qu’il possède. Mais La Trémoille comprend qu’une chevauchée au cœur du pays de Vannes se conclurait sur le long terme par un échec car il n’a avec lui qu’une faible partie de ses troupes, mal formées, mal préparées, sans vivres, sans artillerie et sans aucun moyen d’établir des communications.

Portrait de Louis II de La Trémoïlle, Anonyme, XVe siècle, Chantilly, musée Condé. Agrandissement : Mercenaires suisses traversant les Alpes, illustration du Lucerne Chronique, Diebold Schilling le Jeune, 1513.Le jeune chef résiste courageusement aux ordres du roi qui finit par changer d’avis en voyant que le vicomte de Rohan a rejoint Clisson avec son armée et qu’il s’apprête à rejoindre l’armée de La Trémoille. En effet, le vicomte de Rohan pourtant assiégé par les Bretons, réussit à rejoindre l’armée française sans perdre un seul homme (il avait fait croire au duc de Bretagne qu’il se ralliait à lui mais qu’il devait d’abord se rendre auprès du roi de France pour dégager une parole donnée ; il fait le serment de revenir au service du duc et laisse même son second fils en otage…).

Au mois d’avril 1488, l’armée française basée à Pouancé est renforcée par des mercenaires envoyés par le roi, entre autres 5000 Suisses, des troupes d’élites : « les plus beaux hommes qu’il est possible de voir » selon Charles VIII. Elle reçoit aussi et surtout une artillerie de nouvelle fabrique, en façon de serpentine, mise en œuvre par des spécialistes italiens et suisses. L’artillerie française est alors la plus puissante d’Europe à l’époque.

Château de Pouancé, Maine-et-Loire, la porte de l'Anjou aux Marches de Bretagne. Agrandissement : William Turner, La commune d'Ancenis et son château, vue de la Loire, 1826-1830, Cambridge, The Fitzwilliam Museum.

Fort de ce soutien, le 23 avril, après une semaine de siège, ils prennent Châteaubriant. À ce moment, l’armée bretonne qui n’est pas une armée permanente, n’a pas encore réuni ses troupes, elle est donc incapable de faire campagne et ne peut secourir Châteaubriant. Puis le 19 mai, l’armée française prend Ancenis, la ville du maréchal de Rieux, qui est investi dans la nuit du 12 au 13.

Vitrail d'Anne de Bretagne à Fougères, Ille-et-Vilaine.Des négociations et des trêves successives sont signées qui durent jusqu’au 9 juillet. Le 10, les troupes royales commencent à investir l’importante place de Fougères, une des meilleures de Bretagne, la plus forte après Nantes, et défendue par une garnison de 2 à 3000 hommes. Pourtant le 12 juillet Fougères est complètement encerclée et, ne pouvant résister à la violence de l’artillerie française, elle finit par tomber le 19.

Les principales places gardant les entrées de la Bretagne sont alors aux mains du roi de France. Le 24, François II qui jusque-là avait du mal à rassembler son armée dispersée pendant la trêve, peut enfin affronter l’armée royale. Il ignorait cependant que Fougères était déjà tombée, alors quand le 26 juillet il apprend la chute de la place, il décide d’aller reprendre Saint-Aubin-du-Cormier, situé entre Rennes et Fougères, afin de rétablir un équilibre.

La bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, Paul Lehugeur, XIXe siècle.

La bataille de Saint-Aubin-du-Cormier

En réalité, la bataille a lieu à trois kilomètres de Saint-Aubin dans les grandes landes qui bordent la forêt de Haute-Sève. L’armée du duc de Bretagne se déploie en ordre de bataille dans la lande dite « de la Rencontre » - comme elle sera nommée par la suite - et attend ; prête à recevoir le choc de l’armée française.

Albrecht Dürer, Le Chevalier et le Lansquenet, 1496, Paris, Petit-Palais. Agrandissement : Albrecht Dürer, La Mort et le Lansquenet, 1510, Bruges, Groeningemuseum.Le duc de Bretagne est arrivé à rassembler entre 10 et 12 000 hommes, mais son armée est hétérogène. La moitié se compose de l’« ost » breton avec les 2000 hommes de la garde personnelle du duc, la seule troupe permanente qui existe en Bretagne. À laquelle s’ajoutent 1700 Bretons.

Ils sont recrutés parmi les possesseurs de fiefs, nobles ou roturiers, qui effectuent leur service militaire dans les conditions fixées par le droit féodal et réglées par les ordonnances ducales ainsi que parmi les milices paroissiales, c’est-à-dire une levée de cinq hommes par paroisse : « les plus forts et propres à porter des armes » et « parmi les gens du bas estat », constituant pour la plupart une piétaille sans valeur. Ils sont néanmoins soutenus par une artillerie composée de 700 pièces de toutes qualités mais dont la plupart sont dépassées.

L’« ost » breton est renforcé par 5000 auxiliaires étrangers envoyés par les alliés du duc et ennemis du roi de France, les mêmes qui soutiennent les princes révoltés depuis le début de la guerre folle. Ainsi, Maximilien d’Autriche avait envoyé dès juillet 1487 un corps de 1500 lansquenets allemands mais dont il ne reste que 7 à 800 hommes au moment de la bataille de Saint-Aubin.

Les Cinq Lansquenets, gravure de Daniel Hopfer, 1530.

Le comte d’Albret, un autre prince français révolté, et qui depuis son domaine de Gascogne revendique l’héritage du duché de Bretagne, amène avec lui 3500 soldats dont mille hommes du roi de Castille, auxquels s’ajoutent des gascons et des béarnais. En échange, on promet au comte d’Albret la main de l’héritière du duché de Bretagne.

Enfin le duc François II reçoit un corps de 700 volontaires anglais, surtout des archers, débarqués à Saint-Malo et commandés par le comte de Scales (l’intérêt de l’Angleterre était naturellement opposé à la conquête de la Bretagne par la France). D’ailleurs pour la bataille, les Bretons sont vêtus de hoquetons à croix rouges, la tenue des soldats anglais.

Les auxiliaires étrangers sont de meilleurs éléments mais contribuent au manque de cohésion d’ensemble de l’armée, d’autant plus que les princes français qui exercent un commandement sont divisés. Le maréchal de Rieux, le duc d’Orléans, le prince d’Orange et le comte d’Albret ont en effet chacun leur intérêt propre dans la victoire.

Lieu de la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier. Agrandissement : La lande de la Rencontre : Une position unique et admirable pour une grande bataille, selon La Borderie, Histoire de Bretagne, Tome 4, pages 541-559, XIXe siècle.

Vers midi apparaît enfin dans la lande l’armée royale française forte également de 10 à 12 000 hommes. L’armée bretonne attend que l’armée française s’installe, se mette en ordre de bataille, ou encore qu’elle creuse sa tranchée pour protéger son artillerie, alors qu’elle aurait pu attaquer sans attendre et mettre en déroute les troupes adverses qui arrivent en désordre sur le champ de bataille. Mais alors qu’il fallait agir vivement, les Bretons ne mettent pas à profit cette dernière chance.

Les deux armées peuvent désormais se voir malgré les 800 mètres qui les séparent. L’armée française commandée par Louis de la Trémoille - contrairement à celle de François II - est composée presque exclusivement de soldats de métiers qui restent toujours en corps, toujours soumis aux exercices et à la discipline.

Elle se compose de 12 bandes d’infanterie suisses (4000 hommes), 25 compagnies d’ordonnance, 200 archers de la garde royale, plus l’arrière-ban de Normandie et 700 à 800 arbalétriers (certains fantassins viennent jusque d’Auvergne !), et enfin toujours la redoutable artillerie française commandée par le sire de Brissac. Louis de La Trémoille est également secondé par Adrien de l’Hospital et par le seigneur de Baudricourt, gouverneur de Bourgogne, tandis que la cavalerie française est menée par un mercenaire napolitain, le capitaine Jacobo Galiota.

Vitrail de Saint-Samson, Eglise Saint-Samson, Saint-Samson sur Rance, Côtes d'Armor.La bataille commence aux environs de 14h par un échange de tirs d’artillerie dans une décharge générale qui provoque de gros dégâts des deux côtés. Puis l’armée française avec un détachement de cavalerie sur chaque aile se met en marche vers l’armée adverse qui fait avancer son avant-garde « en pointe » ; au même moment une troupe bretonne cachée dans le bois d’Usel s’élance sur le flanc droit des Français.

Dans la mêlée, les Bretons chargent au cri de Saint Samson ! le saint du jour, ce grand évêque de Dol et l’un des saints patrons de la Bretagne. Au premier choc des deux armées, le comte de Scales, chef des troupes anglaises, est tué, mais l’avant-garde bretonne commandée par le maréchal de Rieux arrive à faire reculer son ennemi.

Tandis que les troupes de pied bretonnes mettent en déroute l’aile française qui leur est opposée, le capitaine napolitain Galiota aperçoit une faille dans la ligne de bataille des Bretons due à une fausse manœuvre du corps auxiliaire allemand. En effet les lansquenets allemands, en voulant se protéger des boulets de canons français, décident d’accélérer le pas pour atteindre un pli du terrain où l’artillerie ne pouvait les atteindre. Le capitaine napolitain en profite pour charger tête baissée avec ses 400 cavaliers bardés de fers et parvient à percer la ligne de bataille là où elle s’était brisée.

La cavalerie bretonne charge alors à son tour la cavalerie de Galiota afin d’éviter que celle-ci ne prenne à dos l’infanterie bretonne. Malheureusement, la cavalerie bretonne est dans un triste état, et ce à cause de la difficulté que le duc avait eue pour la recruter (c’est un problème récurrent en Bretagne tout au long du XVe siècle). Mal montée et mal équipée, elle est donc enfoncée sans peine par la cavalerie française.

Bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, médaillon tiré d'une Histoire universelle, 1520, Paris, bibliothèque Sainte-Geneviève.Une partie de la troupe de Galiota peut alors se jeter sur les bagages et l’artillerie bretonne qui se retrouve à découvert. Les hommes à pieds prennent la fuite pendant que les troupes françaises continuent d’entrer par la brèche que Galiota a faite dans la ligne adverse. L’armée bretonne, assaillie à la fois de dos et de face ne peut résister longtemps et bientôt la déroute est générale.

Les fantassins sont « occis sans répit comme des moutons dans un parc », et pas moins de 500 archers anglais sont massacrés de la même manière. La cavalerie bretonne se sauve à travers le bois d’Usel avec le comte d’Albret et le maréchal de Rieux qui arrivent à échapper à la poursuite des Français. Le duc d’Orléans qui combattait avec la bande de lansquenets allemands, refuse de fuir et se bat jusqu’à la fin avant d’être fait prisonnier.

La bataille prend fin vers 18h et le bilan est lourd d’autant plus que les Français avait un mot d’ordre : « pas de prisonniers ». Probablement 6 à 7000 morts sont à déplorés chez les Bretons et leurs alliés. Les 2000 hommes portant la croix rouge (Bretons et Anglais) sont tués jusqu’au dernier. Ils sont tous ensevelis sur place dans un immense charnier. Du côté français on compte 1400 morts (chiffres donnés par le chroniqueur de l’époque Bouchart), dont le capitaine Jacobo Galiota, mortellement blessé dans son assaut décisif.

Ruines du château de Saint-Aubin-du-Cormier. Agrandissement : Stèle érigée en 1988 par Koun Breizh pour le 500ème anniversaire de la bataille.

Le traité du Verger prépare l’union de la Bretagne à la France

Après leur victoire écrasante, les troupes royales prennent Dinan et Saint-Malo les 7 et 14 août. Le découragement est alors plus profond et plus général qu’au lendemain de la bataille de Saint-Aubin. Le duc François II renonce à la poursuite de la lutte et se voit contraint de demander la paix.

Le 19 août 1488, en signant le traité du Verger (car il est signé au château du Verger, en Anjou, où se trouvait le roi), le duc s’engage à ne plus soutenir les princes révoltés et tous les étrangers qui s’étaient impliqués dans la guerre folle ; les villes de Saint-Malo, Fougères, Dinan et Saint-Aubin sont remises en garantie au roi.

En vertu du traité, François II doit aussi s’engager à ne pas marier ses filles sans le consentement du roi de France. Autrement dit les droits sur la succession ducale sont réservés au roi pour le cas où le duc décèderait sans enfant mâle. Or, François II meurt le 9 septembre 1488 d’une chute de cheval, trois semaines après le traité. S’ouvre alors une nouvelle période de crise et le 15 février 1489, le parti breton s’empresse de proclamer Anne duchesse souveraine légitime de Bretagne ce qui mène à une dernière guerre franco-bretonne pour encore trois ans.

Celle-ci prend fin en décembre 1491 lorsque le roi de France Charles VIII épouse finalement Anne de Bretagne qui deviendra veuve en 1498, et qui donc devra se remarier avec le nouveau roi Louis XII (le duc d’Orléans), qui fait annuler un premier mariage pour ne pas perdre le duché. Le mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII puis Louis XII amorce ainsi l’intégration du duché au domaine royal. La réunion de la Bretagne, avec le maintien de ses droits et privilèges, sera prononcée en 1532.

Publié ou mis à jour le : 2023-03-15 12:14:58

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