Le 21 mai 1420, un traité est conclu à Troyes par les Anglais, les Bourguignons et les Français. Il consacre le triomphe de la dynastie anglaise des Lancastre, fondée en 1399 suite à la déposition de Richard II Plantagenêt.
La dynastie capétienne n'est plus représentée que par un roi fou et un héritier désavoué par ses parents. Elle est au plus mal et l'on peut se demander si elle survivra à ce que les historiens postérieurs ont qualifié d''« infâme traité de Troyes »...
Querelles civiles
Henri V de Lancastre a succédé à son père Henri IV le 20 mars 1413. À peine âgé de 27 ans, c'est un prince cultivé, pieux et fin politique. L'une de ses premières décisions est d'établir l'anglais comme langue de l'administration en lieu et place du français (il était temps, 250 ans après l'avènement de la dynastie angevine des Plantagenêt).
Ayant défait la chevalerie française à Azincourt, le jeune roi anglais Henri V de Lancastre a réoccupé la Normandie. Son armée menace Paris tandis que les seigneurs français s'épuisent dans les querelles entre Armagnacs et Bourguignons.
Le dauphin, futur Charles VII (17 ans), poursuit le combat contre les Anglais à la tête des Armagnacs. Il affiche l'intention de se réconcilier avec son rival, le duc de Bourgogne Jean sans Peur. Mais celui-ci est assassiné sous ses yeux à Montereau, le 10 septembre 1419. Très affecté, Philippe le Bon, fils et héritier du duc assassiné, n'a plus qu'une envie : se venger. Et pour cela, il ne craint pas de faire alliance avec le vainqueur d'Azincourt, le roi anglais Henri V.
Henri V et Philippe le Bon (23 ans) retrouvent donc la famille royale à Troyes, en Champagne. Les deux alliés dénient tout droit à la couronne de France au dauphin Charles. Ils poussent Charles VI et Isabeau de Bavière à déshériter leur propre fils, Charles (17 ans). Ils conviennent enfin et surtout qu'Henri V épousera leur fille Catherine la Belle, dont il va d'ailleurs s'éprendre pour de bon. Il sera à ce titre le seul héritier de la couronne capétienne.
L'« infâme traité de Troyes »
Ces prescriptions sont consignées dans le traité de Troyes, dont le texte a été approuvé le 29 avril précédent par les représentants de la bourgeoisie parisienne :
« Comme accord final et paix perpétuelle soient aujourd'hui faits et jurés en cette noble ville de Troyes par nous et par notre très cher fils Henri roi d'Angleterre, héritier du royaume de France pour nous, et lui les royautés de France et d'Angleterre, tant par le moyen du mariage de lui, de notre chère fille et aimée Catherine...
considéré les horribles et énormes crimes et délits perpétrés au dit royaume de France par Charles [le meurtre de Jean sans Peur], soi-disant dauphin de Viennois, il est accordé que nous, notre dit fils le roi, et aussi notre très cher fils Philippe, duc de Bourgogne, ne traiterons aucunement de paix ni de concorde avec ledit Charles, ni ferons traiter, sinon du consentement et assentiment de tous et de chacun de nous trois et des trois Etats des royaumes susdits. »
Le mariage de Catherine et Henri est célébré le 2 juin suivant en l'église Saint-Jean de Troyes. Et le 1er décembre 1420, Charles VI et son gendre font une entrée solennelle à Paris. La ville, épuisée par la guerre civile, leur fait bon accueil sans plus.
L'Université et les états généraux de langue d'oïl apportent aux deux rois un soutien sans réserve en enregistrant le traité de Troyes. L'empereur d'Allemagne, Sigismond, arbitre aussi en faveur de l'Anglais dans la rivalité dynastique qui partage la France.
Les historiens français du XIXe siècle, reprochant à la reine Isabeau de Bavière son origine allemande, ont émis des doutes sur la filiation du Dauphin, le futur Charles VII le Victorieux ou le Bien Servi, et suggéré qu'il était le fils de l'un de ses amants.
Cette hypothèse vient, d'après l'historienne Régine Pernoud, d'une erreur de compréhension du traité de Troyes. Celui-ci parle en effet de « Charles, soi-disant fils de... ». Mais dans la langue de l'époque, note l'historienne, « soi-disant » signifiait simplement : « se disant ». Sans commentaires.
Henri V meurt inopinément de dysenterie deux ans plus tard, le 31 août 1422. Il est suivi de peu dans la tombe par son beau-père Charles VI, le 21 octobre 142. À la mort du pauvre roi fou (il aura régné pas moins de 42 ans !), le fils d'Henri et Catherine, à peine âgé de dix mois, est comme prévu proclamé roi de France et d'Angleterre sous le nom d'Henri VI.
On ne manque pas de faire valoir sa double légitimité par sa mère Catherine et son père qui l'un et l'autre descendent de saint Louis ! Henri IV, fondateur de la dynastie anglaise des Lancastre, était le fils de Jean de Gand, l'un des petit-fils du roi Édouard II et d'Isabelle de France, fille de Philippe le Bel et arrière-petite-fille du saint roi. L'union des deux royaumes n'en reste pas moins très fragile et Henri V lui-même en était conscient. Il voulait qu'au moins, si elle venait à se dissoudre, la Normandie restât à l'Angleterre...
Le duc de Bedford, frère cadet du roi Henri V, assure donc la régence en France au nom de son neveu. Son poids politique dans le pays est renforcé par son mariage avec la soeur du duc de Bourgogne.
Par conviction autant que par habileté, le régent se montre soucieux de bonne entente avec ses sujets français... Il est bien différent en cela des Anglais de l'armée d'occupation, volontiers arrogants et vindicatifs, que les Français surnomment avec mépris les « goddons ».
Tandis que les nobles, en vertu du serment féodal, restent pour la plupart fidèles à l'ancien dauphin Charles, leur suzerain légitime, les clercs, parlementaires, officiers (hauts fonctionnaires), docteurs de l'Université et bourgeois de Paris se rallient en masse au roi franco-anglais et au régent Bedford. Les partisans de Charles les appelle dans le langage de l'époque : « Français reniés ».
La France est désormais divisée entre les possessions anglaises (dont Paris), les possessions bourguignonnes et les provinces restées fidèles à l'héritier légitime, l'ancien dauphin.
Ce dernier, qui s'est auto-proclamé roi sous le nom de Charles VII, ne croit guère en ses chances de survie. Il se remet mal de l'accusation de lèse-majesté et de parricide dans le crime de Montereau ainsi que d'avoir été dépouillé de ses droits par ses parents. Triste, démuni et abandonné, il compte avec parcimonie ses sous et ses soutiens.
Ses possessions se limitent au coeur de la France et lui-même réside à Bourges d'où le surnom méprisant qui lui est donné : « petit roi de Bourges ». Il ne dispose que d'un seul accès à la mer avec le port de La Rochelle. Le ralliement du gouverneur du Languedoc va toutefois lui apporter une bouffée d'oxygène salvatrice.
À la guerre dynastique s'ajoutent les exactions des bandes. On tue et on s'étripe un peu partout. Les paysans sont comme souvent les premières victimes de cette insécurité ambiante.
Sous les coups de boutoir des Anglais et de leurs alliés bourguignons, les possessions du « petit roi de Bourges » se racornissent de mois en mois. Orléans, la dernière ville qui lui est encore fidèle au nord de la Loire, est sur le point de tomber aux mains du duc de Bedford.
On peut penser que la France et l'Angleterre n'auront bientôt plus qu'un seul roi... Mais le destin en décidera autrement par la grâce de Jeanne d'Arc.
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Rémy Volpi (24-05-2020 23:46:38)
Cette guerre de cent ans est en réalité une guerre dynastique que le XIXème siècle s'est anachroniquement employé à analyser, pour les besoins de la cause, en guerre nationaliste. Par exemple, on évoque Sigismond, empereur "d'Allemagne". Quel sens a cette désignation? En réalité, l'empereur est empereur du Saint empire romain: c'est un souverain que des princes électeurs, allemands de culture en effet, élisent afin qu'il soit, si affinité, couronné empereur par le pape. En ce sens, bras armé de l'Eglise romaine, l'empereur est empereur de la chrétienté d'Occident. C'est donc, sous l'angle séculaire, le prince suprême de l'Occident, même si certains souverains, et notamment Philippe Auguste à l'issue de la Bataille de Bouvines en 1214, n'auront de cesse de contester ce lien de vassalité issu du monde féodal ("le roi est empereur en son royaume"). Par ailleurs, dire que le roi est français ou anglais dans le contexte de l'époque est une extrapolation hardie: ce qui compte alors c'est la filiation héréditaire, indépendamment du lieu de naissance ou de la culture de la personne. C'est ainsi, par exemple, que Charles Quint, né à Gant, s'est trouvé être roi d'Espagne (sous le nom de Charles 1er), roi de Sicile (sous le nom de Charles II), et empereur sous le nom de Charles Quint (V). En outre le roi d'un pays peut être roi dans un autre sans ambages. Cela a été le cas un moment pour l'Espagne et le Portugal. Cela peut même avoir l'avantage d'aplanir les tensions entre les deux pays, voire de créer un effet de synergie: tel a été le cas de la Pologne et de la Lithuanie. Soulignons enfin que les guerres d'Italie, ont eu pour motif initial les revendications du roi de France sur le royaume de Naples, là encore, pour des raisons de filiations et de "dévolution". C'est le XIXè siècle, pour monter en épingle jusqu'à l'hystérie l'idée de la souveraineté nationale qui a forgé ces "histoires nationales", qu'il convient plutôt de voir comme des "histoires sur son histoire".
HuGo (21-05-2018 00:00:16)
Bonsoir, Quand même... On peut discuter, non.......? Comme vous le rappelez vous-même, tout le monde ne jugeait pas vicieux cet accord de réunion des deux Royaumes. Il aurait même pu épargn... Lire la suite
Chrétien jean (23-08-2012 17:19:00)
L'article est intéressant,mais,me semble-t-il le rôle important et néfaste d'Isabeau de Bavière n'est pas assez mis en évidence.