Naples est à la fin du Moyen Âge la capitale d'un prospère royaume, objet de toutes les convoitises. Une dynastie dite angevine s'y maintient tant bien que mal depuis la fin du XIIIe siècle. Elle est issue de Charles d'Anjou, frère de Saint Louis.
Malgré ce parfum de sainteté, elle va sombrer dans les dix ans qui suivent la mort du roi Robert Ier le Sage, le 20 janvier 1343. Au terme d'une incroyable tragédie à rebondissements, Naples sera alors réunie à la Sicile sous la tutelle du roi d'Aragon...
Les deux Jeanne
N'ayant pas d'héritier mâle, le roi Robert a laissé le trône à sa petite-fille Jeanne d'Anjou et de Sicile, toute juste âgée de 17 ans. La nouvelle souveraine recueille par la même occasion les comtés de Provence et de Forcalquier (au nord de la Provence). Belle et intelligente, mais de mœurs légères, elle épouse peu après son cousin André de Hongrie. Dans la nuit du 18 au 19 septembre 1345, deux jours avant son couronnement, ce dernier est est retrouvé étranglé près de la chambre de la reine...
Narguant ceux qui la soupçonnent du meurtre, Jeanne Ière se remarie avec un autre cousin, Louis de Tarente, sans doute impliqué dans le meurtre. Le roi Louis Ier de Hongrie, désireux de venger la mort de son frère, marche sur Naples avec son armée. Il a peint sur son étendard l'image de son frère tombant sous les coups des assassins !
Les Hongrois s'emparent de Naples et Jeanne ne peut rien faire d'autre que se réfugier auprès de ses sujets provençaux. Elle en profite pour se rendre à Avignon, auprès du pape Clément VI et obtient d'être disculpée du meurtre de son premier mari.
En contrepartie, car on n'a rien sans rien, Jeanne cède Avignon au pape à titre définitif pour la somme de 80 000 florins. Nous sommes dans la première phase de la guerre de Cent Ans mais tandis que la France du nord renoue avec les horreurs de la guerre, l'Italie découvre la Renaissance. Jeanne peut rentrer dans son beau royaume de Naples, dont la prospérité ne le cède en rien aux autres États de la péninsule italienne.
À nouveau veuve, la reine se remarie avec le roi de Majorque Jacques III en 1363. Comme elle a déjà 36 ans et aucun enfant, elle désigne son cousin Charles de Duras comme héritier. Et la voilà veuve une troisième fois ! Un condottiere, Othon de Brunswick, ose l'épouser malgré le sort qui s'acharne sur ses maris. Il est vrai que la couronne de Naples mérite que l'on prenne des risques. C'est aussi ce que pense Charles de Duras. Craignant que son héritage ne lui échappe, il s'allie avec le roi Louis Ier de Hongrie.
Tandis que le Grand Schisme divise la papauté, avec un pape à Avignon et un autre à Rome, Charles de Duras gagne le soutien de ce dernier, Urbain VI, lequel déclare la reine Jeanne hérétique et schismatique. Rien que ça ! Le souverain pontife délie ses sujets de leur serment de fidélité et, le 1er juin 1381, donne le royaume à Charles de Duras. Celui-ci s'en empare avec une armée hongroise et, pour couronner son triomphe, fait étrangler la reine le 22 mai 1382.
Mais avant de mourir, Jeanne Ière a cédé ses droits au duc Louis Ier d'Anjou, fils du roi de France Jean II le Bon. Avec le soutien du pape d'Avignon, Clément VII, il se dresse contre Charles IV de Duras mais est battu. Il tente alors de se rattrapper en se faisant élire sur le trône de Hongrie, affaibli par la mort de Louis Ier le Grand (11 septembre 1382). Mais il est assassiné sur ordre de la veuve de ce dernier le 27 février 1386.
La rivalité se poursuit à la génération suivante. Charles IV de Duras lègue le royaume de Naples à son fils Ladislas (ou Lancelot) de Duras, lequel doit à son tour combattre l'autre prétendant à la couronne, Louis II d'Anjou, fils du précédent !
Enfin maître du royaume, Ladislas pousse l'audace jusqu'à entrer dans Rome et songe à se faire couronner empereur du Saint Empire romain, mais il est vaincu par la mort le 6 août 1414. Sa sœur Jeanne lui succède sur le trône...
Cette deuxième Jeanne a un destin aussi étourdissant que la première. Âgée de 33 ans à son avènement, elle traîne une réputation sulfureuse. Après la mort de son premier mari Guillaume de Habsbourg, duc d'Autriche, elle s'acoquine avec différents amants dont un certain Pandolfo Alopo. Sa couronne fait d'elle, malgré cela, un parti convoité. Jacques II de Bourbon l'épouse mais fait aussitôt après décapiter Alopo et emprisonner la reine elle-même !
Jeanne II ne se tient pas pour battue. De sa prison, elle multiplie les contacts et cherche des soutiens extérieurs en reconnaissant successivement pour héritier Alphonse V d'Aragon, déjà roi de Sicile, puis Louis III d'Anjou, enfin le jeune frère de celui-ci, René Ier d'Anjou. C'est ainsi que le roi d'Aragon et de Sicile entre dans la course.
Après la mort de la reine, le 2 février 1435, Aragonais et Angevins se disputent la couronne napolitaine. Alphonse V l'emporte en 1442 et réunit dès lors ses royaumes de Naples et de Sicile sous le nom de royaume des Deux-Siciles. Ce nom quelque peu bizarre perdurera jusqu'au XIXe siècle.
René d'Anjou conservera de son aventure napolitaine le surnom de « bon roi René » ! Mais son petit-fils René II cèdera le titre royal au roi de France Louis XI. Mauvaise idée : le fils de celui-ci, Charles VIII, aura l'idée saugrenue de de reprendre son royaume fictif et il s'ensuivra un demi-siècle de guerres d'Italie...
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible