L'abbaye de Saint-Denis, à une dizaine de kilomètres au nord de Paris, se voit octroyer par le roi saint Louis le statut de nécropole royale.
Déjà les premiers rois capétiens avaient pris l'habitude de se faire inhumer dans cette abbaye prestigieuse et dévouée à la dynastie. L'abbé Suger les y avait encouragés.
Le roi saint Louis (Louis IX) fait installer dans la croisée de l'abbatiale seize tombeaux destinés à accueillir les corps des premiers souverains, qu'ils soient mérovingiens, carolingiens ou capétiens. Ils entourent un somptueux monument dédié à Dagobert Ier, fondateur de l'abbaye et premier roi à s'y être fait inhumer.
La translation des premiers corps a lieu le 12 mars 1264. Louis IX lui-même, mort devant Tunis le 25 août 1270, sera inhumé dans la crypte de Saint-Denis le 22 mai 1271.
En 1959, lors de travaux de fouilles dans la crypte située sous la basilique, l'archéologue Michel Fleury démolit le caveau impérial (sans intérêt architectural) érigé par Viollet-le-Duc pour le repos éternel de l'empereur Napoléon III et sa famille.
À son emplacement, il découvre les traces d'une ancienne nécropole gallo-romaine (païenne) et également des sépultures chrétiennes de l'époque mérovingienne. L'un des sarcophages abrite les restes d'une personnalité de sang royal. Grâce à une bague passée à son pouce, elle est identifiée comme étant Arégonde, belle-fille de Clovis, épouse de Clotaire 1er et arrière-grand-mère du roi Dagobert. La princesse a été ensevelie ici, à Saint-Denis, à sa mort vers 565, au milieu d'un somptueux mobilier funéraire.
Le fameux Dagobert, bienfaiteur de l'abbaye, y fait transporter les reliques du présumé saint Denis, premier évêque de Paris. Il s'y fait lui-même inhumer comme plusieurs autres souverains mérovingiens.
La « commande » de saint Louis
Les seize tombeaux installés à l'initiative de saint Louis sont conformes à l'esprit du XIIIe siècle. Ils étaient à l'origine peints de couleurs très vives. Aujourd'hui nous reste la couleur blanche de la pierre calcaire.
Chaque sarcophage est recouvert par un gisant supposé représenter le défunt à l'âge de 33 ans, l'âge du Christ à sa mort.
Le défunt a l'air paisible, les yeux ouverts, dans l'attente de la résurrection. Il est orienté vers l'Est, c'est-à-dire vers Jérusalem et le tombeau du Christ. Il apparaît en position horizontale mais est représenté comme s'il était debout, ainsi que l'attestent les plis des vêtements et les pieds en avant. Ceux-ci reposent sur des coussinets. À la génération suivante, les coussinets seront remplacés par des animaux allégoriques : le chien, symbole de la fidélité ; le lion, évocation de la résurrection...
Rituels funéraires
Pour saint Louis comme pour ses successeurs, on s'accoutume à préparer plusieurs gisants : un gisant d'entrailles qui restera sur le lieu de décès ou à proximité, un gisant de coeur destiné au lieu de naissance et un gisement de corps pour le reste de la dépouille, destiné à la nécropole dyonisienne. Cette pratique facilite la conservation et le transport du corps lorsque la mort survient loin de Paris et Saint-Denis.
Au siècle suivant, le roi Charles V le Sage, précautionneux, commande son gisant de son vivant, à 27 ans. Le sculpteur Raymond Bonneveu s'applique à le faire ressemblant. Ainsi peut-on se rendre compte de l'atrophie du bras qui empêchait le roi de participer aux batailles.
En 1380, Charles V fera à la dépouille de son cher connétable Du Guesclin l'honneur de l'inhumer dans sa propre chapelle. Il l'y rejoindra lui-même deux mois après.
Louis de Sancerre, connétable de Charles VI, fils du précédent, aura lui aussi l'honneur de Saint-Denis.
Quand meurt le roi lui-même, en 1422, le royaume est plongé dans les horreurs de la guerre de Cent Ans. Comme on doit attendre le régent anglais, le duc de Bedford, pour procéder aux funérailles, on confectionne une effigie en cire du défunt et on l'expose en public ! Ainsi naît la théorie du « double corps du roi ».
L'effigie, qui représente le corps politique du roi, symbolise la continuité de l'État entre la mort du roi et ses funérailles effectives, lesquelles peuvent intervenir plusieurs semaines après.
À Saint-Denis enfin, devant le tombeau, on peut proclamer la formule : « Le roi est mort ! Vive le roi ! » Il en ira ainsi jusqu'à l'assassinat d'Henri IV, en 1610. La formule rituelle sera alors prononcée sans attendre l'inhumation pour permettre au nouveau roi Louis XIII de tenir dès le lendemain un lit de justice.
À la fin du XVe siècle, à une époque où la mort est plus que jamais présente (Grande Peste) et où se développe la croyance au purgatoire, lieu de passage avant le paradis, on représente les défunts et les rois eux-mêmes dans un état avancé de décomposition. Ce gisant très réaliste appelé transi figure le défunt au purgatoire.
Mais à la Renaissance, le goût évolue nettement.
Sur son somptueux tombeau à deux étages sculpté par Germain Pilon, la reine Catherine de Médicis se fait représenter au côté de son mari Henri II en pleine jeunesse et à moitié dénudée ! Le purgatoire attendra...
Du roi Dagobert à Louis XVIII, la nécropole des rois de France
Au fil des siècles, la crypte de Saint-Denis en vient à accueillir la dépouille de tous les rois capétiens, à l'exception de cinq : Philippe Ier et Louis VII, morts trop tôt, au XIIe siècle, Louis XI, inhumé à Cléry-Saint-André, sur les bords de la Loire (superstitieux, il pensait qu'il bénéficierait de davantage de prières en ce lieu que dans la nécropole, mêlé à tous les autres rois), Charles X, mort en exil sur les bords de l'Adriatique, Louis-Philippe 1er, inhumé à Dreux (Eure-et-Loir).
Au total, 46 rois de France, 32 reines, 63 princes et princesses et 10 Grands du royaume vont y reposer jusqu'à la Révolution et même au-delà.
Tous ces tombeaux consommaient de la place, si bien que dès le XVIIIe siècle, les moines suggérèrent au roi d'en détruire quelques-uns ! En 1786, Louis XVI accéda à leur demande mais les événements ne lui laissèrent pas le temps de les satisfaire... Les révolutionnaires s'en chargèrent !
Profanations révolutionnaires
Pendant la Révolution, en 1793, les tombeaux furent profanés en deux temps.
Le 10 août 1793, à l'occasion du premier anniversaire de la chute de la royauté, un décret de l'avocat tarbais Bertrand Barère, porte-parole du Comité de Salut public à la Convention, ordonna de détruire les symboles de la royauté sur les sarcophages comme ailleurs. Des ouvriers furent alors missionnés pour briser les couronnes, sceptres et autres fleurs de lys. Sans plus.
Dans un deuxième temps, pour les besoins de la guerre, on entreprit de récupérer le plomb des sarcophages (tout comme celui des vitraux de la basilique). On ouvrit à cet effet cinquante-et-un cercueils et l'on jeta les ossements des souverains dans deux fosses communes, dans un terrain vague au nord du monument.
Les cercueils d'intérêt artistique furent néanmoins conservés en bon état. À l'initiative de la toute nouvelle Commission des Monuments, ils furent transférés à Paris, au dépôt des Petits Augustins.
À la fin du Ier Empire, avec la Restauration de la monarchie et le retour de Louis XVIII, les ossements furent pieusement réinhumés dans un ossuaire, dans la crypte.
Saint-Denis retrouva brièvement sa fonction de nécropole royale et accueillit les dépouilles de Louis XVIII, du duc de Berry et de quelques princes et princesses de l'époque post-révolutionnaire. La crypte récupéra aussi la dépouille du roi Louis VII qui avait échappé aux profanations de la Révolution. Elle reçut le 21 janvier 1817 les restes présumés de Louis XVI et Marie-Antoinette, en provenance du cimetière de la Madeleine, à Paris, où les monarques ont été jetés après leur exécution. En cet endroit de la capitale, une chapelle expiatoire a été par ailleurs érigée.
En 1830, après la fuite de Charles X et l'arrivée sur le trône de Louis-Philippe Ier, issu de la branche des Orléans, rivale des Bourbons, Saint-Denis perdit son statut de nécropole royale. Le nouveau roi fit transférer les dépouilles de ses propres ancêtres dans la chapelle érigée par sa mère à Dreux, à l'ouest de Paris, rebaptisée pour l'occasion « Chapelle royale ». Ce monument néo-gothique accueillit en 1876 sa dépouille ainsi que celle de son épouse, la reine Amélie.
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