Le 21 juillet 1242, le roi de France Louis IX (futur Saint Louis) repousse une armée anglo-poitevine sur le petit pont de Taillebourg, en Saintonge. Deux jours plus tard, il inflige aux Anglais et à leurs alliés une sévère défaite à Saintes.
C'est un sévère avertissement pour les grands féodaux de l'Ouest, qui avaient espéré profiter de la jeunesse du roi pour s'émanciper, avec le concours des Anglais.
Louis IX, à peine âgé de 12 ans à la mort de son père, en 1226, avait laissé à sa mère Blanche de Castille le soin de gouverner le royaume à sa place avec le titre de « baillistre » (régente).. Une femme à la tête du royaume, mais pas n'importe quelle femme. Elle est la petite-fille d'Aliénor d'Aquitaine et a donc de qui tenir !
Les grands seigneurs féodaux se disent que l'occasion est venue de reprendre la main. Grossière illusion. La mère du roi réprime leurs révoltes avec fermeté, non sans user de séduction auprès du plus important de ses opposants, le comte de Champagne Thibaud IV.
La dernière révolte vient du comte de la Marche, Hugues de Lusignan. Quand Alphonse de Poitiers, frère du roi, se voit remettre en apanage (dico) le Poitou en 1241, il supporte mal de devoir lui rendre hommage en lieu et place du roi et y voit une perte de statut.
Comme Hugues de Lusignan est marié à la veuve du roi d'Angleterre Jean sans Terre, il obtient l'appui de son beau-fils, Henri III Plantagenêt, trop heureux de tracasser la dynastie capétienne. Le comte de Toulouse Raimon VII, désireux de prendre sa revanche sur le traité léonin de 1229 qui a mis fin à la croisade des Albigeois, se rallie à eux sans trop hésiter pour rabattre les prétentions capétiennes.
Le roi ramène les seigneurs à l'obéissance
C'est le moment où Blanche de Castille cède les rênes du pouvoir à son fils Louis IX, devenu majeur. Celui-ci rassemble l'armée féodale à Chinon le 28 avril 1242. Il n'est que temps car Henri III débarque à Royan, au nord de la Gironde, le 13 mai 1242.
Parcourant à marche forcée le Poitou et la Saintonge, le roi de France s'empare de plusieurs châteaux rebelles : Fontenay-le-Comte, Vouvant, Niort, Villiers, Saint-Jean-d'Angély... Arrivé au bord de la Charente, il choisit de traverser celle-ci à Taillebourg, ville fortifiée qui lui est fidèle. Il n'y a guère qu'un pont d'à peine deux mètres de large et de l'autre côté, à gauche, se tient l'armée d'Henri III et Hugues de Lusignan. Celle-ci est repoussée sans trop de mal et se réfugie à Saintes dont Louis IX fait le siège deux jours plus tard. Henri III et Hugues de Lusignan quittent en définitive la ville et l'abandonnent au roi de France.
Le comte de Toulouse Raimon VII conclut la paix à Lorris la même année. Les Anglais prennent leur temps. C'est seulement le 4 décembre 1259 que le traité de Paris mettra fin à la lutte entre les Capétiens et leurs rivaux anglo-angevins, issus du mariage d'Henri Plantagenêt et Aliénor d'Aquitaine, près d'un siècle plus tôt (on peut y voir une première « guerre de cent ans » entre les deux pays). Heureuse époque où quelques morts suffisent pour amener les vaincus à la table de négociation !
Le chroniqueur Jean de Joinville, compagnon du roi, raconta l'épisode de Taillebourg dans sa Vie de Saint Louis, en 1305, non sans quelque exagération (il avait 17 ans lors de la bataille) :
« Le roi d'Angleterre et le comte de la Marche vinrent là pour livrer bataille au roi devant un château que l'on appelle Taillebourg, qui est bâti sur une mauvaise rivière que l'on appelle Charente, à un endroit où l'on ne peut passer que sur un pont de pierre très étroit.
Aussitôt que le roi arriva à Taillebourg et que les armées furent en vue l'une de l'autre, nos gens, qui avaient le château de leur côté, firent tout ce qu'ils purent à grand-peine et passèrent en prenant de grands risques avec des bateaux et sur des ponts et attaquèrent les Anglais, et l'engagement commença vif et rude. Quand le roi vit cela, il s'exposa avec les autres ; car, pour un homme que le roi avait quand il passa du côté des Anglais, les Anglais en avaient mille. Toujours est-il, comme Dieu le voulut, que lorsque les Anglais virent le roi passer la rivière, ils perdirent courage et se jetèrent dans la cité de Saintes ».
Au XIXe siècle, le roi Louis-Philippe Ier commanda à Eugène Delacroix une peinture pour commémorer l'exploit. Mais il se trouva plus tard un érudit pour contester la réalité même de la bataille. Sa thèse a été réfutée plus près de nous par l'historien Jean Chapelot, qui admet toutefois que l'affrontement n'a pas eu le caractère épique que lui prête Jean de Joinville (Jean Chapelot, La bataille de Taillebourg a-t-elle eu lieu ?, L'Histoire, N°350, février 2010, pages 68-73).
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