Saint François d'Assise meurt nu à même le sol près de la petite chapelle de la Portioncule, dans la nuit du 3 au 4 octobre 1226. Par sa joie de vivre, son amour de la Création, son humilité, il reste l'une des figures les plus attachantes de l'histoire du christianisme.
L'année précédente, presque aveugle, abattu par la fièvre et tourmenté par les mulots, il avait fait monter vers le Père de toute la Création un chant d'amour qui est aussi le premier grand poème en langue italienne : le Cantique de frère Soleil ou Cantique des Créatures.
Voeu de pauvreté
Né 44 ans plus tôt dans la famille d'un riche drapier d'Assise, en Italie centrale (Ombrie) sous le nom de Giovanni Bernardone, il est surnommé Francesco (Français) par son père, coutumier des voyages en France. Ce surnom, dont nous avons fait François, sera appelé à une immense diffusion.
L'enfant mène joyeuse vie dans sa ville natale et ne rêve que plaies et bosses dans le contexte des guerres entre cités italiennes. Comme tout bourgeois de son époque, il aspire à la noblesse et à la chevalerie.
À vingt ans, le 12 décembre 1202, il participe à une cavalcade contre la cité voisine de Pérouse. La petite troupe se fait tailler en pièces à Collestrada, sur les bords du Tibre. Lui-même est fait prisonnier. Il sera libéré un an plus tard grâce à l'intervention de son père.
Là-dessus, il tombe malade puis part en pèlerinage à Rome. En chemin, il rencontre un lépreux et voit en songe le Christ qui lui demande de « réparer sa maison qui tombe en ruine ». François pense qu'il s'agit de la chapelle où il prie, Santa Maria degli Angeli.
Il vend un cheval et des tissus qui sont à son père pour acheter des matériaux en vue de réparer la chapelle. Son père le déshérite et l'assigne en justice. Qu'à cela ne tienne. François en appelle à l'évêque et se dépouille devant lui de ses luxueux habits pour « suivre nu le Christ nu ». L'évêque le recouvre de son manteau, signifiant par là qu'il l'accueille dans la communauté de l'Église.
En rupture avec les us de son époque, le jeune homme fait voeu de pauvreté sans être relié à un monastère. « On va plus vite au ciel d'une cabane que d'un palais », confie-t-il.
Des disciples le rejoignent dans son ermitage de la Portioncule, près de la chapelle de Santa Maria degli Angeli, et, avec eux, il va prêcher et mendier dans les villes. François exige le renoncement personnel et collectif à la propriété : « Si nous possédions des biens, il nous faudrait les défendre ! » Par la vertu de son exemple, il développe chez les humbles gens la piété et la dévotion à l'enfant Jésus.
À une époque où l'étude est encore considérée comme un luxe, François s'en méfie : « Le Seigneur m'a dit qu'il voulait faire de moi un autre fou dans le monde et Dieu ne veut pas nous conduire par une autre science que celle-là ». Toutefois, il se garde d'exiger des autres l'humilité qu'il s'impose à lui-même. Libre aux marchands et aux puissants de vivre dans le luxe.
L'ordre des « frères mineurs »
Très vite, le petit groupe de disciples grandit. D'une douzaine au début, les voilà près de cinq mille !
Encouragé par son ami de toujours, Frère Élie, dit Élie de Cortone, François se décide à organiser sa communauté et fonde l'ordre des « frères mineurs » sans être lui-même prêtre, chose rarissime dans l'histoire de l'Église.
Il se rend avec ses compagnons à Rome où il obtient du pape Innocent III l'approbation de sa règle, en 1210, après que la Curie (le gouvernement pontifical) l'eût obligé à réécrire sa copie en y mettant moins de contraintes.
D'autres ordres se réclament bientôt du Pauvre d'Assise : les capucins, les conventuels et le tiers-ordre de saint François, sans parler de la communauté des Clarisses, ordre féminin fondé par Claire en 1212 sous le nom des « pauvres dames » .
En 1212, François prend la direction du Maroc en vue de convertir le souverain almohade ! La Reconquista de l'Espagne est bien engagée avec la victoire des chrétiens à La Navas de Tolosa et le Pauvre d'Assise, qui a conservé l'exaltation de la jeunesse, voit le moment venu de convertir les musulmans par la prédication et l'exemple plutôt que par la force. Mais il tombe malade sur le chemin, en Espagne, et doit regagner l'Italie...
En septembre 1219, infatigable, il part à nouveau à la rencontre des musulmans, comme quelques autres de ses disciples. Cette fois, il débarque en Terre sainte, à Saint-Jean d'Acre, puis de là, rejoint la cinquième croisade, à Damiette, dans le delta du Nil. Profitant d'une trêve, le saint franchit les lignes simplement accompagné d'un disciple et se fait conduire auprès du sultan d'Égypte Mélik el-Kâmil (Al-Kamel).
Celui-ci, neveu de Saladin et dont le père avait manqué d'épouser la soeur de Richard Coeur de Lion, est un homme d'ouverture à l'esprit chevaleresque. Il organise une confrontation verbale entre François et des théologiens de l'islam, puis, rempli d'estime pour l'homme d'Église, le fait reconduire dans son camp.
Joie de vivre
La joie de vivre et l'amour de la nature caractérisent sa prédication et ses écrits. Ses compagnons nous le présentent comme un homme aimant la vie et riant tant et plus, à mille lieues de l'image que l'on se fait d'un saint.
On lui attribue la création des premières crèches vivantes de Noël : en 1223, avec la permission du pape Honorius III, il reconstitue à Greccio la Nativité dans une étable avec des personnages vivants, dans la tradition des scénographies médiévales. C'est aussi un poète. Son Cantique des créatures ou Cantique de frère Soleil est le premier grand poème en langue italienne.
En septembre 1224, en prière au Mont Alverne, à 100 km au nord-ouest d'Assise, il reçoit les stigmates de la Passion de Jésus (cinq plaies sur les mains, les pieds et le côté, qui rappellent les blessures du Christ sur la croix).
Ferveur populaire
François est canonisé par le pape Grégoire IX en 1228, deux ans seulement après sa mort, et dans les dernières années du XIIIe siècle, le jeune peintre Giotto l'immortalise sur les murs de la basilique construite en son honneur sur les hauteurs d'Assise. Il le représente prêchant aux oiseaux, chassant les démons d'Arezzo, etc.
Sa vie donne aussi naissance à un récit naïf, les Fioretti di San Francesco écrit par un frère mineur au début du XIVe siècle. Il y est question de pas moins de 144 miracles attribués au saint. Parmi lesquels la soumission du redoutable loup qui terrorisait la ville de Gubbio (ou Agobbio). En fait de loup, il s'agissait sans doute d'une métaphore qui désignait sans le nommer le brutal podestat qui régnait sur la ville... La belle hagiographie des Fioretti a inspiré en 1950 un film atypique au cinéaste italien Roberto Rossellini.
Saint François d'Assise est l'un des saints les plus populaires de l'Occident chrétien. Sa personnalité radicale en appelle aux croyants comme aux non-croyants.
Pour le philosophe Nietzche, il aurait été le seul chrétien authentique à part le Christ lui-même.
Aujourd'hui, c'est sous le patronage de saint François que les catholiques placent la protection de la Nature.
Les ordres franciscains sont toujours prospères et estimés comme l'atteste l'immense popularité du moine Francesco Forgione (le Padre Pio, 1887-1968), récemment canonisé... et le nom de François adopté par Jorge Bergoglio lors de son accession à la papauté.
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Voir les 5 commentaires sur cet article
abbas (15-09-2024 12:42:10)
c'est de la cinquième croisade que St François qui se trouvait à DEMIAT en Egypte ,Là ila vu les musulmans se levaient très tôt le matin pour la prière du lever de soleil qu'il adopté la pri... Lire la suite
Alex (19-03-2013 21:38:04)
Bonjour. Faites un peu plus de recherches, et vous allez découvrir que François d'assises faillit être brulé comme hérétique par l'église catholique. Il était dans la mouvance vaudoise (Pierr... Lire la suite
Volpi Rémy (19-03-2013 08:31:53)
Intéressant article. Pour autant, le titre initial, en substance l'Eglise "s'est donné un chef étranger à l'Europe" est éminemment fallacieux. D'abord parce que Jorge Mario Berdoglio es... Lire la suite