12 septembre 1213

La bataille de Muret

Le 12 septembre 1213, les Français du nord et du sud, en conflit sous le prétexte d'une croisade contre les Cathares, se livrent bataille sous les murailles de Muret, au sud de Toulouse.

Le roi Pierre II d'Aragon, qui s'est rangé aux côtés des méridionaux, va y perdre la vie.

André Larané

Un conflit entre fervents catholiques

Les Français du nord sont guidés par un seigneur d'Ile-de-France, Simon de Montfort. Ils portent la croix sur la poitrine et veulent extirper l'hérésie cathare des terres languedociennes.

Les méridionaux, autour du comte de Toulouse Raimon VI et de son beau-frère, le roi Pierre II d'Aragon, sont d'aussi fervents catholiques que les premiers. Mais ils craignent non sans raison que les croisés leur enlèvent leurs droits, leurs terres et leurs coutumes sous prétexte de religion.

Le comte Raimon VI et le roi Pierre II d'Aragon vont assiéger ensemble le petit château de Muret, au confluent de la Garonne et de la Louge. Situé à vingt-cinq kilomètres au sud de Toulouse, il appartient au comte du Comminges. Il est occupé par tout juste trente chevaliers et quelques fantassins.

Quittant Fanjeaux, dans le Lauragais, Simon de Montfort accourt à leur rescousse avec le gros de ses troupes, soit neuf cents hommes. Sur le chemin, il prend le temps de faire ses dévotions à l'abbaye de Boulbonne. Enfin, il entre dans le château de Muret avec le risque d'y être assiégé à son tour.

Royale imprudence

Pierre II d'Aragon veut tirer la victoire d'une vraie bataille et non d'un siège sans gloire, ce qui, après sa victoire de Las Navas de Tolosa sur les musulmans, lui permettrait de jouer un rôle d'arbitre au nord des Pyrénées comme dans la péninsule ibérique. Au lieu d'attendre que la famine fasse son oeuvre dans le château, il encourage les assiégés à sortir et à se battre en terrain ouvert. 

Simon de Montfort, habile stratège, répond à son attente en sortant avec ses hommes. Mais il prend la direction du sud, donnant l'impression de la fuite, puis se rabat à l'ouest, traverse la Louge, et fonce sur le camp toulousain, qui compte plus d'un millier d'hommes.

En première ligne, face à la cavalerie des croisés, combattent les comtes de Foix et de Comminges ; en deuxième ligne, les troupes d'Aragon ; en troisième ligne, au milieu des archers et des hommes à pied, le comte Raimon VI de Toulouse, qui désapprouve la tactique par trop téméraire du roi d'Aragon.

De façon quelque peu inattendue, les croisés, moins nombreux mais plus disciplinés, percent la première ligne et atteignent la deuxième. Là-dessus, Simon de Montfort et ses troupes se lancent dans la mêlée sur le flanc.

Pierre II, le héros de Las Navas de Tolosa, est frappé à mort. Les soldats à pied d'Aragon se débandent dès qu'ils apprennent la mort de leur souverain. Les croisés les poursuivent et les massacrent.

Le fils et héritier du roi, Jacques (six ans), est quant à lui capturé et plus tard renvoyé dans son royaume au-delà des Pyrénées.

Les fantassins de Toulouse sont à leur tour assaillis et tentent d'échapper au massacre en rejoignant les bateaux au mouillage sur la Garonne. Leur comte, qui n'a pas lui-même eu le temps de participer aux combats, se trouve une nouvelle fois isolé. Il n'a d'autre solution que de s'enfuir en Angleterre, chez le roi Jean sans Terre, en attendant l'heure de la revanche.

L'affrontement de deux cultures

La bataille de Muret apparaît rétrospectivement comme l'affrontement de deux cultures que tout oppose. L'aristocratie militaire du Bassin parisien pratique ordinairement le droit d'aînesse et c'est à chaque génération l'aîné des garçons qui hérite du fief familial (cette primogéniture est par contre rejetée par la paysannerie du Bassin parisien qui a soin de partager l'héritage entre tous leurs enfants). Le seigneur a donc assez de ressources pour entretenir une force militaire et il peut recruter des chevaliers parmi les cadets sans fortune, avides de tenter leur chance sur les champs de bataille et dans les tournois.

Rien de tel dans le Midi toulousain où l'on reste fidèle au partage de l'héritage. Il s'ensuit que les rejetons des familles nobles ont rarement les ressources pour s'équiper d'une armure et d'un cheval, encore moins le temps de s'entraîner et l'envie de se battre, tout occupés qu'ils sont à gérer leur part d'héritage (cela va changer à la fin du Moyen Âge et les familles du Sud-Ouest vont adopter un strict droit d'aînesse, les célèbres « cadets de Gascogne » devenant alors à leur tour de redoutables combattants et mercenaires).

C'est ainsi qu'à Muret, l'armée de Simon de Montfort a pu l'emporter sur la coalition méridionale malgré un rapport de force de 1 à 8 en sa défaveur.

Vers une guerre nationale

L'année suivante a lieu à Bouvines, au nord, une autre bataille décisive pour le destin de la France. Elle se solde par la victoire du roi Philippe II Auguste, qui s'affirme comme le principal souverain d'Europe.

Rassuré sur la solidité de son trône, le roi de France tourne ses yeux vers le drame qui se joue dans le Midi. Il obtient le concours du pape Innocent III, lequel se résigne à déchoir le comte de Toulouse Raimon VI de ses titres par le décret du 14 décembre 1215.

Philippe II Auguste assure ses arrières en obtenant l'hommage-lige de Simon de Montfort pour toutes les terres qu'il a conquises dans le Midi, à l'exception du marquisat de Provence (cette ancienne possession des comtes de Toulouse, au nord de la Durance, ne dépend pas des rois capétiens).

La guerre, dès lors, de religieuse devient « nationale ».

Publié ou mis à jour le : 2019-09-09 18:35:14
Jean-Michel Duprat (11-09-2023 22:59:10)

D'accord avec (l') Anonyme pour trouver un peu courte l'histoire de la bataille de Muret . De l'assassinat de Pierre de Castelnau (15-01-1208), légat du pape Innocent III, à la précaire stabilité retrouvée à l'avènement du comte Raymond VII de Toulouse (1222), il s'est passé autant d'évènements, tant politiques que guerriers, que d'eau sous les ponts de la Garonne . Cette croisade contre les Albigeois est, de mon avis, le fait du pape Innocent III dans sa volonté éradiquer l'hérésie Cathare qui menaçait son autorité spirituelle et les avantages qu'en tirait l’Église de Rome .
Raymond VI, par ailleurs catholique fervent, ne trouvait rien à reprocher aux Cathares, bons sujets, qu'il gérait dans la bonne harmonie de ses terres . Il pouvait, par contre, s'émouvoir que l'on vînt lui dicter sa politique dans un pays qui n'en avait pas besoin .
Simon de Monfort venu chercher, comme vous le soulignez, un substantiel agrandissement de ses possessions devint tôt le chef des "Chevaliers Français", et le bras armé du légat Arnaud Amaury .
La bataille de Muret marque à la fois l'apogée de sa conquête et l'éclat de sa science militaire .
Mais qui trop embrasse mal étreint, il fut obligé de guerroyer pour mater les révoltes qui ne manquaient pas d'éclater de toute part .
Courant de l'une à l'autre, celles-ci reprenant dès qu'i avait tourné le dos, il ne put empêcher le retour de Raymond VI et fut tué lors d'un énième siège en 1218 devant les remparts de Toulouse reconstruits .
Ici il me faut avouer qu'il est difficile de faire des raccourcis dans une affaire aussi complexe . Innocent III, le mal nommé, après avoir excommunié Raymond VI, fut obligé de le restituer dans ses droits . À noter que le roi de France, sans intervenir, comptait les points et, tel le "Raminagrobis" de la fable, attendait l'heure favorable . Elle ne tarda point et l'héritage de Raymond VII échut au domaine royal à la disparition de ce dernier .
Toujours ravi de vous lire, je suis bien fidèlement ami d'Hérodote.net .

Anonyme (12-09-2013 18:46:22)

Un peu rapide comme texte .... j'ai largement lu des articles d'Herodote plus complets ! À force de chercher à trop synthétiser on finit par ne plus rien raconter d'intéressant.

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