12 avril 1204

Des croisés s'emparent de Constantinople

Le 12 avril 1204, les troupes de la IVe croisade s'emparent de Constantinople, capitale de l'Empire byzantin et siège du patriarcat orthodoxe. C'est à cette époque la ville la plus riche du monde et la principale cité de la chrétienté orientale.

Elle est mise à sac par les chevaliers venus de France, d'Italie ou encore d'Allemagne. Deux mille Grecs sont massacrés. Le scandale est immense dans toute la chrétienté et de ce jour fatal date la véritable rupture entre la chrétienté orthodoxe d'Orient et la chrétienté catholique d'Occident...

Alban Dignat
La IVe croisade vue par Delacroix

Eugène Delacroix (1798-1863) a tiré un chef-d'oeuvre romantique de la prise de Constantinople par les Croisés. Cette commande du roi Louis-Philippe a rejoint la galerie des croisades du Palais de Versailles en 1840. Elle est aujourd'hui accrochée aux cimaises du Louvre.

Querelles de marchands

À l'origine de la IVe croisade est le pape Innocent III. Énergique et désireux de faire la grandeur de l'Église, il a confié à un prédicateur célèbre, Foulque de Neuilly, le soin de recruter des troupes en vue de récupérer les Lieux saints de Jérusalem. Le prêtre entame sa tournée le dimanche 28 novembre 1199 à l'occasion d'un tournoi qui se tient près de Reims, à Écry-sur-Aisne (aujourd'hui Asfeld).

Les comtes Louis de Blois et Thibaud de Champagne répondent avec enthousiasme à l'appel du pape, ainsi que le comte Baudouin de Flandre et le duc Eudes de Bourgogne. Ces grands seigneurs sont accompagnés de nobles de moindre importance comme Geoffroi de Villehardouin, qui écrira le récit de l'expédition, ou Boniface de Montferrat (une principauté d'Italie du Nord) qui sera élu à la tête de la croisade après la mort de Thibaud. Mais les rois se dérobent et 10.000 chevaliers seulement se croisent au lieu des 30 000 attendus.

Le pape donne pour but aux croisés de débarquer en Égypte et de s'emparer des ports de ce pays, poumon du monde arabe en vue de les échanger contre Jérusalem, que le sultan Saladin a reconquise quelques années plus tôt. Pour le transport maritime, on se propose de faire appel aux marchands vénitiens. Le rassemblement général est fixé au bord de la lagune, à la Pentecôte 1202.

Le doge Enrico Dandolo, qui gouverne la République de Venise, a fixé le prix du transport à un montant considérable - 85 000 marcs d'or, non compris la moitié du butin escompté !

Mais les croisés peinent à réunir la somme demandée. Il manque encore 34 000 marcs. Les Vénitiens leur proposent alors une remise de leur dette en échange d'un petit service. Il s'agirait de conquérir le port de Zara, sur la côte dalmate (aujourd'hui Zadar, en Croatie), qui rivalise avec Venise et sur lequel le roi de Hongrie a de surcroît établi son autorité.

Les chefs croisés ont des scrupules à attaquer une ville chrétienne mais ils les surmontent et acceptent le marché, malgré les protestations du pape. Ils se gardent toutefois d'en informer leurs troupes.

La flotte, environ 300 navires, appareille pour l'Égypte comme si de rien n'était, puis dévie vers Zara.

Le 24 novembre 1202, après quelques jours de siège et un bombardement en règle, la ville capitule.

Les habitants ont la vie sauve mais leurs biens sont partagés entre croisés et Vénitiens. Le pape, mettant ses menaces à exécution, adresse une bulle d'excommunication aux croisés comme aux Vénitiens.

De mal en pis

Là-dessus survient un événement qui va discréditer cette expédition déjà entachée par une excommunication : en décembre, des ambassadeurs du roi d'Allemagne Philippe de Souabe se présentent à Zara, au palais du doge Enrico Dandolo, celui-ci ayant pris part à la croisade. Ils expliquent au doge et aux chefs croisés que l'empereur a reçu un appel au secours de son beau-frère Alexis Ange. Le jeune homme est le fils de l'ancien empereur byzantin Isaac II Ange, détrôné, incarcéré et qui plus est aveuglé par son frère, devenu empereur sous le nom d'Alexis III.

Par la voix de ses ambassadeurs, l'empereur allemand demande aux croisés de restaurer Alexis Ange dans ses droits. Alexis Ange promet en échange 200 000 marcs d'argent et un appui militaire pour marcher sur l'Égypte.

Beaucoup de croisés jugent que la trahison dépasse les bornes et préfèrent s'en revenir chez eux. Mais les autres cèdent à l'attrait du fruit défendu. Ils occupent une première fois Constantinople, le 17 juillet 1203, sans coup férir.

Les Vénitiens veulent alors en finir avec l'anarchie qui règne à la tête de l'empire byzantin et compromet leur fructueux commerce. Avec l'aide des croisés, le doge Enrico Dandolo chasse le basileus (ou empereur) Alexis III et intronise son neveu sous le nom d'Alexis IV. Mais celui-ci, tenu pour un traître par la population, se montre incapable d'imposer son autorité.

Quelques mois plus tard, la population se rebelle contre les chevaliers venus d'Occident, que la découverte de Constantinople et de ses fabuleuses richesses a rendus particulièrement cupides. C'est ainsi que ces derniers attaquent une nouvelle fois la « deuxième Rome » le 12 avril 1204. Il ne s'agit plus d'une simple occupation mais d'une mise à sac de la prestigieuse cité.

Un empire latin sans assise

Après cet assaut d'une extrême brutalité, les croisés détrônent l'empereur et mettent la main sur ses possessions. Quelque peu conscients du caractère scandaleux de ce combat fratricide, ils commencent à se justifier en invoquant une bulle d'excommunication vieille de 150 ans qui mettrait les Grecs «schismatiques» au ban de la chrétienté !...

Dès le 9 mai 1204, les croisés installent l'un des leurs, le comte Baudouin de Flandre et de Hainaut, sur le trône impérial. Celui-ci devient le premier titulaire de l'Empire latin d'Orient sous le nom de Baudouin 1er.

Il brise aussitôt l'administration relativement moderne de l'empire grec et remplace celui-ci par une mosaïque de principautés féodales comme le royaume de Thessalonique, dont le titulaire est Boniface de Montferrat, et la principauté d'Achaïe, dans le Péloponnèse, octroyée aux Français Guillaume de Champlitte et Geoffroy de Villehardouin (celui-là même qui écrira plus tard une mémorable Histoire de la conquête de Constantinople).

Les Vénitiens se taillent la part du lion avec les principaux ports, les îles, une franchise commerciale dans tout l'empire et le monopole de l'élection du patriarche.

Toutefois, la conquête latine reste très partielle. Dès 1205, le tsar bulgare Kalojean inflige aux croisés une défaite cuisante alors qu'ils tentaient de s'implanter à Andrinople, grande cité de l'arrière-pays... D'autre part, des royaumes grecs indépendants se constituent immédiatement autour de l'empire latin de Constantinople : le despotat d'Épire, à l'ouest, sur la rive de l'Adriatique, dirigé par Michel Ange-Doukas, et l'empire de Trébizonde, sur les bords de la mer Noire, à l'est, constitué par des petits-fils de l'ancien empereur Andronic, David et Alexis Comnène.

Par ailleurs, l'énergique Théodore Lascaris, gendre de l'empereur Alexis III rétablit un empire byzantin en Asie mineure, autour de Nicée, de la mer Égée à la mer Noire. Il en est élu empereur par le clergé orthodoxe et dès lors ne va avoir de cesse de reconquérir Constantinople et d'en chasser les Latins.

Publié ou mis à jour le : 2022-04-12 19:21:43

Voir les 5 commentaires sur cet article

Michael (12-04-2024 07:31:08)

L'article est bien gentil, le sac par ci, le sac par là, et il est comme ci et il est comme ça. Moi, je pose la question qui taraude tout mari qui se lève pour aller bosser : "...Et, il a couté co... Lire la suite

Jacques Groleau (11-04-2024 08:42:37)

Cette attaque de Constantinople a été une abomination, tant pour les Orthodoxes que pour les Catholiques. Je me permets de rappeler que, Léon IX étant mort, le "mandat" d'excommunication par lui ... Lire la suite

Philippe Zenatti (12-04-2011 11:33:41)

La querelle théologique qui opposait les Grecs et les latins était (et est toujours aujourd'hui) la suivante : la querelle du "filioque" : l'Eglise d'Orient enseignait dès le IVe siècle que l'Espr... Lire la suite

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