Saint Bernard, abbé de Clairvaux et conseiller des souverains, lance sur la colline de Vézelay, en Bourgogne, le jour de Pâques 1146 (31 mars), un appel aux chevaliers et souverains d'Occident. C'est le signal de ce que les historiens considèrent comme la deuxième croisade.
Menace sur la Palestine franque
L'appel de saint Bernard survient un demi-siècle après celui du pape Urbain II à Clermont (1095). Il est motivé par la chute d'Édesse aux mains des Turcs, en Syrie franque, suite à l'offensive d'un chef sarrazin nommé Nour el-Dîn.
C'est un premier coup dur pour les États francs de Palestine. L'émotion est grande en Occident, dans l'aristocratie et les milieux lettrés.
Depuis la première croisade, les Francs établis en Palestine n'avaient cessé de recevoir des renforts d'Occident : petites troupes ou chevaliers isolés qui venaient gagner leur salut en combattant les infidèles.
Maintenant, dans l'urgence, ils réclament un surcroît de renforts. Raymond de Poitiers, prince d'Antioche et frère cadet de Guillaume X d'Aquitaine, écrit même à sa nièce, la reine Aliénor d'Aquitaine, épouse du roi de France Louis VII le Jeune, dans ce sens-là.
Petite cause, grande conséquence
Peu avant, le roi de France s'est laissé embarquer dans une guerre contre son vassal le comte de Champagne, pour une banale affaire de coeur. Au cours de l'expédition, ses soldats ont massacré la population d'une petite ville, Vitry-en-Perthois, et brûlé un millier de personnes réfugiées dans l'église ! Pétri de remords, le roi a fait mander l'influent abbé de Clairvaux pour se confesser à lui et prendre conseil.
Se rendant à la rencontre du roi, Bernard de Clairvaux songe à la Palestine et l'idée lui vient de proclamer une nouvelle croisade comme le pape Urbain II, en 1095, avec cette fois-ci la participation des souverains et du plus puissant d'entre eux : le roi capétien. Il fait part de son projet à Louis VII qui l'accepte d'emblée.
À la demande de Bernard, il convoque toute la noblesse de France à Vézelay pour le jour de Pâques 1146. Sur le parvis de l'église, au sommet de la prestigieuse colline, Bernard prononce une vigoureuse allocution puis fixe une croix de drap rouge sur la poitrine du roi. La reine Aliénor se croise également et après elle, dans l'enthousiasme, les grands seigneurs du royaume, y compris le comte de Toulouse Alphonse Jourdain, deuxième fils de Raymond IV, héros de la première croisade, et Thibaut II de Champagne, ancien adversaire du roi.
Départ en fanfare
La préparation de l'expédition prend du temps. Enfin, à la Pentecôte 1147, l'armée royale s'achemine vers Metz. Elle est rejointe à Worms par les Anglais. Au total plusieurs dizaines de milliers de combattants et leurs suites. Français et Anglais s'engagent sur les traces de l'armée allemande, conduite par l'empereur Conrad III, accompagné de son jeune neveu, le futur empereur Frédéric 1er Barberousse.
En Rhénanie, à Worms, Mayence ou encore Strasbourg, des prédicateurs poussent à violenter les Juifs. L'apprenant, Bernard de Clairvaux entre dans une colère terrible et apostrophe les évêques : « Ni les anges, ni les apôtres n'approuvent le meurtre des Juifs. L'Église prie au contraire pour leur conversion et elle est assurée qu'à la fin des temps tout Israël sera sauvé. Ne touchez pas aux Juifs. Ils sont la chair et les os du Seigneur » (note).
Au pied des murailles de Constantinople, les croisés apprennent avec déception que le basileus (l'empereur byzantin), sur le concours duquel ils comptaient, vient de conclure une paix de douze ans avec les Turcs !
Le basileus les reçoit avec courtoisie mais s'empresse de les faire passer sur la rive asiatique du Bosphore. Bon débarras. Faute d'argent pour la traversée, une partie des pèlerins doit toutefois être abandonnée sur place.
Fiasco de la croisade
Nouvelle déconvenue : les Francs apprennent que les Allemands, qui avaient coupé au plus court à travers les montagnes d'Asie mineure, ont été assaillis et en bonne partie massacrés par les Turcs. L'empereur et les débris de son armée rejoignent les Francs à Nicée en ayant perdu le quart de ses effectifs.
Les croisés, dès lors réunis, suivent avec prudence la côte. Le voyage est long et éprouvant : soif, faim, typhus et embuscades déciment les croisés. Finalement, après avoir été battus par les Turcs à Pisidie le 8 janvier 1148, ils trouvent à s'embarquer et gagnent par mer la citadelle d'Antioche, à l'embouchure de l'Oronte, en Syrie, où ils sont accueillis le 19 mars 1148 par le flamboyant Raymond de Poitiers, oncle de la reine Aliénor d'Aquitaine...
Raymond compte sur le roi pour attaquer l'ennemi turc en son coeur, Alep. Mais Louis VII préfère nuitamment quitter Antioche pour gagner Jérusalem. Officiellement, le roi veut conquérir le Saint Sépulcre, objectif de son voyage. Mais on susurre qu'il est jaloux de Raymond et soupçonne Aliénor d'être (trop) sensible aux charmes et à l'énergie de son oncle.
À Jérusalem, Louis VII et Conrad III cèdent aux sollicitations de la reine Mélisende et décident de mettre le siège devant Damas ! Le siège échoue, n'ayant d'autre effet que de resserrer les liens entre les frères ennemis de l'islam, la principauté de Damas et celle de Mossoul, pour le plus grand malheur des croisés.
Dépité, l'empereur abandonne la partie. Le roi s'en va faire ses dévotions à Jérusalem, puis reprend la mer pour la France au grand dépit des Francs de Terre sainte, qui ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes pour contenir la poussée turque... La deuxième croisade débouche sur un fiasco.
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En deux siècles, de l'appel d'Urbain II à la chute de Saint-Jean d'Acre, les croisades vont mettre en branle plusieurs centaines de milliers de personnes. Avec un bilan en demi-teinte...
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