4 septembre 1090

Les Assassins s'emparent d'Alamout

Le 4 septembre 1090, Hassan ben Sabbah, fondateur de la secte musulmane des Assassins, s'empare de la forteresse d'Alamout (ou Alamut), dans l'Elbourz, à 1800 mètres au-dessus de la mer Caspienne (Iran actuel).

De ce nid d'aigle imprenable, lui-même et ses successeurs vont établir pendant deux siècles une domination occulte sur l'ensemble du Moyen-Orient par le crime et le pillage.

André Larané

Dissidence chez les ismaéliens

Né à Qom, Hassan ben Sabbah (ou al-Hassan ibn-al-Sabbah) est élevé dans le chiisme duodécimain, branche principale du chiisme. En 1071, à l'âge de 35 ans, il se convertit à l'ismaélisme, une branche minoritaire du chiisme. Là-dessus, il se rend au Caire, siège du califat fatimide, de confession ismaélienne. Hassan se lie à Nizar, fils aîné du calife el-Mutanzir II. C'est le début d'un incroyable destin.

À la mort du calife, en 1094, le vizir al-Afdal évince Nizar de la succession. Il le fait emmurer vivant, écrase ses partisans et installe sur le trône califal son propre gendre el-Mustali, qui est aussi le fils cadet de l'ancien calife (et donc un fatimide).

Quand Nizar est tué, Hassan se trouve à Alamout, ayant quitté l'Égypte vers 1080. Il rompt avec les ismaéliens et fonde la secte des nizarites. Lui-même et ses disciples se qualifient de batiniens (de l'arabe batin, qui signifie caché et désigne par extension ceux qui font une interprétation du sens caché ou ésotérique du Coran).

C'est ainsi qu'avec ses fidèles, aussi appelés « fidaiyyun » (ou fedayins, d'un mot arabe qui désigne ceux qui se sacrifient), il s'empare par la ruse et l'argent de la forteresse d'Alamout.

L'État nizarite

Cultivé, bon connaisseur des cultures hellénistique et hindouiste, qu'il a découvertes à Alexandrie d'Égypte, Hassan fonde un État ismaélien nizarite ou batinien. Il se pose en rival des Turcs Seldjoukides qui dominent la Perse et le Moyen-Orient. Sa puissance lui vient de la richesse acquise par le pillage des caravanes à partir de son nid d'aigle.

Il terrorise aussi les puissants seigneurs du Moyen-Orient grâce à des disciples prêts à tuer quiconque sur son ordre au péril de leur vie. Le premier à faire les frais de sa colère est le gouverneur du Khorassan, par ailleurs vizir du sultan d'Alep, Nizâm al-Mulk. Il a perçu le péril que représentait la forteresse d'Alamout et a tenté de s'en emparer en 1092. En vain. Il est assassiné quelques mois plus tard par un nizarite,

Dès lors, beaucoup de seigneurs vont verser aux nizarites un tribut contre l'assurance de la vie sauve, mais sans garantie pour autant.

À la mort d'Hassan, son premier lieutenant Buzurg Umid lui succède. Ses descendants vont régner sur Alamout jusqu'à la chute de l'État nizarite, en 1256. Ils continuent de représenter les ismaéliens nizarites en la personne de l'Aga Khan.

Le paradis pour récompense

Des chroniqueurs musulmans et chrétiens, y compris Marco Polo, rapportent sans garantie de véracité que ces combattants d'un genre spécial absorbent une boisson spéciale. Dans un état second, ils sont transportés pendant trois jours dans un jardin merveilleux plein de vierges lascives et de mets succulents.
Une fois dissipés les effets de la boisson, ils se laissent convaincre qu'ils ont approché le paradis et ses houris. Il n'ont plus qu'une hâte, c'est de mourir pour la bonne cause afin d'y entrer pour de bon.
À noter que ces terroristes ne s'en prennent qu'aux élites dirigeantes et se soucient fort peu de massacrer les gens ordinaires. C'est ce qui les distingue de leurs actuels émules, les fous d'Al-Qaida.

Imbroglio oriental

Le fondateur de l'État nizarite ne se contente pas de régner sur la forteresse d'Alamout. Lui-même et ses successeurs achètent quelques autres nids d'aigle, en Syrie notamment, avec l'objectif de combattre le calife usurpateur d'Égypte. Ils entrent en relations avec les croisés francs qui conquièrent à la même époque le Proche-Orient. Pendant les deux siècles que dureront les croisades, les ismaéliens nizarites vont devenir les alliés objectifs des croisés contre les Turcs et les Arabes.

Les chroniques franques gardent le souvenir du grand-maître Rachid ed-Din el-Sinan (ou Sinân), qui gouverne la forteresse de Qadmous dans les monts Alaouites, en Syrie.

Surnommé le « Vieux de la montagne », il traite avec les Grands de son époque : Saladin, Richard Coeur de Lion... Mais il fait aussi poignarder le roi de Jérusalem Conrad de Montferrat, à Acre, le 28 avril 1192, ce dernier ayant eu le tort de punir des trafiquants de sa secte. L'un des successeurs de Sinân traite avec Saint Louis lors de la septième croisade.

La puissance nizarite va s'effondrer lors de l'invasion mongole. La forteresse d'Alamout tombe aux mains du Mongol Hulagu en 1256. En Syrie, la principale forteresse nizarite, Masyad, est conquise en 1272 par les Mamelouks d'Égypte.

Dans le même temps, en Palestine, les derniers croisés lâchent prise sous les coups des Turcs. L'Orient arabe entre dans un profond assoupissement...

Siège d'Alamout par les Mongols au milieu du XIIIe siècle (miniature mongole)

Mystérieux assassins

Les disciples de Hassan ben Sabbah et de ses successeurs restent connus dans l'Histoire sous le nom d'Assassins. Le mot viendrait de l'arabe assas qui signifie gardien (sous-entendu de la Foi). Employé dans ce sens-là par les chroniqueurs médiévaux, il aurait dérivé jusqu'à prendre son sens actuel : tueur avec préméditation.
Selon une autre interprétation, développée au XIXe siècle par Sylvestre de Sacy, il viendrait de l'arabe hachîchi, qui désigne celui qui consomme du chanvre indien, ou hachîch (herbe en arabe). Dans cette hypothèse, à supposer que soient véridiques les histoires de Marco Polo et consorts sur les paradis imaginaires, la fameuse boisson consommée par les tueurs avant d'accomplir leur acte devait être du hachîch.

Publié ou mis à jour le : 2024-01-13 07:26:59

Voir les 4 commentaires sur cet article

Agatha Christos (09-02-2020 19:47:12)

Tout à fait d' accord avec le commentaire sur Alamut le remarquable ouvrage de Vladimir Bartol que j'ai dévoré en son temps. De plus cela me fait penser aussi aux tueurs de l' Islamisme radical qu... Lire la suite

MT DB (05-09-2016 19:05:52)

Dans les bonnes familles marocaines, on menaçait les enfants turbulents de la visite des "Ashashin", des cavaliers drogués qui emporteraient donc ces petits diables dans les montagnes, irrémédiabl... Lire la suite

pier1206 (10-09-2012 17:00:15)

Le roman dont je vous ai parlé (Alamut)est de Vladimir Bartol, traduit en 2001. Très bon.A la lecture de votre article, je vois que ce n'est pas si romancé que ça!

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