13 novembre 1002

Le massacre de la Saint Brice

Le 13 novembre 1002, le roi anglo-saxon Ethelred II massacre en grand nombre des Danois qui s'étaient établis de force sur ses terres. Parmi ses victimes figurent la soeur et le beau-frère du roi de Danemark, Sven à la Barbe fourchue.

Ce dernier est un redoutable chef viking qui a déjà mené des guerres victorieuses contre les Allemands et les Norvégiens. En réplique au « massacre de la Saint-Brice », il entreprend derechef de conquérir l'Angleterre, autrement dit le pays des Anglo-Saxons.

Premières invasions

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Les îles britanniques ont été romanisées de façon superficielle et ce vernis a été pour l'essentiel effacé par une succession d'invasions germaniques (Angles, Saxons, Normands enfin). Le résultat est un subtil mélange d'influences latines et germaniques...

Les premiers Anglo-Saxons

L'Angleterre doit son nom aux envahisseurs germaniques qui avaient pris la place des Romains. Venus de l'Allemagne actuelle, les Angles et leurs cousins Saxons débarquent sur l'île de Bretagne au Ve siècle après Jésus-Christ. Ils chassent peu à peu des plaines les premiers habitants, des Celtes dénommés Bretons.

Les Bretons se réfugient dans les montagnes d'Écosse, du pays de Galles ou de Cornouaille. Quelques-uns traversent la Manche et s'établissent à la pointe de la Gaule, en des lieux austères, désertés par les Gallo-Romains, qui prennent le nom de « petite Bretagne » (aujourd'hui la Bretagne française).

Les farouches Anglo-Saxons introduisent dans l'île les dieux du panthéon germanique : Odin (aussi appelé Wotan), Thor, Freya... Leur souvenir subsiste dans l'appellation anglaise des jours de la semaine : Wednesday, Thursday, Friday.

Irlandais catholiques et irréductibles

Tandis que l'Angleterre renoue avec la barbarie, l'île voisine d'Irlande, épargnée par les invasions, conserve son identité celte et, mieux encore, se voue au catholicisme sous l'impulsion de saint Patrick.

Des ermites restaurent avec passion la culture latine et les traditions de l'Église des origines. Pour des raisons de sécurité, ils prennent l'habitude de se grouper en communautés, sous l'autorité d'un abbé.

Bientôt, un grand nombre de ces moines vont quitter l'Irlande et convertir les peuplades germaniques du continent ainsi que les Anglo-saxons de Grande-Bretagne. En Angleterre, ils entrent en concurrence avec les moines bénédictins venus de Rome à l'initiative du pape Grégoire 1er, et qui sont à l'origine de l'archevêché de Cantorbéry. Son premier titulaire, Augustin, n'a de cesse de réunir tout le clergé de l'île sous son autorité.

Invasions vikings

La situation se gâte au début du IXe siècle, à l'époque de Charlemagne, quand la Grande-Bretagne et le Continent font connaissance avec les Vikings.

Les Vikings sont des hommes épris d'aventure qui se refusent à vivre dans leurs paisibles communautés paysannes du grand nord de l'Europe. Ils se forment en bandes et naviguent vers l'ouest, en quête d'épopées. Plusieurs milliers de ces Vikings, venus du Danemark, s'établissent sur les rivages orientaux de la Grande-Bretagne, en Est-Anglie, dans un territoire dénommé Danelaw.

Parmi les différents rois saxons qui se partagent l'île, l'un d'eux, Alfred le Grand, roi du Wessex, laisse le souvenir d'avoir résisté avec bravoure à la pression danoise. ll bat l'armée des envahisseurs à Ethandum en 878. Fort de sa victoire, il unifie les royaumes anglo-saxons et constitue un semblant d'État monarchique.

Un éphémère royaume danois

Edgar le Pacifique, un lointain successeur d'Alfred, assure une relative prospérité à son royaume. Mais son deuxième fils, Ethelred II, qui accède au trône en 978, ne témoigne pas de la même sagesse, d'où son surnom de Mal avisé! Ethelred II, après le massacre de la Saint-Brice, se montre incapable de faire face à l'offensive triomphale de Sven à la Barbe fourchue.

Le Danois remonte la Tamise, prend Cantorbéry et exécute l'archevêque. Son malheureux ennemi ne trouve d'autre moyen pour le convaincre de repartir que d'imposer les terres de ses sujets et de lui verser la collecte. C'est le Danegeld, l'argent des Danois. Ce tribut n'a d'autre effet que de rendre les Danois plus vindicatifs.

Seven confie son royaume de Danemark à son fils aîné, Harald. Avec l'aide du second, Knut (ou Canut), il repart de plus belle à la conquête de l'Angleterre. Le Saxon Ethelred s'enfuit en Normandie, chez son beau-frère, le duc Richard.

À la mort de Sven, son fils Knut bat en retraite au Danemark, non sans avoir au préalable fait couper le nez, les oreilles et les mains des prisonniers anglais. Le Danois revient un peu plus tard en Angleterre avec de nouvelles troupes et combat le courageux fils d'Ethelred II, Edmond Ironside (« Côte-de-fer »).

Les deux ennemis se partagent dans un premier temps le pays. Le 18 octobre 1016, enfin, Knut bat Edmond à Ashingdon, dans l'Essex.

Bientôt, les nobles saxons, réunis en conseil, se résignent à céder la couronne au vainqueur. Knut le Grand, en habile homme d'État, traite à égalité les vaincus et les vainqueurs. Lui-même épouse Emma de Normandie, la veuve d'Ethelred II.

Le sceau d'Edouard le Confesseur (1002-1066) avec l'inscription: Sigillium Edwardi Anglorum Basilei Par la conquête et les héritages, il adjoint à la couronne d'Angleterre celles d'Écosse, du Danemark et de Norvège, constituant ainsi un original empire anglo-scandinave...

Mais cette construction ne lui survivra pas et à sa mort, le 12 novembre 1035, la couronne anglaise retournera à un Saxon, Édouard le Confesseur, deuxième fils du roi Ethelred II, né du premier mariage d'Emma de Normandie.

C'est un autre descendant de Viking, le Normand Guillaume le Conquérant, qui s'appropriera définitivement la couronne d'Angleterre. 

Publié ou mis à jour le : 2019-11-08 12:13:57
BELPAIRE Bernard (13-11-2022 13:44:22)

Vous avez raison de souligner cette fusion des différentes langues, longue et d'autant plus efficace par l'entremise du "TEMPS" et de la nécessité de commercer pour vivre.

Patrice Leguerinais (13-11-2022 11:17:59)

Oh flûte même vous, vous nous cassez les pieds avec cette erreur en Patrice et Patrick. Dans la tradition francophone, le saint qui est fêté le 17 mars par l’Église Catholique s'appelle Patrice... Lire la suite

Gwenael HENRY (13-11-2019 20:08:50)

Votre analyse est intéressante mais elle me semble peut être un peu trop conforme à la façon d'enseigner l'histoire au siècle dernier.

Je risque un commentaire uniquement sur l'introduction sans commenter la suite de l'article.

Citation : "Les îles britanniques ont été romanisées de façon superficielle et ce vernis a été pour l'essentiel effacé par une succession d'invasions germaniques (Angles, Saxons, Normands enfin). Le résultat est un subtil mélange d'influences latines et germaniques..."



Dans la chronologie que vous proposez, la succession et les changements de peuples et donc de langues et leurs évolutions respectives ne sont pas assez lissés dans la durée. La période choisie de 2000 ans ( de 43 AD à aujourd'hui) parait un peu trop stratifiée en couches qui semblent par trop hermétiques.

Mais les langues et les peuples ne se propagent pas sur un territoire de la même façon que le ferait une couche de peinture qui en masquerait une autre sur un mur (ou sur une carte). Pour poursuivre l'analogie avec la peinture, on pourrait considérer dans le cas des langues qu'elles ne sèchent jamais vraiment et que lorsque deux couches (souvent dans des proportions différentes) se retrouvent superposées, en fait elles se mélangent. En d'autre termes les langues s'influencent mutuellement pour à terme fusionner en quelque idiome nouveau.

Il me semble qu'il faudrait tenir compte de quelques hypothèses récentes avancées par un certain nombre d'historiens/linguistes/archeologues pour expliquer plus précisément la genèse du peuple et de la langue anglaise qui ont abouti à ce que nous constatons aujourd'hui notamment en ce qui concerne la version actuelle de la langue. Il n'est plus possible de propager les vues du XIX eme siècle sans les adapter à la lumière des récentes découvertes.

La vision traditionnelle est fondée globalement sur l'étude de l'évolution de différents états de la langue sur cinq ou six siècles, figés au coeur de vieux manuscrits enfouis au coeur des bibliothèques seigneuriales anglo-saxones mais factuellement très peu nombreux et sûrement peu représentatifs des langues réellement parlées par les populations villageoises aux alentours de leurs "châteaux".

Le postulat traditionnel sur l'évolution endogène de l'anglais à partir de langues germaniques importées repose principalement sur l'étude de ces rares textes très particuliers.

Mais ce postulat est à peu près aussi absurde que celui qui prétendrait que les Bretons de la fin de la période romaine ne parlait que le latin sous prétexte qu'on ne trouve que des livres rédigés en latin datant de cette époque.

Il est évident qu'une telle affirmation serait stupide.

Quelle était la langue réellement parlée dans les villages parmi le peuple majoritaire, fut il asservi, à une époque ou il n'y avait pas d'école obligatoire ni de livres de grammaire disponibles, pas plus que de lecteurs de cassettes pour travailler son accent et surtout pas de gazettes locales qui nous donneraient une meilleure appréciation sur les langues effectivement utilisées dans les campagnes.

Comment peut on penser qu'un petit nombre d'envahisseurs, en trois ou quatre vagues successives : les romains, les anglo-saxons, les scandinaves suivis par les franco-normands (entre 50000 et 200000 arrivants répartis sur une période de deux siècles pour les anglo-saxons de loin les plus nombreux) aient pu imposer à, au minimum, 1 000 000 d'autochtones leurs différentes langues sans que celles ci ne subissent de très importantes influences de la part des langues indigènes.

Une langue ne se résume pas uniquement à un lexique, il faut tenir compte de sa syntaxe et de sa phonologie qui peuvent évidemment être profondément affectées.

Les contacts linguistiques dans les îles britanniques constituent un cas typique de situations de changement de langue qui, selon Thomason & Kaufman (1988), entraînent une influence assez forte du substrat dans la phonologie et la syntaxe de la langue cible plutôt que des emprunts lexicaux.

Et même au sujet de ces emprunts lexicaux, il me semble utile de considérer l'hypothèse de Peter Schijver considérant que la langue de la rue dans le sud est de l'ile de Bretagne (la zone du pouvoir et d'implantation des premiers anglo saxons) était le Britto-roman à la fin de la période romaine.

Le lexique de cette langue était comparable au Gallo-roman parlé de l'autre coté de la Manche et son influence lexicale a du se maintenir dans la population jusqu'à l'arrivée du franco-normand, assez proche finalement.

Cela explique sans doute pourquoi dans l'anglais d'aujourd'hui 70 % du lexique est d'origine latine et non d'origine germanique.

Il est donc plus que probable que l'anglais d'aujourd'hui procède d'une sorte de creolisation lentement et finement ciselée par des populations usant de langues différentes, obligées de communiquer dans la vie de tous les jours.

Je finirai en citant J.R.R. Tolkien

"The north-west of Europe, in spite of its underlying differences of linguistic heritage – Goidelic, Brythonic, Gallic; its varieties of Germanic; and the powerful intrusion of spoken Latin – is as it were a single philological province a region so interconnected in race, culture, history, and linguistic fusions that its departmental philologies cannot flourish in isolation."

J'ai moi même réalisé deux cartes, il y a quelques années pour essayer de modéliser cette approche.

Cordialement

Gwenael HENRY

Quelques sources

http://dohiyimir.typepad.com/eng_wel_tolkien.pdf
http://earlymedieval.tumblr.com/post/23217701033/the-north-west-of-europe-in-spite-of-its
https://muse.jhu.edu/journals/canadian_journal_of_linguistics/summary/v054/54.1.pierce.html
http://linguistlist.org/pubs/reviews/get-review.cfm?SubID=220791
http://www.arrantpedantry.com/2014/12/01/celtic-and-the-history-of-the-english-language/
http://www.researchgate.net/publication/231927265_What_else_happened_to_English_A_brief_for_the_Celtic_hypothesis

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