La cité d'Athènes a entamé avec Dracon une difficile marche vers la démocratie mais il en est résulté de vives tensions entre les classes sociales. Elles vont être surmontées par les réformes de Solon...
Solon, qui a vécu de 640 à 558 av. J.-C., est né dans une famille d'Eupatrides (il fait partie des gens « bien nés », autrement dit des aristocrates) mais pauvre. Ayant beaucoup voyagé, il a pu refaire sa fortune dans le commerce des huiles tout en restant foncièrement honnête. Ses voyages lui ont conféré une grande ouverture intellectuelle. Il est de surcroît poète et, comme tel, passe pour être inspiré par les dieux.
Solon, arbitre social
Solon est choisi comme arbitre par les différentes classes sociales de la ville d'Athènes et de sa région, l'Attique (une presqu'île de la mer Égée grande comme le Luxembourg actuel). Quand il devient archonte (gouvernant), en 594 av. J.-C., la cité est au bord de l'explosion sociale.
Les riches Eupatrides ont fini au fil du temps par acquérir la plus grande partie des terres de l'Attique. En s'appuyant sur les très sévères lois de Dracon, ils menacent de réduire en esclavage tous les paysans pauvres incapables de rembourser leurs dettes.
Par ailleurs, le développement du commerce a favorisé l'éclosion d'une classe de marchands qui veulent participer au gouvernement de la cité mais en sont empêchés par les Eupatrides.
Solon rétablit dans un premier temps la paix sociale en levant la menace de réduction en esclavage des paysans endettés par une mesure proprement révolutionnaire : la sisachtie (en grec, le « soulagement d'un fardeau »). En d'autres termes, il abolit d'un coup toutes les dettes tant publiques que privées ! C'est l'équivalent de ce que les libéraux d'aujourd'hui appellent faillite ou banqueroute.
Voici comment, trois siècles après, le savant Aristote raconte la sisachtie et l'établissement de la démocratie par Solon :
« Devenu maître du pouvoir, Solon affranchit le peuple, en défendant que dans le présent et à l'avenir la personne du débiteur servît de gage. Il donna des lois et abolit toutes les dettes, tant privées que publiques. C'est la réforme qu'on appelle la délivrance du fardeau (seis‹xyeia), par allusion à la charge qu'ils avaient comme rejetée de leurs épaules.
On a essayé d'attaquer Solon à ce sujet. Au moment en effet où il projetait l'abolition des dettes, il lui arriva d'en parler à l'avance à quelques-uns des nobles, et ses amis, selon la version des démocrates, firent, à l'encontre de ses projets, une manoeuvre, dont il aurait aussi profité, ajoutent ceux qui le veulent calomnier. Ils s'entendirent pour emprunter de l'argent et acheter beaucoup de terre, et l'abolition des dettes survenant presque aussitôt, ils firent fortune. Ce fut, dit-on, l'origine de ces fortunes que dans la suite on fit remonter à une si haute antiquité. Mais la version des démocrates est plus plausible ; l'autre n'a pas la vraisemblance pour elle : comment un homme, qui fut si modéré et si attaché aux intérêts publics que, pouvant tourner les lois à son profit et établir sa tyrannie dans la ville, il s'attira plutôt la haine de l'un et de l'autre parti, mettant l'honneur et le salut de la cité au-dessus de ses propres intérêts, se serait-il sali à d'aussi petites et aussi indignes opérations ? » (Aristote, Constitution d'Athènes).
Solon étend aussi la notion d'héritage aux filles et à leurs enfants, même naturels.
Il a surtout l'idée de répartir les citoyens en quatre classes censitaires, selon leur niveau de richesse : pentacosiomédimnes, chevaliers, zeugites et thètes. Il reprend ce faisant la division antique en trois classes mais y ajoute une quatrième classe, celle des paysans pauvres, autrefois privés de toute représentation publique :
Les citoyens les plus riches (les « pentacosiomédimnes ») ont davantage de droits que les autres. Ils participent aux choix politiques et prennent part aux fêtes civiques. Mais ils doivent aussi financer les services publics, les liturgies (du grec leitos, public, et ergos, oeuvre). Ils doivent également servir dans l'armée comme cavaliers, marins ou hoplites (c'est-à-dire soldats à pied).
Les citoyens de la quatrième classe, les paysans sans terre (les « thètes »), sont exemptés d'impôts et dispensés de servir dans l'armée.
Solon, père de la première Constitution
Solon met par écrit les principes de gouvernement de la cité. L'ensemble de ces principes dessine une Constitution dont le texte est gravé dans le marbre. Il reprend les institutions anciennes en les amendant sensiblement.
L'ensemble des citoyens est appelé à se réunir au moins quatre fois par mois sur la colline du Pnyx. Il forme l'Ecclésia (assemblée en grec, un mot que nous retrouvons dans ecclésiastique et... Église).
L'assemblée débat et vote à main levée les lois et les déclarations de guerre. Tous les ans, elle élit les stratèges ainsi que les neuf archontes en charge du gouvernement de la cité.
Elle tire aussi au sort les magistrats parmi des volontaires de la classe la plus riche (le volontariat limite le risque d'incompétence). Cette prérogative est enlevée par Solon à l'Aréopage, vieille assemblée oligarchique, principalement composée des anciens archontes.
L'Ecclésia tire également au sort parmi l'ensemble des citoyens, y compris les plus pauvres, les membres du nouveau tribunal populaire mis en place par Solon : l'Héliée. Il traite en appel les décisions des tribunaux aristocratiques, ce qui limite l'arbitraire de ceux-ci.
La Constitution de Solon, bien que généreuse, intelligente et équilibrée, mécontente beaucoup de monde. Il est vrai qu'elle laisse de côté l'immense majorité de la population athénienne : citoyens pauvres, étrangers (métèques) et esclaves, sans parler des femmes, interdites d'expression publique et soumises à leur père ou mari.
Passage obligé par la tyrannie
Comme dans les autres cités grecques, quand un législateur n'arrive pas à convaincre les citoyens de l'utilité de ses réformes et que la guerre civile menace de revenir, un tyran s'empare de tous les pouvoirs. Le mot tyran vient du grec turannos qui signifie « maître ».
C'est ainsi qu'à Athènes, le tyran Pisistrate poursuit l'oeuvre du grand législateur Solon. Il tranche les conflits en faveur du peuple. Il impose le partage des terres. Il permet aux habitants les plus pauvres d'être mieux écoutés dans l'assemblée. Tyran de 535 à 528 av. J.-C., il ne laisse que de bons souvenirs ou presque aux Athéniens. Mais ses fils Hipparque et Hippias, qui lui succèdent, montrent moins d'habileté et plus de cruauté que leur père.
Hipparque est tué au cours d'une rixe en 514 av. J.-C. et son frère est chassé du pouvoir par Clisthène, chef du parti populaire, quatre ans plus tard, à la faveur d'un soulèvement populaire.
Clisthène est issu de l'illustre famille des Alcméonides et petit-fils du tyran de la cité de Sicyone. Cet aristocrate ne va pas moins remodeler la Constitution de Solon et instaurer enfin à Athènes, en quatre ans, de 507 à 501 av. J.-C., une démocratie pleine et entière, la première en son genre (à ce détail près que n'y ont accès qu'une minorité des habitants, à l'exclusion des esclaves et des métèques - immigrés et affranchis).
Pour saper la puissance de l'aristocratie, Clisthène a l'idée de diviser Athènes et sa région, l'Attique, en une centaine de circonscriptions territoriales, les dèmes. Puis, aux quatre tribus anciennes, il en substitue dix nouvelles, les phylai, chacune étant constituée de trois régions ou trytties, non contigües, l'une dans la ville d'Athènes proprement dite, l'autre dans l'intérieur des terres, la troisième sur la côte.
Les citoyens de toutes les couches sociales et de toutes les parties de la cité (ville, intérieur des terres, côte) sont ainsi représentés dans chaque tribu et doivent apprendre à vivre et travailler ensemble.
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planchon (26-09-2016 09:21:06)
je viens de m'abonner et j'utilise mon ipad, mais impossible de visionner les frises!
est ce normal
merci
marie louise planchon