13 juin 323 av. J.-C.

Alexandre le Grand entre dans la légende

Alexandre le Grand meurt de fièvre à Babylone en 323 av. J.-C., à 32 ans, en ayant soumis la plus grande partie du monde connu.

Jean-François Zilberman
Alexandre et la conquête du monde

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Alexandre et la conquête du monde (cartographie AFDEC)
Cette carte montre l'empire d'Alexandre. Le conquérant macédonien a atteint dans tous les sens les limites du monde connu des Grecs sous l'Antiquité.

La conquête du monde

Après sa mort, le fils de Philippe II et Olympias, souverains de Macédoine, ne sera plus connu que sous le nom d'Alexandre le Grand. Il sera à jamais considéré comme le plus grand des conquérants.

En quelques années, sous son commandement, les Grecs et les Macédoniens ont renversé l'empire des Perses et des Mèdes malgré une écrasante infériorité numérique.

Originaire d'un petit pays - la Macédoine - que les Grecs cultivés regardaient avec mépris, Alexandre le Grand a offert à la culture hellénique un rayonnement profond et durable, de l'Égypte aux portes de la Chine.

Le rêve d'un empire universel

Alexandre a mis en place au fil de ses conquêtes un gouvernement commun aux Grecs, aux Macédoniens et aux Perses. Il a su pour cela dépasser les antiques divisions entre les cités et les oppositions ethniques.

Mais cette entreprise ne s'est pas faite sans heurts. Dans la prestigieuse cité de Bactres (aujourd'hui Balkh, près de Mazar-er-Sharif, en Afghanistan), le conquérant introduit à son profit le rituel de la prosternation et n'hésite pas à se faire déifier à la mode orientale.

Ruines du palais de Darius Ier (Apadana, VIe siècle av. J.-C.) à Suse (Iran occidental) ; en arrière-plan, château de l'archéologue Jacques de Morgan (XXe siècle)Épris d'égalité, ses compagnons de combat grecs et macédoniens en sont scandalisés. Alexandre ne tarde pas à s'en apercevoir. Il fait exécuter sur de simples soupçons son fidèle général, le vieux Parménion. Plus tard, dans un accès de colère comme il lui en arrive souvent, il tue aussi d'un javelot son meilleur ami, Kleitos.

Pour en finir avec les réticences des Grecs à s'aligner sur les ennemis vaincus, Alexandre tente une fusion entre tous ses peuples en organisant à Suse des noces collectives. Plusieurs milliers de Grecs épousent à cette occasion des filles perses. Lui-même paie de sa personne en épousant la propre fille de Darius III.

Quelque temps plus tôt, en 327 av. J.-C., à Bactres, Alexandre a aussi épousé par amour une princesse persane nommée Roxane dont le souvenir a inspiré jusqu'à notre époque peintres et poètes.

La fin du rêve

La mort prématurée du conquérant laisse son entourage désemparé.

Peu avant de mourir, Alexandre avait perdu son meilleur ami, Héphestion, qu'il avait désigné comme régent au cas où il mourrait avant d'avoir un fils en âge de lui succéder.

Faute de testament ou de successeur désigné, ses généraux désignent l'un des leurs, Cratère, comme intendant général de l'empire. Mais à sa mort, les anciens lieutenants du Conquérant, qui se présentent comme ses successeurs (en grec,« diadoques »), ne tardent pas à se disputer. Ils finissent par se partager l'empire en s'attribuant les uns et les autres le titre de roi.

Ptolémée le Lagide, qui a réussi à s'emparer de la dépouille d'Alexandre et à l'ensevelir à Alexandrie-du-Nil, assure la domination de sa famille sur l'Égypte. Il fonde ce qui sera la dernière dynastie de pharaons. Cette dynastie s'éteindra avec Cléopâtre. Séleucos s'attribue la Babylonie, Antigone l'Asie mineure, Lysimaque la Thrace et Antipater la Macédoine.

Suit une longue période de chaos d'où émergeront deux royaumes hellénistiques majeurs, l'Égypte des Ptolémées et la Babylonie des Séleucides.

Mithridate devient, à la faveur des troubles, roi du Pont, sur le détroit du Bosphore, tandis que les Arsacides, descendants d'Arsace, réunissent les Parthes d'Iran sous leur autorité.

Triomphe de l'hellénisme

La victoire des Grecs et des Macédoniens sur l'empire achéménide entraîne une expansion sans précédent de la culture hellénique.

Cette culture est l'héritière de la culture grecque de l'époque classique (Ve siècle av. J.-C.). Elle gagne en extension géographique ce qu'elle perd en créativité.

Le Lagide Ptolémée 1er ouvre dans une aile de son palais, à Alexandrie-du-Nil, le Muséion (en grec, le temple des Muses).

Cette institution sans égale, inspirée par Aristote, reste la plus belle illustration de l'hellénisme. Elle réunit les savants de toutes les disciplines. Parmi eux le mathématicien Euclide, le poète Théocrite, les mathématiciens Ératosthène et Hipparque, le géographe Strabon, l'astronome Ptolémée, l'ingénieur Archimède... Démétrios de Phalère, le constructeur du Musée, inclut aussi dans l'enceinte de l'établissement une immense bibliothèque. Au fil des siècles, elle allait recueillir jusqu'à 700 000 manuscrits, soit l'essentiel du savoir antique.

Grâce aux conquêtes d'Alexandre, le grec, sous la forme simplifiée de la koinè, devient pour deux mille ans la langue des échanges dans la Méditerranée orientale et le Moyen-Orient.

Statuette du Bouddha grec de Gandhara (Peshawar), II-IVe s., musée national de Bangkok, Thaïlande.

L'influence hellénique atteint le royaume du Gandhara, au nord de l'Inde. Dans cette région de grande culture, les sculpteurs bouddhistes prêtent à Bouddha les traits d'Apollon. Et les effigies que nous voyons aujourd'hui dans les pays bouddhistes, jusqu'au Japon, dérivent de cette représentation.

Mille ans après l'épopée d'Alexandre, un voyageur chinois relève des traces d'hellénisme dans certaines oasis du désert de Gobi (entre le Tibet et la Mongolie). Comme le dit joliment l'historien René Grousset, cette survivance évoque les étoiles mortes qui brillent à nos yeux longtemps après leur disparition.

Publié ou mis à jour le : 2020-10-16 11:33:41
J-P Angermann (23-01-2020 18:52:29)

Je vous conseille de lire le très intéressant ouvrage de PIERRE BRIANT : "Alexandre le Grand" De la Grèce à l'Inde (DÉCOUVERTES GALLIMARD).

Adrien david (05-08-2006 04:03:02)

Pour la participation des macédoniens aux jeux Olympiques, voir ma première réponse. Il s'agissait d'Alexandre I, et j'explique aussi les raisons de son admission au sein des jeux.
Il faut se méfier, en histoire et ailleurs, des explications par induction. D'un exemple qui confirme votre avis, on ne peut pas tirer de conclusions générales satisfaisantes. Aristote (le maître d'Alexandre III, donc) a développé la démarche inverse, le raisonnement par déduction, plus fiable car s'appuyant sur un faisceau de preuves ou de présomptions et pas sur un exemple unique. Je reprends l'exemple de monsieur Chopin :

Un macédonien participe aux jeux olympiques, or les jeux olympiques sont réservés aux grecs, donc les macédoniens sont grecs.

Outre le fait que c'est un sophisme, car un macédonien ne peut être les macédoniens, il suffit que j'applique le même raisonnement à partir d'un fait historique qui m'arrange pour produire l'effet inverse. Voici cet exemple :

Ceux qui ne participent pas aux jeux Olympiques ne sont pas des grecs, or Athènes a été exclue des jeux Olympiques, donc les Athéniens ne sont pas des grecs.

(Note : En 332, Athènes refuse de payer une amende pour l'un de ses athlètes et est exclue des jeux). Avec mon sophisme, qui procède par induction, je viens de prouver que même les grecs ne sont pas des grecs ! Ce genre de procédé n'est peut-être pas le plus souhaitable si l'on tient à établir non pas une vérité mais un raisonnement cohérent fondé sur une approche objective de l'Histoire.

La question, finalement, est : qui est grec ? Comment se définit un grec à l'époque héroïque, archaïque, classique, hellenistique etc ? A quoi se réfèrer ? La difficulté consiste tenter d'arrêter de penser en hommes modernes pour commencer à penser en grecs. D'ailleurs, qu'est-ce que le grec, comme langue ? Nous pensons, à tort, que toutes les cités procédaient du même langage, mais ce que nous, hommes modernes, entendons par "grec", n'est jamais que le dialecte Ionien- Attique. On oublie le dialecte Thessalien, l'Eolien, l'Arcadien, le Dorien, le Béotien, le Dialecte du Nord Ouest (proche du dorique, j'y reviendrais) ! Lorsque l'on dit que la cour Macédonienne parlait le grec, cela signifie qu'elle s'entretenait en Ionien-attique, à l'exclusion d'autres idiomes grecs, semblables et différents tout à la fois.

A quoi se réfère un grec de la période classique pour se définir comme tel ? A Homère, aux grandes épopées, l'Iliade et l'Odyssée. Les jeunes grecs l'apprenaient par coeur. A mon souvenir, il n'est fait aucunement mention de héros Thraces (ou macédoniens) dans ces deux oeuvres datant environ de -800 / -750. Les macédoniens ne structurent pas l'imaginaire grec par le truchement d'un héros. Jason et les argonautes, grande aventure grecque, fait la part belle à la Thessalie mais ne mentionne pas, à mon souvenir, de héros thrace ou "du nord" faisant partie des 50 compagnons. Pas de macédoniens chez les héros.
Les grecs aiment à faire fonder leurs villes par des héros ou des dieux : Thèbes est fondée par Dionysos, Athènes par Cécrops puis unifiée par Thésée... Il n'est pas fait mention d'un fondateur légendaire pour Aigéai ou Pella. On tient Edessa pour une des premières villes de Macédoine, fondée par Karanus (814 / 800 ?), un héraclide de Corinthe. Mais les relations avec la ville fondatrice ne sont alors pas suivie, ce qui reste rare, et Karanus alors n'est pas un héros.

On voit par cet exemple que l'imaginaire grec s'est structuré et cristallisé sans aucune intervention de la macédoine. Aucun dieu n'y réside, et le mont Olympe marque symboliquement le septentrion de la Grèce : il se trouve au sud de la macédoine antique... Les macédoniens se sont progressivement "hellénisés" et furent reconnus comme grecs, oui. Mais cela fut le résultat d'un long processus politique, guerrier et symbolique. L'entrée de la macédoine dans l'imaginaire grec commence vraiment avec la mort pleine de gloire d'Alexandre III et le mythe du panhellénisme. De plus, les grecs avaient tout intérêt à faire d'Alexandre un pur Grec : ainsi, le monde avait été conquis par la Grèce et elle n'apparaissait pas (plus) comme un territoire vaincu par la redoutable phalange macédonienne. C'est de la politique classique.

Mais même aujourd'hui ce problème n'est pas résolu comme le prouve l'existence et la querelle des "deux macédoines", l'une faisant partie de la Grèce (maintenant, les grecs en sont fiers) et l'autre de l'ancienne yougoslavie, proche de l'Albanie et de la Bulgarie, chacune revendiquant ce qui fut finalement la macédoine antique : des grecs en marge, des "barbares" politiques.

Note : Les macédoniens actuels sont apparentés aux grecs, dans le même groupe indo-européen. Cela n'a rien de surprenant, si l'on prend en compte que les grecs eux-mêmes ont chassé les Pélasges, premiers habitants venus vraisemblablement d'Anatolie. Les envahisseurs Achéens venaient du Nord, à savoir les hautes plaines de la Bulgarie moderne. La macédoine actuelle était donc leur point de passage obligé vers la Thessalie, les monts du Pinde interdisant tout mouvement terrestre d'envergure à l'ouest. Que ces même envahisseurs aient alors dominés les tributs de cette région, eux qui furent à l'origine de Mycènes, cela est probable. De plus, il est également vraisemblable que les Doriens, seconds envahisseurs de la Grèce, étaient d'origine du nord de l'Epire et de la macédoine actuelle. Le dorique et le dialecte Grec du Nord Ouest (un de ceux différents de l'Ionien-Attique dont je parlais) sont semblables, ce qui indique que ce ne sont pas les macédoniens qui sont apparentés aux grecs, mais que les deux peuples descendent des Achéens et des Doriens. Dans l'ordre probable de passage, on pourrait dire avec un peu de provocation que ce sont les grecs qui descendent des Macédoniens :-)


philippe chopin (21-07-2006 09:19:19)

Les macédoniens : des barbares hellénisés ou bien des hellènes barbarisés ? La question était déjà posée à l´époque... et répondue ! La participation des macédoniens aux jeux olympiques ... Lire la suite

Adrien David (02-07-2006 01:15:03)

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le commentaire de monsieur Agathoklis Nicolaides, et j'aimerai donner mon point de vue. Les Grecs de la période classique ne considéraient pas les Macéd... Lire la suite

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