Le 1er juin de l'an 195 av. J.-C., l'empereur Liu Bang (nom de règne ou de temple : Han Gaozu) meurt en pleine gloire dans son palais de Chang'an (aujourd'hui Xi'an, dans le Shaanxi, sur les bords de la rivière Wei). Fondateur de la prestigieuse dynastie des Han, il demeure comme l'un des meilleurs souverains qu'ait eue la Chine.
Aventurier originaire d'un village des environs de Nankin, de son vrai nom Liu Bang, il a pris le pouvoir huit ans plus tôt en profitant des désordres consécutifs à la mort du Premier Empereur, Qin Shi Huangdi, celui-là même qui a construit la Grande Muraille et nous a légué un splendide tombeau gardé par une armée en terre cuite.
La fin piteuse de la dynastie Qin
Meneur d'hommes, aimant l'alcool et les femmes, ce fils de paysan devient officier de police dans une circonscription rurale, sous le règne du Premier Empereur.
Après la mort de celui-ci, le voilà en charge de convoyer une colonne de prisonniers. Se payant d'audace, il libère ceux-ci et se met à leur tête. Aspergeant de sang son tambour, il prend le rouge pour emblème et, très vite, avec son armée improvisée, se taille un fief dans sa région natale.
Il se met sous les ordres d'un prince de l'ancienne aristocratie, Xiang Yu, aussi brutal et retors que lui est généreux et habile. Les deux associés volent de victoire en victoire et atteignent en février 206 la capitale impériale, Xianyang.
Le pâle héritier du Premier Empereur, un dénommé Zi Yin, leur fait sa soumission et Xiang Yu s'empresse de le faire exécuter ainsi que tout son entourage. Ses soldats mettent à sac la capitale, y compris la riche bibliothèque du Premier Empereur. Le mausolée de celui-ci est également profané !
Le retour à l'unité
Xiang Yu et Liu Bang s'octroient chacun une principauté mais très vite en viennent à s'affronter. Leur guerre va durer cinq longues années. Liu Bang prend soin d'occuper la haute vallée de la Wei, berceau de la précédente dynastie. Il en fortifie les cols d'accès, bénéficiant ainsi d'un refuge inexpugnable. Il s'attache partout les populations par son humanité, à la différence de son rival qui sème partout la désolation.
L'historien René Grousset rapporte, entre autres anecdotes, que Xiang Yu s'est emparé du père de Liu Bang. Il menace celui-ci, s'il ne se soumet pas, de le mettre à bouillir et d'en boire le bouillon, selon une sympathique coutume héritée de la Chine féodale !
À cette menace, Liu Bang répond sans se démonter que « Xiang Yu et lui sont deux anciens frères d'armes et, à ce titre, son père est devenu le sien ; s'il veut absolument le faire bouillir, qu'il ne manque pas de lui réserver une tasse de bouillon ! » Décontenancé, Xiang Yu élargit son prisonnier.
Acculé malgré d'ultimes prouesses guerrières, Xiang Yu se tranche la gorge.
Liu Bang, le fils de paysan, se retrouve en moins de cinq ans sans rival et empereur ! Il restaure l'oeuvre de Qin Shi Huangdi et rétablit l'ordre dans le pays. Mais à la différence de son illustre prédécesseur, il redouble d'habileté dans le maniement des hommes. Ainsi ménage-t-il les lettrés confucéens, sans leur épargner ses sarcasmes. Il récompense aussi les chefs qui l'ont aidé à prendre le pouvoir en leur octroyant des fiefs mais les leur enlève sous un prétexte ou un autre de sorte que les guerriers se transforment en inoffensive noblesse de cour.
Gaozu érige une nouvelle capitale impériale à une quinzaine de kilomètres de l'ancienne Xianyang, à Chang'an, et poursuit la guerre contre les ennemis de l'extérieur, notamment les Huns. En 200 av. J.-C., comme il est cerné par ceux-ci, il fait envoyer à leur roi le portrait d'une beauté chinoise. Séduit, le barbare laisse l'empereur se retirer et, deux ans plus tard, reçoit en guise de cadeau l'une des plus jolies filles de son harem, « perdrix chinoise » livrée à l'« oiseau sauvage du nord » !
Comme l'empereur tient les médecins en aussi peu d'estime que les lettrés, il néglige de faire soigner une blessure de guerre. Cela lui vaut de mourir prématurément à 52 ans.
Une dynastie prestigieuse entre toutes
Gaozu et ses descendants vont se succéder sur le trône chinois presque sans interruption pendant quatre siècles, jusqu'en 220 après J.-C.. Le plus prestigieux de ces souverains est Wudi, dont le long règne s'étire de 140 à 87 av. J.-C.
Leur dynastie est connue sous le nom de Han. Les Chinois lui conservent une reconnaissance éternelle et continuent de s'en réclamer. Aujourd'hui encore, ils se dénomment officiellement « fils des Han » ou tout simplement « Han ».
Remarquable parallèle : à la même époque que les Han, dans le bassin méditerranéen, une république de soldats laboureurs, Rome, abattait une oligarchie commerçante, Carthage, et fondait un empire dont se réclament encore les Européens.
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