Au matin du mardi 22 août 1911, à la première heure, le peintre Louis Béroud se rend au Salon Carré du Louvre pour faire une copie de la Joconde, l'une des rares œuvres connues (vingt) de Léonard de Vinci...
Cette peinture de chevalet aux dimensions modestes (77cm x 53cm), peinte à l'huile sur une écorce de peuplier, est le célèbre portrait d'une dame de Florence, Mona Lisa, deuxième épouse d'un marchand de tissus, Giacomo del Giaocondo. Elle a été immortalisée par l'artiste à vingt-quatre ans, avec déjà cinq enfants, mais un sourire infiniment doux qui renferme toute le mystère du monde.
À son départ d'Italie pour la France, en 1516, Léonard de Vinci emmena le portrait avec lui et son jeune mentor François Ier l'acquit pour 4 000 écus, une très jolie somme.
Un vol très médiatique
Quelle ne fut donc pas la surprise de Louis Béroud quand il découvrit que ce petit tableau avait disparu. Un gardien interrogé supposa qu'il était peut-être au service de reprographie ! Mais il fallut très vite se faire une raison, il avait bel et bien été volé. Le scandale fut immense. L'opinion publique incrimina la gestion laxiste du musée du Louvre, le relâchement des gardiens, l'indifférence des pouvoirs publics etc. Le Président du Conseil Joseph Caillaux s'en mêla...
Du fait de ce vol, la Joconde, qui était tombée dans un demi-oubli depuis quatre siècles et ne bénéficiait que de l'estime des esthètes et des connaisseurs, allait bénéficier d'une notoriété sans égale dans le grand public. Elle est depuis lors la peinture la plus célèbre et la plus courue de France !
Des enquêteurs et des juges « marris »
Le Quai des Orfèvres (la Sûreté parisienne) mandata sur place soixante policiers. Le criminologue Alphonse Bertillon multiplia sans résultat les analyses d'empreintes digitales. Le juge d'instruction chargé de l'affaire, Joseph-Marie Drioux (le « marri de la Joconde » dixit la presse), n'hésita pas à emprisonner quelques jours à la prison de la Santé le poète Guillaume Apollinaire qui garda de l'affaire des séquelles psychiques ! Picasso lui-même fut interrogé.
Le public se passionna pour l'enquête policière. On suspecta un mauvais coup du Kaiser ou pourquoi pas ? un complot juif... Les journaux offrirent de belles récompenses mais rien n'y fit.
Enfin, deux ans plus tard, le voleur se fait prendre en tentant de vendre le tableau à un receleur. Il le rencontre à Florence le 10 décembre 1913. Le marchand est accompagné du directeur du musée des Offices qui identifie l'oeuvre.
La police est aussitôt alertée et le voleur arrêté dans son hôtel. Il s'agit d'un ouvrier vitrier italien, Vincenzo Peruggia.
Il confesse qu'ayant eu à travailler au Louvre, il a volé le tableau pour le restituer à sa patrie, l'Italie ! Il n'a eu rien d'autre à faire qu'à attendre la fermeture du musée, décrocher le tableau, enlever la vitre et le cacher sous sa blouse. Le tableau est ensuite resté caché dans son logement, dans un quartier populaire du Xe arrondissement de Paris.
Le voleur écopa en définitive de douze mois de prison et n'en effectua que sept.
Le 4 janvier 1914, 28 mois après le vol, la Joconde a retrouvé sa place au Louvre où pas moins de 20 000 visiteurs admirent chaque jour son sourire indéfinissable... derrière une vitre blindée à l'épreuve de toutes les agressions et sous le regard vigilant des gardiens.
Plus populaire que jamais
Le vol a valu à Mona Lisa une popularité sans égale dans le monde de l'art.
Par amour, dépit ou jalousie, les artistes contemporains l'ont en conséquence harcelé de toutes les façons possibles, en cachant plus ou moins leur admiration pour le grand Léonard, maître du sfumato.
À vrai dire, cette attirance équivoque pour la Joconde ne date pas d'aujourd'hui comme l'atteste le mystérieux dessin de la Joconde nue visible au musée Condé (Chantilly) qui ressemble à la véritable Mona Lisa autant que Gérard Depardieu à Michèle Morgan.
Plus près de nous, en 1919, le surréaliste Marcel Duchamp se permit quant à lui d'ajouter à la Joconde une très élégante paire de moustaches !
Et que penser de l'artiste colombien Fernando Botero qui se piqua en 1959 de représenter Mona Lisa à l'âge de douze ans ? Cela donne l'oeuvre ci-contre, assez éloignée, reconnaissons-le, du sfumato léonardien.




on a volé la Joconde !








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Michael (21-08-2023 08:48:55)
Je me suis intéressé à la fascination que nous éprouvons tous pour la Joconde. Lisa Gherardini est-elle le sujet, ou seulement le modèle ? J'ai trouvé une histoire, je ne sais plus où, qui parl... Lire la suite