Le titre ci-dessus reprend une déclaration des Frères musulmans de 1946, quand le Grand Mufti de Jérusalem, Amin Hussein al Husseini, un Arabe pro-nazi, recherché en tant que criminel de guerre, revint en Égypte.
«Je suis Allemand, je ne suis pas juif et j’ai toujours voulu savoir pourquoi mes parents adoraient Hitler.» Ce courriel que j’ai reçu de Matthias Küntzel dit tout de ses motivations.
Il a fait de la fascination pour les idées nazies l’objet de son dernier livre. Celui-ci est paru en anglais peu avant le massacre du 7 octobre 2023 : Nazis, Islamic Antisemitism and the Middle East: The 1948 Arab War against Israel and the Aftershocks of World War II (Les Nazis, l’antisémitisme islamique et le Moyen-Orient : la guerre arabe de 1948 contre Israël et les répliques de la Seconde Guerre mondiale).[1]
Le livre donne une vue d’ensemble de ses travaux et inclut des informations inédites. Les titres des paragraphes sont des titres de chapitres et les traductions sont de l’auteur de ces lignes.
L’antisémitisme islamique
Dès les années 1920, al Husseini avait déclaré son antisémitisme radical. Il avait prétendu que les Juifs détruisaient la mosquée Al-Aqsa, ce que nous appelons aujourd’hui une désinformation, et il s’en était servi pour déclencher des pogroms.
Dès sa naissance, l’islam considérait Juifs et Chrétiens comme des dhimmis, des êtres de seconde zone, qu’il fallait soumettre, humilier,[2] discriminer et exploiter. Mais Kuntzel insiste sur une différence majeure entre les antisémitismes chrétien et musulman :
«Bien entendu, les Juifs étaient également opprimés dans les royaumes chrétiens. Ici, cependant, la doctrine ne disait pas que, comme à Médine, le Prophète avait tué les Juifs, mais que les Juifs avaient tué le Prophète, en la personne de Jésus, le Fils de Dieu.»
Cette différence influence les attitudes envers les Juifs. Pour les Musulmans, les Juifs sont faibles, et ne font pas peur.[3] Mais pour les Chrétiens, ils avaient représenté une puissance obscure et mortelle, capable, par exemple, de répandre la peste.[4]
le 18 août 1937, le pamphlet : islam et judaïsme, qui paraît au Caire, fait la jonction entre les deux antisémitismes.[5],[6] L’auteur -sans doute al Husseini,[7] prétend que les Juifs auraient, de tout temps, été une menace pour le prophète. Pour justifier cette théorie, il reformule un épisode fondateur de l’islam : le 11 février 624,[8],[9] les tribus juives de Médine[10] ayant refusé de se convertir, le prophète les avait expulsées, massacrées avec cruauté ou réduites en esclavage. Husseini, et, à sa suite, Sayyed Qutb, théoricien des Frères, inversent l’histoire :[11]
“Qutb a révisé le Coran et réécrit l'histoire traditionnelle de l'Islam. Alors que les Juifs de Médine n’avaient en réalité aucune chance contre Mahomet et ses compagnons, Qutb présente les musulmans comme les victimes et les Juifs comme les agresseurs de l’Islam… Les Juifs ont comploté contre la communauté musulmane dès le premier jour où elle est devenue une communauté. La lutte entre l'islam et les Juifs continue, car les Juifs ne se contenteront que de la destruction de l'islam.”
Pierre-André Taguieff a dénommé ‘islamo-nazisme’ cette alliance idéologique entre al Husseini et les Frères,[12] un nazisme repeint aux couleurs de l’islam.
1937 : le tournant
L’histoire se précipite lorsque les Britanniques publient le Plan Peel, prévoyant le partage de la Palestine entre Arabes et Juifs. Aussitôt, les nazis décident de torpiller ce plan. L’Ambassade d’Allemagne au Caire accorde de considérables financements aux Frères, qui réalisent alors une vaste campagne de propagande : ils s’offrent une imprimerie avec 24 employés et distribuent gratuitement des dizaines de milliers de luxueuses brochures de propagande, avec de nombreuses fausses photos d'actes de violence et de torture en Palestine. En quelques mois, leur nombre d’adhérents passe de 800 à 200.000.[13]
Ainsi, les Frères, l’organisation la plus influente dans le monde arabe, qui prétend s’opposer au matérialisme occidental, doit sa puissance à l’argent des nazis, parti païen, anti-religieux, véritable incarnation du mal ! C’est un vrai paradoxe, d’autant que leur idéologie se compromet terriblement avec le nazisme.
1939-1945 : Gœbbels en arabe
En 1941, Hitler promet à Husseini d’anéantir les 700.000 Juifs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Afin de fanatiser les masses arabes, largement analphabètes, les nazis utiliseront l’instrument de propagande le plus performant de l’époque : une station de Radio à ondes courtes, Radio Zeesen (du nom de la petite ville proche de Berlin), qui venait d’être installée pour les Jeux Olympiques de 1936. Elle employait 80 personnes, dont 20 présentateurs de grande qualité.
La radio était souvent l’unique source d’information. Ce fut un succès énorme. Des milliers de personnes venaient l’écouter dans les cafés, sur les places.[14]
«Ce bourrage de crâne de six années a ancré l’antisémitisme islamique dans la conscience de la ‘rue arabe’ et a continué à exercer son influence même après-guerre.»
Les émissions amalgamaient l’actualité avec des versets du Coran et un antisémitisme grossier : Roosevelt et Churchill étaient des jouets entre les mains des Juifs. Les Juifs étaient responsables des guerres mondiales. Les leaders arabes opposés aux massacres de Juifs étaient soudoyés par les Juifs : l'émir Abdallah de Jordanie était le ”rabbin Abdallah” …
Les théories complotistes de al Husseini visaient à fanatiser les masses musulmanes :[15]
«Arabes de Syrie, d'Irak et de Palestine, qu'attendez-vous ? Les Juifs prévoient de violer vos femmes, de tuer vos enfants et de vous détruire. Selon la religion musulmane, la défense de votre vie est un devoir qui ne peut être rempli qu'en anéantissant les Juifs.»
Comme pour les nazis, il s’agit d’exterminer tous les Juifs, pas seulement ceux de Palestine.
La guerre israélo-arabe de 1948
En 1944-45, les nazis, pressentant leur défaite, préparèrent tout pour saper le futur État juif : le mufti reçut des sommes considérables et les nazis parachutèrent des armes en Jordanie. Al-Husseini a incarné la continuité la guerre nazie contre les Juifs et sa réplique, la guerre arabe contre Israël. «Son antisémitisme, emballé dans un langage religieux, avait coûté la vie à des milliers de Juifs en 1944 et était quatre ans plus tard dirigé contre Israël.»[16]
Au nom de l’islam
En dépit de la défaite des armées arabes contre Israël en 1948, dont ils étaient responsables, les Frères ont continué à vénérer Hitler. Pour Küntzel, les Arabes sont «le seul peuple au monde pour qui une coopération étroite avec Hitler et Mussolini n'était pas un crime, pas même une tâche sur le bilan d'un dirigeant national.»[17]
En conclusion
Le principal message de Küntzel, répété plusieurs fois, est que cette haine antijuive a été formulée et diffusée onze ans avant l’indépendance d’Israël ! Elle est la cause et non la conséquence du conflit actuel. Les analystes et les médias occidentaux, même bien intentionnés, l’ont oublié. Ainsi, en fermant les yeux sur les innombrables dérapages antijuifs – y compris de leaders islamiques, sur la diffusion d’ouvrages nazis dans les pays arabes, sur les imams négationnistes,ils ont facilité l’enracinement de l’idéologie génocidaire islamo-nazie et son identification avec la cause palestinienne.
On ne combat pas le jihadisme qu’avec des mesures policières. Küntzel recommande une éducation qui affirme sans concession l’Histoire et les valeurs universelles. Il fait appel à des intellectuels lucides, capables de dénoncer la perpétration de ces théories nazies, «afin qu’aucun musulman ne puisse invoquer un texte sacré pour justifier un crime».[18] Il considère indispensable que le monde arabe adopte une position antinazie claire, «conforme aux droits humains universels, s’il veut surmonter la stagnation et la régression actuelles.»[19]
De grands intellectuels égyptiens, tel Tawfiq Al-Hakim, cités par Küntzel,[20],[21] avaient appelé à une dénazification à grande échelle. C’est devenu une urgence absolue.
Publié ou mis à jour le : 04/11/2023 13:45:51