Avril 2007

Présidentielles : un roi sans couronne

L'élection du président de la République française relève de l'exception. Aucune autre démocratie moderne ne confère autant de pouvoirs à une seule personne, véritable roi (ou reine) sans couronne. Au risque d'une régression politique, les principaux candidats ont placé la Nation au coeur du débat.

Présidentielles 2007Le futur président de la République française sera élu au suffrage universel les 22 avril (sélection des deux finalistes) et 6 mai 2007 (élection du titulaire).

L'avenir politique du pays est suspendu à cette élection car le président concentre plus de pouvoirs qu'aucune autre institution nationale. Il choisit le chef du gouvernement (le Premier ministre), commande les armées, dirige la politique étrangère, possède le droit de dissoudre l'assemblée législative... et jouit du droit de grâce hérité de la monarchie

Il dispose aussi du droit de désigner les titulaires des plus importantes administrations du pays (au total quelques centaines de dirigeants, du président du Conseil Constitutionnel à celui de la Bibliothèque nationale de France en passant par les présidents des sociétés nationales). Cette faculté lui garantit la bienveillance de tous les serviteurs du régime (hauts fonctionnaires, élus...) soucieux de leur plan de carrière.

Exceptionnel en démocratie, l'article 16 de la Constitution de la Ve République permet au président de s'emparer des pleins pouvoirs «lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu».

L'alinéa 3 de l'article 49 (le fameux 49-3) énonce : «Le Premier Ministre peut (...) engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée Nationale sur le vote d'un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée...». Il permet au président d'imposer le vote d'une loi sans discussion ni modification par les députés, sauf pour ceux-ci à prendre le risque d'un bras de fer (soit le gouvernement démissionne, soit l'assemblée est dissoute par le président).

La primauté du président a été renforcée par l'alignement du mandat présidentiel sur celui de l'assemblée (cinq ans) : comme les députés sont désormais élus juste après le président, celui-ci est à peu près sûr d'avoir une majorité complaisante pendant toute la durée de son mandat.

La France est l'unique démocratie moderne où autant de pouvoirs sont concentrés entre les mains d'un seul homme et pour une durée déterminée (les États-Unis, qui s'en rapprochent le plus, en demeurent très éloignés car les pouvoirs du président américain sont bien plus encadrés que ceux de son homologue français).

Anglais et Scandinaves cultivent à l'inverse la démocratie parlementaire, avec un succès qui ne se dément pas depuis un à trois siècles : le chef de l'exécutif (le Premier ministre) est désigné par un vote à la majorité des députés et peut, de la même façon, être renversé à tout moment. Le Premier ministre peut aussi être démis illico s'il ne se montre pas à la hauteur des événements (ainsi Chamberlain a-t-il été remplacé par Churchill le 10 mai 1940, le jour où Hitler lança son armée vers l'Ouest).

L'exception française est un legs du général de Gaulle, fondateur de la Ve République. Il a voulu rompre avec l'instabilité du régime parlementaire de la IVe République (1946-1958) et instaurer une forme de monarchie républicaine, plus conforme à ses yeux à la tradition nationale.

La France, création capétienne

La France, à la différence de la plupart des grands pays européens, rassemble des communautés que rien ne prédisposait à vivre ensemble (Provençaux, Flamands, Bretons, Alsaciens, Corses, Basques...). La soumission à la dynastie capétienne est le ciment qui a permis de bâtir cette nation improbable. La Révolution de 1789 a parachevé le travail.

Le système monarchique faisait du roi un arbitre au-dessus des clans. Son autorité était limitée par les coutumes, les corps intermédiaires et le respect des préceptes divins... Aucun monarque ne s'est par exemple permis d'exécuter quiconque sans jugement (sauf rares exceptions : assassinats de Jean sans Peur et Henri de Guise).

Le principe d'hérédité assurait des successions en douceur et chaque fois qu'il a été contesté, il s'en est suivi des troubles gravissimes.

Ainsi avec le traité de Troyes (1420) consécutif à la défaite d'Azincourt et surtout avec la régence de Catherine de Médicis... La France, bien qu'alors prospère, a été victime de l'affrontement entre une faction d'ultra-catholiques, poussée au meurtre par les ambitieux ducs de Guise, et la minorité protestante, conduite par quelques bourgeois et nobles désireux de constituer une fédération de républiques urbaines, austère et moralisante, sur le modèle de Genève ou des Provinces-Unies. Après trente ans de troubles, la concorde a pu être rétablie grâce à l'habileté politique et à l'esprit de tolérance de l'héritier légitime, le roi de Navarre, futur Henri IV.

Aujourd'hui, la République française est loin de tout cela. Il n'empêche que le choix du prochain président est aussi déterminant pour son avenir que pouvait l'être l'avènement d'un nouveau Capétien. C'est en effet un roi sans couronne qu'elle va porter à sa tête pendant cinq ans au moins...

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2023-03-28 08:12:44
babilema (26-09-2007 03:42:13)

le président de la république est élu au sufrage universel. Par conséquent, qu'il plaise ou non, il doit démocratiquement être accepté par tous. Tous ceux qui, par incompétence, orgueil de mÃ... Lire la suite

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