Mai 2006

Les Français s'empêtrent dans le différend turco-arménien

Les élus français préparent une loi de circonstance pour pénaliser la négation du génocide arménien de 1915. Gros ennuis en perspective.
Comme si le pays, plongé dans la plus grave crise de régime depuis la naissance de la Ve République et réduit à faire de la figuration sur le plan international, pouvait se permettre ce genre de bêtise ?!
[voir : La France malade de son Histoire]

Il y a six mois, une pétition signée par dix-neuf des principaux historiens et intellectuels français dénonçait la mainmise des politiciens sur l'Histoire à travers une série de lois « mémorielles » mettant en cause la liberté des chercheurs et plus gravement encore la liberté de pensée de tout un chacun.

Calculs électoraux

On pouvait croire au retour à la raison après le retrait de la plainte d'une association antillaise contre un honorable historien accusé de « négationnisme ». Au lieu de cela, voilà que des députés s'apprêtent à présenter le 18 mai, lors de la prochaine séance d'initiative parlementaire, une proposition de loi visant à pénaliser toute forme de contestation du génocide arménien de 1915.

La loi est réclamée par des parlementaires des deux bords et non des moindres: parmi eux, François Hollande, secrétaire général du parti socialiste, et les amis de Nicolas Sarkozy, qui lorgnent sur le vote des petits-fils des rescapés du génocide arménien !

Leur motivation officielle tient à quelques profanations de mémoriaux arméniens, vraisemblablement commises par des personnes d'origine turque. On se doute que la nouvelle loi, si elle est votée, n'aidera en rien à l'arrestation et à la sanction des profanateurs (il existe déjà des lois contre la dégradation des bâtiments publics que l'on n'applique pas; pourquoi en irait-il autrement de celle-ci ?).

Dégâts collatéraux

On mesure les dégâts que cette loi peut causer à la liberté d'expression, à la cohésion nationale et à la diplomatie, déjà fort mal en point dans une Ve République moribonde.

– Les chercheurs qui analysent les documents relatifs au massacre des Arméniens sont avertis qu'ils doivent de toute façon aboutir à la conclusion que ledit massacre relève de la catégorie très étroite des génocides sous peine de sanctions pénales (amende ? prison ?).

– L'immigration turque, qui est l'une des plus rétives à l'intégration (très forte endogamie, mauvais résultats scolaires...) se voit encore plus stigmatisée.

– La République turque, fondée par Moustafa Kémal sur des bases ultranationalistes, voire raciales, ne peut se reconnaître coupable d'un génocide sauf à se renier. Autant dire que le comportement de la France, qui n'a pas d'équivalent dans le monde, relève pour elle du casus belli. On peut craindre des représailles sévères de caractère diplomatique ou économique, qui s'ajouteraient aux récents échecs de la diplomatie chiraquienne (perte des Jeux Olympiques de 2012, perte d'un contrat juteux en Arabie séoudite...).

On apprécie au passage l'incohérence, pour ne pas dire plus, de nos hommes politiques qui ont presque tous plaidé pour l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne malgré ses positions à l'opposé des valeurs occidentales (pénalisation de l'athéisme et de la liberté sexuelle, nationalisme farouche...).

Dans le même temps, ils se la mettent à dos pour une affaire qui ne devrait relever que des historiens comme le rappelle avec bon sens le président du Parlement turc. Et celui-ci d'ajouter à l'attentionde son homologue français que que la France, « qui joue un rôle éminent pour étendre les droits de l'homme dans le monde », ne devrait pas voter une loi « limitant la liberté de pensée » !

PS : le vote prévu le 18 mai sera finalement repoussé sine die sur injonction du gouvernement par égard pour legouvernement turc.

Publié ou mis à jour le : 2019-04-28 17:05:55
Louise Kiffer (17-09-2006 12:37:01)

A partir du moment où la France a reconnu le génocide arménien légalement, il est
tout à fait logique qu'elle condamne ceux qui écrivent: "il n'y a jamais eu de
génocide" ou bien qui racontent des mensonges sur des sites analogues aux
sites arméniens, en retournant les faits. La preuve, c'est que les négateurs
du génocide juif sont condamnés. Nous aussi nous avons des milliers de récits
du génocide et des atrocités qui ont été commises.

Isa (17-08-2006 20:13:52)

Lemkin lui-même dans divers documents parle de génocide. Ou alors il faut remettre à plat la définition que l'on donne au mot génocide.
En quoi le fait de légiférer sur le négationnisme du génocide arménien peut-il empêcher le travail des historiens. L'appel "des 19" fut repris par tous les médias, dommage que les écrits d'autres historiens aussi prestigieux eurent moins de publicité (pour Lemkin voir : http://www.yevrobatsi.org/st/item.php?r=10&id=1128

extrait d'un courrier : "Nous tenons donc à rappeler avec force que la connaissance scientifique de l'histoire et l'évaluation politique du passé sont deux démarches nécessaires dans une société démocratique, mais qu'elles ne peuvent pas être confondues. Il n'appartient pas aux historiens de régenter la mémoire collective. Par ailleurs, la « liberté de l'histoire » ne se limite nullement à la question du rapport à la loi. Nous devons nous interroger aussi sur les relations que les historiens entretiennent avec le journalisme, avec le monde associatif et la classe politique. La mission que le chef de l'Etat a confiée au Président de l'Assemblée nationale « pour évaluer l'action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l'histoire » est l'occasion d'ouvrir une vaste réflexion sur toutes les dimensions de cette « liberté de l'histoire ». Ce débat ne doit pas être monopolisé par quelques personnalités académiques ou médiatiques car personne n'est habilité dans ce pays à parler au nom de tous les historiens. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un « Comité de vigilance sur les usages publics de l'histoire » qui rassemble déjà un grand nombre d'enseignants et de chercheurs, animés par le souci de défendre l'autonomie de l'histoire et désireux de participer à la réflexion collective sur les usages du passé dans le monde d'aujourd'hui."
signataires :
Michel Giraud (CNRS)
Gérard Noiriel (EHESS)
Nicolas Offenstadt (Université de Paris 1)
Michèle Riot-Sarcey (Université de Paris VIII)

taline (03-08-2006 19:18:02)

Aujourd'hui, il n'est plus question pour les histoiriens de reconnaître la rélalité du géncie arménien car cette réalité a déja été prouvé..Aujourd'hui il est question pour TOUS les françcais de faire un travail de mémoire en ce qui concerne le génocide arménien! Alor arrêtez de dire que le génocide arménien n'est pas l'affaire des français et que celle de la vendée l'est!! Alors il ne faudrait plus que s'occuper des crimes commis sur le territoire national??!! Dans ce cas là peu nous importe les événements qu'il se passent dans le monde entier , du moment que cela n'atteint pas "phyqiquemennt" ces malheureux français éttoufé d'égoisme!! Eh bien voilà, vous nous montrez la une belle facette de la France!!

Pascal Nicolaïdès (12-06-2006 09:16:20)

Il y a aussi le problème du "génocide culturel" des Arméniens : pourquoi la Turquie s'acharne-t-elle sur les monuments historiques des Arméniens, pourquoi l'armée azérie vient-elle récemment de détruire le cimetière arménien de Nor-Djoufa ? Pourquoi les guides touristiques ne mentionnent-ils pas la civilisation arménienne, contemporaine des empires romains et byzantins- et donc bien antérieure à l'arrivée des Turcs Sedjoukides en Asie Mineure ( Yérévan est aussi vieille que Rome !)? Pourquoi, aux dires d'archéologues suisses rencontrés en Turquie, l'UNESCO ne fait-elle rien pour la protection de ces monuments antiques ? Pourquoi l'Etat turc se donne-t-il, dans ses manuels d'histoire les Hittites pour ancêtres au mépris de toutes les recherches scientifiques ? Il lui faut éradiquer toutes traces de la présence millénaire de l'Arménie historique sur son sol. Est-ce-que si l'on ment UNE FOIS sur son propre passé, on ne serait pas capable de recommencer pour 1915 ? Voilà aussi une autre forme du génocide des Arméniens!!!

Pascal Nicolaïdès (18-05-2006 17:11:19)

Comme il était à prévoir, l'Assemblée nationale a suspendu le débat sur le négationnisme du Génocide arménien pour ne pas "adresser un geste inamical à la Turquie"( Douste-Blazy dixit). Encore une fois les intérêts économiques passeront avant la prise de conscience. Que l'on puisse affirmer sans rire, que le nombre de victimes arméniennes ne s'élèverait qu'à 500 000
voire 300 000 me laisse pantois! Regardez la carte de la région, la taille de l'Arménie qui subit toujours un blocus de la part de son voisin, son nombre d'habitants et dites-moi qui est le plus fort? Au fait n'oubliez pas que la pseudo-tolérance religieuse ottomane prévoyait également le"devchirmé", rapt des garçons chrétiens que l'on islamisait dans le rang des Janissaires, et les conversions forcées de nombreux Arméniens pendant la 1ère Guerre Mondiale. Que dire d'un pays qui réclame chez nous des mosquées et qui interdit le libre culte de ses minorités?

Pascal Nicolaïdès (18-05-2006 14:35:15)

Je suis Français comme Raphael, et comme lui je déplore les massacres de Vendée, des Indiens d'Amérique, et TOUS les autres! Mais si, celà concerne bien les "Français de souche" également car la France est le pays de la Liberté, et, en tant que telle se doit d'ëtre le phare des Nations : les crimes contre l'Humanité concernent TOUT LE MONDE. Heureusement qu'il y eut Jaurès, Anatole France et d'autres personnages éminents pour dénoncer ces atrocités- ou alors , disons franchement que l'on ne veut pas froisser la Turquie d'aujourd'hui, et sacrifier les Droits de l'Homme au Commerce internationnal.

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