Cachez ce Napoléon que je ne saurais voir ! La République française tourne le dos au plus célèbre des Français, accusé de tous les maux.
Austerlitz, 2 décembre 1805 : « Soldats, (...) il vous suffira de dire : j'étais à la bataille d'Austerlitz pour que l'on vous réponde : voilà un brave ! » (Napoléon Ier).
Le président Jacques Chirac et le gouvernement français ont boudé le bicentenaire du plus illustre fait d'armes de l'Histoire de France. Même le Premier ministre Dominique de Villepin, biographe passionné de l'Empereur, s'est refusé à tout geste public.
La raison de cette défausse ? Un huluberlu a publié un pamphlet, Le crime de Napoléon, dans lequel, page après page, il présente l'Empereur comme le premier dictateur « raciste » de l'Histoire, auteur d'un « génocide » contre les Noirs antillais et dont l'action aurait inspiré Hitler !
Pourquoi pas, même si ces affirmations ne reposent sur rien que l'on ne sache déjà depuis le pamphlet antinapoléonien de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe) ? Dans un régime démocratique, chacun a le droit de dire et écrire à peu près n'importe quoi. Mais on est en droit de s'inquiéter quand les dirigeants du pays se couchent devant des imprécateurs qui ne mériteraient que d'être ignorés.
Quelques semaines après la célébration joyeuse de Trafalgar par les Anglais, le contraste est détonant...
Sur le champ de bataille, en République tchèque, 30 000 passionnés de toute l'Europe ont néanmoins tenu à commémorer l'événement avec reconstitutions pacifiques des manoeuvres et des combats en costumes d'époque.
C'est que la grandeur d'Austerlitz ne saurait être réduite à la personnalité ambivalente de l'Empereur des Français. Elle tient aussi à la formidable mobilisation du peuple français, confronté à une coalition européenne. Il ne faut donc pas s'étonner que la notoriété de la bataille dépasse largement les frontières de l'hexagone. Austerlitz a pris valeur de mythe au point de faire oublier les victimes réelles.
Regrettons qu'après les pénibles émeutes du mois passé, l'on n'ait pas saisi le prétexte de cette commémoration pour rassembler les Français autour de grandes festivités et rappeler à chacun la grandeur de l'Histoire nationale et les grandes actions dont le peuple est capable quand il est uni.
Disons-le sans fard : quelles autres nations peuvent se flatter d'offrir à leurs ressortissants une langue qui fut celle de Molière, La Fontaine, Rousseau, Hugo et Pasteur, et un patrimoine qui inclut les cathédrales, Versailles et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ? Ces Lumières qui contribuent à faire aimer la France dans le monde entier, comment se peut-il que nous mettions tant de constance à les éteindre ?
Le point de vue de l'historien Pierre Nora : Plaidoyer pour les « indigènes » d'Austerlitz
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Julio de Just (18-10-2006 09:14:26)
Je rejoins totalement l'analyse d'André Larané. Je voudrais ajouter qu'étant d'origine espagnole (je suis entré en France à l'âge de six ans, en 1939), j'ai le culte de la France. Que la France ait commis des erreurs et même des crimes, c'est vrai. Mais beaucoup moins que les autres pays occidentaux. Et c'est la France qui est le pays de la Liberté, l'Egalité et la Fraternité. Je dis souvent: ma mère c'est l'Espagne, mon père c'est la France. Et je n'aime pas qu'on y touche, surtout injustement, aveuglement. Julio de Just