Voici, avec Histoire des États-Unis contemporains (André Versaille éditeur, octobre 2008, 990 pages, 34,90 euros), une somme bienvenue qui raconte la transformation d'une nation agraire en superpuissance industrielle et financière.
Comment les États-Unis d'Amérique sont-ils passés d'une nation agraire peu peuplée au pays des affaires reines, «avant-poste de la révolution cybernétique et de la civilisation post-industrielle» ? C'est cette métamorphose que Pierre Melandri, spécialiste des États-Unis et des relations internationales, raconte dans ce livre de près de 1000 pages, Histoire des États-Unis contemporains.
Il fait débuter en 1865, au lendemain de la Guerre de Sécession, ce grand choc entre un Sud aristocratique et rural et un Nord-Est à la puissance économique et commerciale déjà bien assise.
Après la défaite du sud confédéré, les États-Unis entrent dans une phase d'industrialisation, d'urbanisation et de constitution de grandes entreprises, facilitée par la disparition de la Frontière.
Pour Pierre Melandri, la puissance américaine contemporaine naît au cours de ce dernier tiers du XIXe siècle, pendant lequel l'Amérique originelle, nation de fermiers pionniers, est éclipsée par l'affairisme et la concentration financière. De nouvelles valeurs émergent au moment où les gratte-ciels sortent de terre à Chicago ou à New York : «L'individualisme cher au cœur des pionniers ne parvient plus à se reconnaître dans l'Évangile de la richesse».
En mêlant analyse sociologique, économique, culturelle, institutionnelle et des relations des Américains avec leur système politique, l'auteur met habilement en lumière les ruptures et les éléments de continuité -comme le retour périodique de gouvernements d'hommes d'affaires- de ce siècle et demi d'histoire américaine.
Il explique comme les deux grands partis, démocrate et républicain, se sont construits sur des «clientèles» différentes. Le parti démocrate, parti de ralliement du vieux sud blanc, attire ainsi progressivement les votes des ouvriers et des nouvelles vagues d'immigrants, à partir du tournant industriel de la fin du XIXe siècle. Couvrant la période contemporaine jusqu'au second président Bush, son livre fournit de nombreuses clés pour comprendre l'élection de novembre 2008.
Ne cédant pas à la tentation de raconter les relations des États-Unis avec le reste du monde en suivant une pente européocentrique, l'auteur consacre d'intéressantes analyses à leur rôle sur le continent américain et dans le Pacifique. Il relativise par exemple l'isolationnisme prêté aux États-Unis dans l'entre-deux-guerres, qui concerne surtout les affaires européennes, alors que l'interventionnisme en Amérique latine et centrale faiblit à peine. La passion de l'auteur pour les relations internationales, expliquée avec une clarté remarquable, est sensible dans ces pages.
Le livre se clôt sur l'idée que les Américains ont pris le risque «d'émousser leur arme la plus puissante dans la guerre contre un terrorisme qu'il ont eux-mêmes choisi d'assimiler à la menace totalitaire : leur attachement historique à la défense et à la promotion des grandes libertés au nom desquelles leur nation avait été créée». Un rappel utile dans un livre de référence.
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