Mai 2005

Désarroi français

Sacré mois de mai ! Cafouillage du Lundi de Pentecôte (chômé ou non chômé ?), fiasco de la fondation d'art moderne de Français Pinault, référendum sur le traité européen...

On n'a jamais autant parlé en France de la Pentecôte qu'en cette année 2005 et jamais l'Esprit Saint n'en a été aussi absent;-) À preuve l'invraisemblable cafouillage de la suppression du jour chômé du Lundi de Pentecôte. Le gouvernement en escompte un surplus de production et veut taxer celui-ci pour financer l'aide aux personnes âgées ou handicapées.

Cette mesure dite de « solidarité nationale » fait suite à la canicule meurtrière d'août 2003. Décidée sous le coup de l'émotion, elle présente au moins trois incohérences qui expliquent son rejet massif par les citoyens malgré les exhortations moralisantes des organes de communication :
• Elle fait l'impasse sur les causes du drame (suffit-il de donner davantage d'argent aux gestionnaires de maisons de retraite pour régler le problème ?).
• Elle se fonde sur un concept ricardo-marxien (la « valeur-travail ») d'après lequel un allongement autoritaire de la durée de travail déboucherait sur un accroissement du produit national brut (un principe réfuté par la théorie et la pratique).
• Elle oublie que la « solidarité nationale », dans les démocraties modernes, passe par l'impôt et non plus par les prestations en nature ou « corvées » comme sous l'Ancien Régime, ainsi que le notent des syndicalistes.

Des dirigeants à la peine

La comparaison avec l'Ancien Régime et le XVIIIe siècle me paraît opportune au vu des commentaires officiels.

Qu'il s'agisse du rejet par les citoyens de la journée de « solidarité nationale » ou des sondages qui donnent le Oui et le Non au coude à coude dans le référendum du 29 mai sur le traité constitutionnel européen, les voix autorisées de l'État et des médias fustigent à qui mieux mieux le peuple égoïste, étroit d'esprit, ignorant et ingrat.

L'ironie et le talent en moins, c'est le retour de Voltaire, méprisant envers les «gueux», obséquieux envers les puissants, implacable avec les adversaires. Le peuple mérite-t-il d'être ainsi accablé ? La classe politique est-elle seulement coupable de manquer de pédagogie ?... L'actualité du mois de mai est sur ces points riche d'enseignements.

Pingrerie et gesticulations

On a ainsi eu droit au fiasco du projet de fondation d'art moderne de Boulogne, près de Paris. Ce projet d'une ampleur comparable à la fondation Guggenheim de Bilbao était en soi aussi important pour l'image de Paris que les Jeux Olympiques de 2012, s'ils ont lieu comme on l'espère dans la capitale. Son initiateur, le milliardaire François Pinault, réputé pour être l'un des principaux collectionneurs du monde, y a renoncé en raison des pesanteurs administratives et politiques. Il dispersera donc sa collection à Venise et Berlin.

Toute la classe politique porte une part de responsabilité dans ce fiasco ; du chef de l'État, ami personnel de François Pinault, au maire de Boulogne, sans parler des ministres de la Culture et des administrations concernées (note). Mais, diront certains, qu'importe que Paris et la France soient largués en matière culturelle ! Il nous reste la Nuit des Musées et dans quelques semaines la Fête de la Musique, en attendant la Nuit Blanche et quelques autres manifestations cache-misère que nous préparent nos édiles.

On pérore sur l'« exception culturelle » française et l'on annonce chaque année à grand renfort de trompettes une nouvelle augmentation du budget de la Culture... C'est donc que tout va pour le mieux !

Très certainement prépare-t-on une énième loi sur le mécénat pour gommer le fiasco Pinault... De la même façon que ce mois-ci, on a mis en chantier une énième loi sur l'immigration clandestine, un énième plan de cohésion sociale, une énième loi sur l'égalité professionnelle des hommes et des femmes...

Médias déconfits

Comble de malchance, nos ennemis préférés, les Britanniques, ont offert en ce mois de mai un troisième mandat à leur Premier ministre Tony Blair.

Nos grands journaux, qui présentaient celui-ci depuis plusieurs années comme un ultralibéral malfaisant, restent imperméables au doute. Il est vrai qu'ils n'ont pas davantage été affectés par leur aveuglement au moment de la canicule de 2003.

Concernant le traité constitutionnel européen, ils sont catégoriques sur ses vertus comme les dirigeants français eux-mêmes. La principale caractéristique de ce texte est d'huiler les rouages des institutions européennes afin d'amplifier la politique poursuivie depuis plusieurs années déjà à Bruxelles. Ainsi reprend-il les traités existants en les assortissant d'un vote à la « majorité qualifiée », plus souple que l'actuel vote à l'unanimité.

On peut concevoir que les citoyens, qui manifestent leur désarroi en ce lundi de Pentecôte, se montrent peu enthousiastes quant à cette perspective et dubitatifs sur la crédibilité de ceux qui la promeuvent.

André Larané
Mensonges et médias, retour sur une mystification

Qui ne connaît Golias ? Chaque fois qu'il est question de l'Église catholique (agonie de Jean-Paul II, élection de Benoît XVI...), les grands médias comme France Inter, Arte, Libération ou Le Figaro, ne manquent pas de tendre le micro à l'ineffable Christian Terras, présenté comme « rédacteur en chef de la revue lyonnaise Golias et porte-parole des chrétiens progressistes ». Trois semaines avant le conclave, celui-ci, qui prétendait avoir des informateurs bien placés au Vatican, énumérait la dizaine de cardinaux susceptibles de succéder à Jean-Paul II. Un absent de poids : Joseph Ratzinger !

Voilà donc l'éminent spécialiste des affaires catholiques auquel se réfère notre bonne presse. Mais de qui ce quidam tient-il son titre ? En quoi est-il représentatif d'un quelconque mouvement d'opinion ? Est-il même croyant ? Combien de lecteurs compte sa maison d'édition ?... Sur tous ces points, les journalistes s'en tiennent aux allégations de Christian Terras lui-même sans s'attarder à les vérifier d'une façon ou d'une autre. Aucun, et pour cause, n'a vu en kiosque la revue Golias.

Avec Golias, nous avons affaire à une incroyable mystification par laquelle un individu à peu près isolé arrive à berner depuis plusieurs années la presse française. Pourquoi le premier quidam venu peut-il ainsi manipuler des journalistes du service public et de la grande presse en dépit de toutes les règles de déontologie ? C'est qu'il apporte à ces journalistes l'information qu'ils veulent entendre : une critique de l'Église catholique assénée par quelqu'un qui se prétend issu de ses rangs. Si vous accusez une personne en précisant qu'elle est votre pire ennemie, vous ôtez tout crédit à votre propos mais si vous la présentez comme une amie très chère qui vous a déçu, alors, on vous écoutera... Ainsi fonctionne Golias...

Publié ou mis à jour le : 2019-04-24 16:02:33
1manchot (24-04-2019 14:39:35)

Je tombe, par hasard, aujourd'hui 24 avril 2019, sur ce papier de 2005. J'y admire la constance d'A. Larrané dans sa critique de l'Europe. Et sa diatribe contre Golias et C. Terras prouve sa grande lucidité: l'Église catholique reste une "société parfaite" qui ne doit être soumise à aucune critique.

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