Février 2004. La France ne sait plus où elle en est avec le voile islamique. Le débat ne se poserait pas et les jeunes immigrés seraient moins nombreux à rejoindre les islamistes si les Français arrivaient à exprimer l'amour de leur pays et de sa culture. Mais à force de mentir sur l'histoire de leur pays, par ignorance ou par sottise, les élites découragent les jeunes immigrés d'aimer la France et font en sorte de les maintenir dans leur ghetto...
Qui l'eût cru ? La France sens dessus dessous à cause de quelques milliers d'adolescentes en quête de racines. Faut-il avoir peur des collégiennes voilées ? Deux pays seulement, en Europe, ont entrepris de légiférer sur cette menace présumée. Faut-il s'en étonner? Ce sont les deux pays qui éprouvent les plus grands doutes sur leur identité et leur Histoire: l'Allemagne et la France. L'Allemagne ? Chacun peut le comprendre.
La France ? Pierre Birnbaum a rappelé dans La France imaginée que cette nation est le fruit d'une volonté politique, celle des rois capétiens. Elle ne découle d'aucune évidence tant géographique que culturelle. La France n'existe que par l'attachement de ses habitants à ses racines, à toutes ses racines, politiques, culturelles, religieuses...
Mais alors pourquoi nos élites ont-elles tant de mal à prononcer le mot « France » ? Pourquoi n'en pincent-elles que pour les « valeurs de la république » ? Croient-elles que l'on tombe amoureux d'une Constitution ou d'une loi de « séparation des Églises et de l'État », mal appliquée au demeurant ?
On connaît beaucoup de héros morts en criant « Vive la France ! » mais aucun dont les derniers mots aient été pour la « République »...
Étranges valeurs
C'est que les « valeurs de la république » qui nous sont chères ne sont guère différentes des principes démocratiques qui ont cours au Royaume-Uni ou dans les monarchies belge et espagnole. Ces principes démocratiques puisent leur inspiration dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen votée le 26 août 1789 - sous le règne de Louis XVI - et dans la démocratie parlementaire - introduite en France par le roi Louis XVIII en 1815 -.
N'exagérons pas les apports des différents régimes républicains.
• La Première République (1792-1804) ? Elle nous a surtout laissé le souvenir de la guillotine, des massacres de Vendée et des guerres de conquête !
• La Seconde République (1848-1852) ? Elle massacra le peuple par milliers en juin 1848 comme jamais aucun roi ne s'y était hasardé auparavant.
• Le bilan de la Troisième République (1870-1940) est le plus éloquent : liquidation de la Commune, asservissement des Algériens et des Noirs en vertu de la supériorité de la civilisation des Lumières, boucherie de 1914-1918, ignominie de Munich... Et dans le domaine social, la République française a attendu 1936 pour rattraper son retard sur son grand voisin d'outre-Rhin.
Grandeur de la France
Heureusement, la France que nous aimons ne se réduit pas à une abstraction républicaine.
La France prend racine dans les ténèbres du Moyen Âge, quand des abbés et des rois ont assagi les guerriers. La laïcité, la liberté individuelle, l'égalité de droits entre l'homme et la femme, sont des principes qui ont émergé en cette lointaine époque avant de s'imposer au XIXe siècle. La pacification des relations humaines et l' arrêt des invasions, aux alentours de l' An Mil, ont aussi permis d'amorcer le développement social, économique et technique de la France et de l'Europe occidentale.
Quoi qu'en disent certains dirigeants politiques, c'est sur la base de cet héritage médiéval et chrétien que l'Europe s'est construite, avec ses ombres et ses lumières.
Quand l'Europe n'était qu'anarchie et barbarie, ses différentes composantes ont appris non sans difficulté à vivre ensemble. Noblesse, clergé, communautés paysannes, guildes marchandes, états généraux et parlements ont peu à peu renoncé à s'imposer les uns aux autres. Pouvoirs et contre-pouvoirs ont donné corps à une démocratie représentative à l'échelle des États, qui n'avait plus rien à voir avec la démocratie directe à l'échelle d'un village ou d'une cité, fondée sur l'assemblée des hommes libres.
Cette démocratie du compromis s'est épanouie en Angleterre. Mais elle a eu plus de mal à s'imposer en France, où les corps intermédiaires et les contre-pouvoirs étaient plus faibles que chez sa voisine d'outre-Manche, ainsi que l'a observé Alexis de Tocqueville.
Depuis le début des Temps modernes, les penseurs français ont balancé entre la démocratie réelle, à l'anglaise, et l'illusion d'un gouvernement parfait. Ainsi les philosophes du XVIIIe siècle se laissaient-ils séduire par les despotes «éclairés» d'Europe centrale tout comme les intellectuels du XXe siècle étaient aveuglés par les idéologies totalitaires de Moscou, Berlin ou Pékin. Ces liaisons troubles peuvent expliquer les errements du passé ( colonialisme, intolérance antireligieuse, chauvinisme, répression des classes ouvrières, corruption...).
Aujourd'hui, la France s'est enfin donné des institutions démocratiques stables, sous une forme républicaine. Ce choix devrait nous encourager à plus de sérénité. Ne craignons donc plus d'aimer et faire aimer la France sous toutes ses facettes, depuis Hugues Capet et pas seulement depuis la Révolution.
C'est cette France-là qui fait rêver nos enfants et tous les Français, y compris ceux d'ascendance étrangère...
Cette France de chair est belle de toutes ses qualités et de tous ses défauts, de ses conteurs (La Fontaine) et de ses pamphlétaires (Céline), de ses cathédrales et de ses arcs de triomphe, de ses humanistes (Montaigne) et de ses penseurs (Tocqueville), de ses génies ( Pasteur, Hugo) et de ses conquérants (Napoléon), de ses saints ( Vincent de Paul) et de ses politiques (Richelieu), de ses héros (D'Estienne d'Orves) et même de ses traîtres (le connétable de Bourbon ou Bazaine)...
C'est elle qui offre à chacun des modèles pour l'avenir : Marie Curie, pauvre immigrée polonaise qui jamais ne s'est appesantie sur le mauvais sort fait à son pays d'origine; Alexandre Dumas, métis devenu le plus français de nos écrivains, qui jamais ne s'est posé en victime du racisme; Mazarin, ambitieux Italien qui a tracé son chemin jusqu'au sommet de l'État sans s'offusquer des moqueries des imbéciles...
Amour trompé
Il y a 20 ans, un homme politique publiait un livre à succès intitulé: L'immigration, une chance pour la France. Un titre orwellien car autant il est difficile de démontrer que l'immigration de masse actuelle profite au pays, autant il est aisé de démontrer inversement que « la France est une chance pour les immigrés » : si ça ne l'était pas, ils n'entreraient pas dans le pays !...
L'auteur, Bernard Stasi, a pu mesurer l'écart entre ses espoirs et la réalité en présidant la commission d'enquête sur le voile qui a clos ses travaux en janvier 2004.
Un processus néfaste est à l'oeuvre depuis deux décennies, qui mène à l'éclatement de la communauté nationale. Comment pourrait-il en aller autrement quand on encourage les réflexes tribaux et le différentialisme culturel (tolérance des mariages forcés, de la polygamie...) ? Que l'on se rappelle le slogan culte des années 1980 : Touche pas à mon pote ! qui faisait passer la solidarité du clan avant la justice.
On renvoie les immigrants d'Afrique du Nord ou du Moyen-Orient à leurs prétendues « racines » arabo-musulmanes, alors que ces immigrés, dans leur grande majorité, se contrefichent de l'islam et de la culture arabe, et aspirent à se fondre au plus vite dans la société française comme, avant eux, les juifs. À ces immigrants qui veulent s'enraciner dans leur pays d'adoption, on dit : « Réclamez à ce pays des droits et des aides mais ne vous hasardez pas à l'aimer car il ne le mérite pas ! ».
Et les élites de donner le mauvais exemple en pillant nos entreprises pour satisfaire leurs rêves hollywoodiens (voir Jean-Marie Messier) et en renonçant au français dans les cénacles internationaux, y compris dans l'Hexagone. Le quotidien Le Monde donne le ton avec un supplément hebdomadaire en anglais inspiré du New York Times.
Ces attitudes ne sont plus recevables si l'on veut relever les défis qui se posent à la culture française.
La manie française du déracinement ne se limite pas à la Culture mais s'étend aussi au mondedes entreprises. À preuve les changements d'appellation qui se généralisent dans les grandes entreprises depuis les années 1990, au risque de déboussoler le public et de défaire le lien entre salariés et entreprise.
BSN devient Danone, Seita: Altadis, Usinor: Arcelor, Rhône-Poulenc: Aventis, Crédit Lyonnais: CDL, CGE: Veolia, Lyonnaise des Eaux : Suez... On n'observe rien de semblable outre-Atlantique où les groupes tiennent à leur nom, aussi désuet soit-il (IBM, Coca-Cola, General Electric...
Un héritage en partage
Que l'on ne s'y trompe pas. Ce ne sont pas les « valeurs de la république » que visent les meneurs islamistes. De celles-là, ils s'accommodent car elles facilitent leur incrustation dans la société par le biais de pressions médiatiques et électorales ainsi que d'arguties juridiques.
Non, ce qu'ils visent précisément, c'est la France dans son double héritage religieux et linguistique. Dans le souci de liquider ce qui reste de cet héritage, ils traquent tous les modes d'expression religieuse (médailles chrétiennes, kippas juives...) avec la complicité des « laïcistes ».
Ils prônent au nom de la tolérance une société sans Histoire, sans identité culturelle, sans dimanches et sans clochers; une « non-nation » dont le seul facteur d'unité serait l'« ouverture aux autres ».
Les laïcistes qui prétendent à la fois dépouiller la France de sa dimension chrétienne et combattre l'intolérance islamiste me font l'effet d'un antimilitariste qui, dans les tranchées de Verdun, conspuerait l'armée française tout en tentant de repousser l'armée allemande.
Ainsi voit-on un éditeur réputé de Saint-Germain-des-Prés qui « rectifie » de son propre chef des oeuvres littéraires vieilles de plusieurs siècles pour ne pas risquer de choquer telle ou telle minorité. Les représentants de l'État, comme Nicolas Sarkozy, font le jeu des agitateurs islamistes en leur donnant le statut de représentants officiels d'une soi-disant « communauté » musulmane.
Ces derniers en profitent pour faire pression sur les immigrants coupables de trop bien s'intégrer dans la société française. Aux jeunes des quartiers en déshérence, éprouvant la difficulté de se fondre dans la nation française, ils proposent un nationalisme de substitution sous couvert de religion.
Le processus en cours est réversible. Il appartient à tous les citoyens de le renverser en aimant leur pays dans tout ce qui fait sa richesse: langue, patrimoine, religions et idéaux démocratiques.
Je souhaite en particulier que l'on propose aux enfants de ce pays, Français et immigrés, un approfondissement de notre culture, avant tout de notre langue et de notre littérature qui en sont le coeur. Ainsi, les hôtes de la France en viendront aussi à l'aimer... Et la France aura triomphé quand les lycéennes du scandale retireront leur voile pour lire La princesse de Clèves ou réciter : « Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre/ L'un d'eux, s'ennuyant au logis... ».
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Jonas (18-03-2024 08:31:39)
C'est par lâcheté et veulerie qu'une grande partie des élites depuis des décennies ont abandonné les valeurs de la France au nom du droit de l'hommiste.
Merci , pour cet article et merci pour " Notre héritage " livre que j'ai lu goulûment qui montre et démontre que la France reste la France et ses valeurs
Binnendijk (17-03-2024 20:10:40)
Cher monsieur
Merci pour cet article-cri du cœur, dont je partage le fond et la forme.
Ma seule réserve concerne l'affirmation qui suit : "On renvoie les immigrants d'Afrique du Nord ou du Moyen-Orient à leurs prétendues « racines » arabo-musulmanes, alors que ces immigrés, dans leur grande majorité, se contrefichent de l'islam et de la culture arabe, et aspirent à se fondre au plus vite dans la société française comme, avant eux, les juifs."
Ma connaissance de l'islam me fait craindre que la ouma sera toujours première dans l'esprit de ces immigrés, qui viennent chercher nos généreuses aides sociales, mais se fichent comme d'une guigne de la France dégénérée qu'ils méprisent. Renseignez vous sur la Stratégie de l'action islamique à l'extérieur du monde islamique ISESCO, accessible en ligne. Vous serez édifié.
Merci pour votre revue.
Bien cordialement
BB
sylwia (17-03-2024 19:22:20)
Ben si, le petit Joseph Bara est mort en criant Vive la République !... Une chose est vraie : les Américains et les Anglais (et beaucoup d'autres) n'ont absolument pas peur de dire qu'ils aiment leurs pays, au point que leurs drapeaux sont des motifs de décoration très répandus chez eux (et à l'étranger). Rien de tel en France où on a peur d'être nationaliste. Une espèce d'amalgame, donc, qui pourrait venir du rejet de l'overdose pétainiste ? Overdose gaulliste aussi, le Général n'ayant pas compris que sa véhémence à parler d'une France personnifiée commençait à choquer la jeunesse des années 60 ? Quant à Céline, pas de quoi être fier...
Claude Edouard (17-03-2024 18:28:59)
Excellent article. Beaucoup de petits Chinois ont lu au collège en traduction "la Dernière Classe". Bien peu de professeurs français oseraient la faire lire dans un collège en France. Pourquoi, diable, est-il interdit de faire apprendre des récitations comme autrefois: La Fontaine, Victor Hugo, Ronsard et Du Bellay? Beaucoup d'enfants d'immigrés seraient heureux de les apprendre.