19 mai 2012. Un demi-siècle après le concile Vatican II, l'Église catholique s'interroge sur son avenir en Europe où elle est devenue résiduelle...
Devant quelques centaines d'évêques et des milliers de fidèles, le pape Benoît XVI a célébré le 11 octobre 2012 le cinquantenaire du concile. Non sans une pointe d'amertume. « Les dernières décennies ont connu une désertification spirituelle. Ce que pouvait signifier une vie, un monde sans Dieu, au temps du concile, on pouvait déjà le percevoir à travers certaines pages tragiques de l'histoire, mais aujourd'hui nous le voyons malheureusement tous les jours autour de nous. C'est le vide qui s'est propagé », a estimé le pape.
De fait, l'Europe occidentale a connu, sitôt après le concile une accélération brutale d'un mouvement de déchristianisation amorcé au XIXe siècle.
L'historien Guillaume Cuchet (Comment notre monde a cessé d'être chrétien, Seuil, 2019) en attribue précisément la responsabilité au concile Vatican II qui a déstabilisé la communauté des fidèles. Il souligne : « La rupture de pente religieuse du milieu des années 1960 a pris les allures d'un krach (d'autant plus surprenant que les jeunes des années 1950, dans le milieu étudiant notamment, paraissaient plus religieux que leurs prédécesseurs). Ce krach s'est produit à la faveur de Vatican II, avant Mai 68 et la publication en juillet de la même année de la fameuse encyclique Humanae Vitae de Paul VI sur la contraception. (...)
Vatican II semble avoir été en définitive cette réforme (probablement nécessaire) qui a déclenché la révolution qu'elle prétendait éviter, comme jadis les états généraux dans la France de la fin du XVIIIe siècle ».
Les fidèles catholiques, dans leur grande majorité, ont été déboussolés et rebutés par la religiosité strictement intellectuelle revendiquée par le clergé conciliaire et par la mise en avant de l'engagement social, la tolérance ou encore la participation à la vie paroissiale - tant pis pour les personnes d'un naturel réservé ou introverti -.
Dans le même temps, ce clergé conciliaire a choisi de rejeter les aspects de la religion inaccessibles à la « raison raisonnante ». Beaucoup de prêtres, sensibles aux idées progressistes des de la gauche occidentale des années 1960, ont jeté aux orties la religion populaire.
Ils ont nié les rituels collectifs ou individuels qui faisaient lien, aussi bien le jeûne du vendredi que la confession périodique, la messe dominicale, l'abstinence de boisson avant l'eucharistie ou encore la communion solennelle, sans parler des pèlerinages, du culte marial et du culte des saints.
Ils se sont détournés de ces rituels faute de saisir les mystères de l'âme humaine et mettre en équation les liens invisibles et inconscients par lesquels ces rituels amènent les fidèles à la foi. Ils n'ont pas compris que ces rituels aidaient les fidèles à croire en Dieu ou aimer leur prochain, comment ils leur permettent de se pénétrer des préceptes chrétiens par toutes les fibres de leur être (foi, amour d'autrui dans ses différences, respect de la femme, maîtrise de la force...).
Priver les fidèles de ces rites, c'est condamner les préceptes chrétiens à se dessécher et mourir, comme de couper des fleurs et les détacher de leurs racines pour en faire des bouquets. Le résultat, c'est aujourd'hui la banalisation de la pornographie, du divorce, de l'avortement, de l'aide au suicide, etc., en totale opposition avec les fondements du catholicisme.
C'est dans les milieux bourgeois, des adolescents livrés aux vices de l'argent, de la drogue et du consumérisme ; dans les milieux populaires, des jeunes qui cherchent un cadre auquel se raccrocher et en viennent à s'imposer de faire ramadan comme leurs copains musulmans.
Cela dit, il importe de relever aussi l'excellente santé de l'Église au-delà de l'Europe, en dépit de persécutions et de violences plus grandes que jamais. Mais sans doute cela n'est-il pas sans rapport avec l'attachement des fidèles et des prêtres d'Afrique et d'Asie aux rituels et à la religion populaire...
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