10 octobre 2007

De l'Exposition coloniale à la Cité de l'Immigration

Le 10 octobre 2007 est inaugurée à Paris, près du bois de Vincennes, une Cité de l'Immigration, en lieu et place du musée des arts africains et océaniens.
Dernier vestige de l'Exposition coloniale de 1931, ce musée avait normalement vocation à devenir un musée et un centre d'études de l'Histoire coloniale de la France. Un tel musée serait plus que jamais nécessaire pour mettre un terme à la guerre des mémoires entre nostalgiques et pourfendeurs des colonies...
Jean-Paul Gourévitch, spécialiste de l'Afrique et de l'immigration, enseignant à l'université Paris XII, nous livre son point de vue sur la genèse et les objectifs de la Cité de l'immigration.

Après plus de vingt années de débats et de recherches, et avec six mois de retard sur le planning prévu, la Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration (CNHI) ouvre ses portes à partir du 10 octobre 2007 au Palais de la Porte Dorée, 293 avenue Daumesnil, dans le 12e arrondissement de Paris avec l'exposition permanente Repères.

Depuis que ce projet imaginé dès 1985, étudié puis abandonné par l'équipe Jospin, a été mis sur les rails par l'équipe Raffarin-Chirac en 2003, les polémiques n'ont pas manqué sur ses fonctions, son statut, la clientèle visée et même son logo.

Parmi les dernières péripéties, la démission en mai 2007 de 8 chercheurs de leurs fonctions officielles dans les instantes de la CNHI pour protester contre la création d'un « Ministère de l'immigration et de l'identité nationale ».

Défis politiques

Aujourd'hui, la cité de l'Immigration a un conseil d'administration présidé par Jean-François Roverato, un Conseil d'orientation présidé par Jacques Toubon qui fut à l'origine de sa création et une directrice générale, Patricia Sitruk.

Si le principe d'un centre valorisant la place de l'immigration dans la constitution de l'identité nationale est aujourd'hui à peu près admis dans une France dont plus d'un quart des habitants ont au moins un ascendant étranger, cette cité doit répondre à de nombreux défis, souvent plus politiques qu'artistiques.

Au-delà des convulsions de l'actualité, on peut citer :

La dialectique entre histoire et mémoire. Les témoignages sont naturellement subjectifs, encore plus quand ils proviennent de communautés soucieuses d'affirmer leur « vérité » et qui ont passé les émotions individuelles au tamis de la mémoire collective. Comment le regard distancié des historiens peut-il s'accommoder des perceptions de ceux qui ont vécu et souffert de ces migrations ?

Les rapports avec les pays d'origine. Même si le centre est une vitrine de la France, la migration est un processus d'échange et de mobilité. Les immigrants ne peuvent pas être étudiés seulement au moment où ils mettent le pied sur le sol français. Les relations avec les pays d'origine, l'histoire de ces pays et les raisons qui ont poussé les immigrés à les quitter seront nécessairement au cœur de la problématique et des produits réalisés par ce centre et destinés à l'exportation

La mesure des résistances à l'immigration. Les résistances aux migrations sont un fait de société qui a des implications religieuses, culturelles, économiques, démographiques et sociales. Une présentation des adversaires de l'immigration qui les réduirait à des phantasmes affaiblirait la fonction de référence du centre et le transformerait en outil de propagande politique et non de valorisation d'une communauté nationale plurielle.

La numérisation des documents constitutifs de l'immigration légale (carte de séjour, demande de naturalisation) et, abordons ce dossier explosif, des contrefaçons de ces documents alors que le commerce des faux papiers est une activité en plein essor de part et d'autre de la Méditerranée, en Europe de l'Est et du Sud-Est.

La muséification. Le choix du terme « cité », avec ses connotations sociales et environnementales, en place du terme « musée » n'est pas innocent. Il marque l'interaction des partenaires et de la population et la prédominance de l'échange et de la rencontre sur la présentation de documents. Mais toute histoire tend à se fossiliser dès qu'elle est mise en panneaux, sous vitrines ou sur écrans.

L'instrumentalisation. Adosser ce centre à un forum des associations et prévoir des colloques scientifiques, des manifestations, des expositions, des produits éditoriaux et audiovisuels est une garantie de représentativité et d'activité, sous réserve que ce ne soit pas confisqué par un lobby qui imposerait sa vision de l'immigration.

En attendant, ne manquons pas l'occasion d'aller visiter ce lieu qui veut changer le regard des Français (et des étrangers) sur l'immigration et, on l'espère, contribuer à la transparence et à la démocratisation de l'information dans un domaine sensible et qui nous concerne tous.

Jean-Paul Gourévitch
Publié ou mis à jour le : 2023-10-18 14:20:42

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