25 avril 2023. La « légende noire » (leyenda negra) née dans l’Amérique anglo-saxonne, raciste et ségrégationniste, fait son grand retour en Amérique latine, le continent par excellence du métissage. Comme dans le reste de l'Occident, les blancs (ici les Espagnols) s'y voient accusés des pires méfaits au nom de la cancel culture et à l'encontre de la vérité historique…
Lors du dernier Congrès international de la langue espagnole (Cadix, 27-30 mars 2023), deux orateurs, un Argentin et un Mexicain, journalistes et écrivains, ont proposé de changer le nom de la langue espagnole au motif qu'il est parlé dans plus de vingt pays et que la langue espagnole, qui est à proprement parler le « castillan », serait une langue coloniale imposée « par le sang et le feu ».
Dans de nombreuses villes des États-Unis, le Columbus Day ou « Jour de Colomb » était célébré chaque année le deuxième lundi d'octobre à l'initiative des communautés italiennes : c'était pour elles une source de fierté qu'un Génois - Christophe Colomb - ait été le premier Européen à fouler le sol américain le 12 octobre 1492. Mais en 2017, cette célébration a été annulée dans certaines villes comme Los Angeles.
En Argentine aussi, l'iconoclasme anti-hispanique a conduit en 2014, sous la présidence de Cristina Kirchner, au déplacement du monument érigé en hommage à Christophe Colomb devant la Casa Rosada, siège du gouvernement national. Cet ensemble de sculptures était un don de la communauté italienne.
Ce changement soudain de perspective vient de la montée des revendications identitaires et de la nouvelle sensibilité woke.
Main dans la main avec le mouvement afro-américain Black Lives Matter, qui a gagné en force à partir de 2014, le wokisme a émergé aux États-Unis, de l'anglais woke ou awake, c'est-à-dire « éveillé » et lucide sur les injustices sociales, les discriminations et le racisme. Il s'est concentré sur la détection des préjugés cachés ou innés : par exemple, le blanc naît privilégié à cause de sa couleur de peau et s'il ne l'avoue pas, c'est qu'il est raciste ; un homme qui a des gestes chevaleresques ou courtois envers une femme se rend coupable d’une forme de machisme. Et ainsi de suite.
L'autre leitmotiv du wokisme est l'exigence de repentir et une demande de pardon pour les crimes commis dans le passé. Sans se soucier de tomber dans l'anachronisme, les militants des groupes identitaires et même les gouvernants exigent le mea culpa public des descendants de ceux qui dans le passé auraient exploité, soumis et discriminé les ethnies et autres minorités que les « éveillés » prétendent représenter.
D'où la renaissance de la « légende noire » : elle postule, à l'encontre de la réalité historique, que les conquérants et colonisateurs espagnols ne sont venus en Amérique que pour piller et décimer ses peuples, commettant vols, destructions et génocides. Le plus piquant est que cette légende a été formulée il y a déjà plusieurs siècles par les Anglo-Saxons qui, eux, ont pour de bon exterminé leurs Indiens.
L'envers de la « légende noire » est l'idéalisation de la période précolombienne, des civilisations indo-américaines, comme les Aztèques ou les Incas.
Lorsque les Espagnols ont débarqué en Amérique, celle-ci n'était pas une région de paix où différentes tribus coexistaient harmonieusement en coopération les unes avec les autres. Au contraire, l'état de guerre y était constant. L’empire aztèque (dans ce qui est aujourd'hui le Mexique) et l'empire inca (Pérou) avaient soumis et dominé les peuples de la région, leur imposant un travail servile et un tribut. Les deux cultures pratiquaient le sacrifice humain. Beaucoup plus dans le cas des Aztèques, qui pratiquaient également l'anthropophagie.
Au Mexique, la capture des esclaves des tribus voisines avait pour principale destination le sacrifice humain, qui pouvait devenir massif : jusqu'à cinquante victimes en une seule cérémonie. De plus, ils avaient l'habitude de bloquer commercialement leurs adversaires subjugués et de les réduire à la pauvreté.
C'est l'une des raisons pour lesquelles le conquistador Hernán Cortès, avec seulement cinq cents Espagnols, a pu vaincre l'empereur Moctezuma et soumettre le Mexique. Dans son sillage, diverses tribus s'allièrent à lui pour vaincre les Aztèques.
Quelque chose de similaire s'est produit au Pérou avec les Incas. Cet empire est tombé en grande partie grâce à l'aide que les peuples soumis ont apportée au conquistador Francisco Pizarro (Pizarre).
Absurde « culture de l’annulation »
Depuis un certain temps déjà, avec un succès considérable, des tentatives sont faites dans les Amériques pour remplacer les mots nativo (« indigène ») ou aborigen (« aborigène ») par original (« originel ») en vue de souligner la préexistence des groupes ethniques indigènes et les différencier du reste de la population qui serait venue les « remplacer ».
L'indigénisme et le décolonialisme font actuellement fureur dans de nombreux départements universitaires, tant aux États-Unis qu’en Amérique latine. Ces nouvelles doctrines sorties de nulle part encouragent leurs fidèles à identifier et « annuler » les destructeurs blancs des peuples autochtones.