À la recherche des Indo-Européens

Selon Harvard, nous viendrions d'Arménie

7 septembre 2022 : le foyer originel des langues indo-européennes aurait encore changé de place. Une étude de paléogénétique de Harvard publiée le 26 août 2022 faisant travailler ensemble linguistes, généticiens et archéologues se propose de redéfinir le lieu de naissance et le mode de diffusion de ces langues parlées aujourd’hui à travers toute l’Eurasie et l’Amérique.

Les langues indo-européennes sont une famille linguistique rassemblant la plupart des langues parlées en Europe ainsi que dans le sous-continent indien. Divisées précocement en divers rameaux (langues germaniques, balto-slaves, celtes, indo-iraniennes, ainsi que le grec notamment) dont certains sont aujourd’hui éteints (les langues tokhariennes parlées dans le Xinjiang jusqu’au Moyen Âge, les langues anatoliennes comme le hittite et le louvite parlées dans l’Anatolie antique), elles se seraient répandues dans toute l’Eurasie jusqu’aux confins occidentaux de la Chine à partir de l’âge du Bronze, mais leur mode de diffusion ainsi que leur lieu d’origine et la culture archéologique associée restent à définir avec certitude.

Placé par les linguistes tantôt dans la steppe pontique, le Caucase ou en Anatolie, l’emplacement du proto-indo-européen commun reconstruit par les linguistes depuis le milieu du XIXe siècle a même été un enjeu politique. La Russie impériale voyait dans le Turkestan qu’elle souhaitait coloniser le « foyer aryen » originel, tandis que l’Allemagne nazie l’imaginait dans le Nord, en accord avec certaines théories raciales, afin de placer la « race germanique » comme principale héritière d’un prestigieux héritage « indo-germanique » dont Rome et Athènes descendraient directement, plutôt que d’en être de lointains parents.

Afin de reconstituer ce puzzle commencé au XVIIe siècle lorsque la parenté du latin, du grec et de l’iranien a été attestée, suivie au XVIIIe siècle par celle du sanskrit, langue sacrée de l’Inde, il était logique que les paléogénéticiens et les archéologues se mettent au travail pour donner une réponse définitive et incontestable débarrassée de toute politisation.

La présente équipe, menée par le célèbre David Reich - auteur de l’ouvrage de vulgarisation en 2018 Who We Are and How We Got Here - et Iosif Lazaridis, n’en est pas à son coup d’essai.

En 2015 déjà, l’étude de Wolfgang Haak et Iosif Lazaridis épaulée par le laboratoire de David Reich à Harvard avait établi qu’une migration massive venant de la steppe pontique, entre mer Noire et Caucase, était la source de la diffusion des langues indo-européennes en Europe, confirmant la « l’hypothèse kourgane » de l’archéologue Marija Gimbutas.

Incomplète mais jamais démentie, cette étude était un premier jalon, affinée depuis 2015 par de nombreuses études complémentaires de paléogénétique européenne, discipline en plein essor. Cette nouvelle étude se fonde sur la base de données la plus complète jamais utilisée : 727 squelettes d’Anatolie, du sud de l’Europe et du Caucase, allant du Chalcolithique à l’âge du Bronze.

L’Arménie, berceau des Indo-Européens

Que nous dit la nouvelle étude ? Deux choses essentielles : premièrement, la steppe pontique ne serait qu’un foyer secondaire, le premier foyer hypothétique serait situé dans le Caucase, probablement dans les plateaux arméniens. Deuxièmement, l’étude se positionne sur l’architecture des rameaux linguistiques et élude certaines théories linguistiques pour privilégier l’idée que les langues anatoliennes (hittite, louvite en premier lieu) seraient un rameau à part entière, et que les langues indo-européennes seraient un deuxième super rameau, qui se serait chronologiquement subdivisé ultérieurement depuis la steppe pontique.

Le foyer initial du proto-indo-anatolien serait donc théoriquement l’Arménie actuelle, d’où seraient parties tôt vers l’ouest les langues anatoliennes. Le reste des proto-indo-européens auraient franchi le Caucase plus tard, avant la grande expansion eurasienne de l’âge du Bronze. Le schéma produit par l’étude ci-dessous récapitule leur modèle :

Les migrations indo-européennes (source : étude de paléogénétique de Harvard, 26 août 2022)Publié ou mis à jour le : 2022-12-14 09:03:28

Lebrun (09-09-2022 02:47:42)

Je suis un peu étonné que le nom de G Dumezil ne soit pas cité, sur les correspondances entre les peuples indo-européens. Bon, enfin ça date un peu, j'en conviens ... toutefois, l'article postule... Lire la suite

Vincent (08-09-2022 21:55:32)

"Un de ces deux rameaux cousins a-t-il apporté le proto-indo-européen à l’autre ? Ou celui-ci résulte-t-il d’une synthèse féconde ? On n’en sait encore rien."
À la fin de cet article, fondé exclusivement sur des considérations génétiques, M. Solans nous montre, peut-être sans s'en rendre compte, toutes les limites de ce genre d'étude, sorte de retour pseudo-scientifique vers des considérations raciales éculées.
En effet, c'est un peu une vue de l'esprit que de considérer une population qui parle la même langue et vit au même endroit comme constituée de parents. Ce n'est pas valable aujourd'hui, et ça ne l'était pas plus hier. On sait que le peuple des Francs est la réunion de quatre peuples originellement distincts, et que même dans une île comme la Crète, des populations différentes coexistaient à l'époque minoenne.
La question de la langue à des époques très anciennes est bien plus liée à la proximité géographique, aux migrations et -plus tard- à la constitution d'États. J'en veux pour indice le fait qu'il y a beaucoup plus de parentés entre les langues sémitiques et les langues indo-européennes, parlées par des peuples qui partagent le même espace géographique, et qui commercent ensemble, qu'entre les langues indo-européennes et les langues sino-tibétaines, sans qu'on puisse, à ma connaissance rapprocher génétiquement les peuples de ces deux groupes. Ainsi, si le substantif dans les langues sémitiques ne connaît pas de déclinaison, contrairement aux langues indo-européennes (à part la différence entre l'état construit et l'état absolu), ces premières ont une flexion du verbe, comme dans les langues indo-européennes et contrairement aux langues sino-tibétaines.

GHILS (08-09-2022 08:32:43)

Etonnant que cette personne s réfère à la religion, ce doit être une obsession. S'il fallait situer le lieu de naissance de tel ou tel dieu ou tel ou tel écrit, nous aurions des milliers de lieux... Lire la suite

Matt (07-09-2022 12:20:39)

Étonnant que ça correspondent à l'endroit où la Bible situe l'échouage de l'arche de Noé.

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