« Construisons ensemble une école engagée ! » C'est sur ces mots plein d'enthousiasme que se clôt la lettre envoyée aux enseignants le 27 juin par Pap Ndiaye, notre nouveau ministre de l'Éducation. Ce courrier, une fois de plus, est lourd de belles formules et de grandes ambitions puisque c'est à un véritable combat que s'engage le ministère, bien décidé à suivre de « grandes directions stratégiques ».
« Premier axe » de cette feuille de route : « la lutte contre les inégalités sociales ». Très bien ! Il faut « donner la possibilité à chaque jeune de s'épanouir », personne ne condamne ces bonnes intentions, l'école a prouvé depuis longtemps qu'elle peut être un des outils privilégiés pour cela.
Mais mettre ainsi au premier plan la lutte contre les inégalités n'est pas sans conséquences : c'est faire entrer la société et tout sa cohorte de blocages, de dissensions et de guéguerres entre les murs de la classe. Bombardés d'informations non vérifiées sur leurs téléphones, les élèves n'ont pas en plus à supporter les messages que ne cessent de nous répéter les moralisateurs de tous poils, que ce soit sur le « vivre-ensemble », la « théorie du genre » ou la survie des baleines.
L'école doit au contraire redevenir un abri, un lieu protégé, bref un « sanctuaire » pour reprendre l'expression employée par le ministre de l'Éducation François Bayrou après la prise d'otages de la maternelle de Neuilly, en 1993. S'il faut bien sûr protéger physiquement les élèves de ce genre de folie, il est également nécessaire de les maintenir à l'écart des excès de notre société en matière de doctrines de toutes sortes.
Ce n'est que dans un climat apaisé que les enfants pourront se nourrir de connaissances et de comportements qui feront d’eux des adultes responsables, ce qui reste l'objectif principal, sinon unique, de l'école.
Pourtant, l'apprentissage des « savoirs fondamentaux » n’apparaît qu’en deuxième position dans la lettre de notre ministre. Aurait-il oublié que, enquête après enquête, nos élèves ne brillent guère dans les statistiques mondiaux. Pour un Hugo Duminil-Copin, lauréat de la prestigieuse médaille Fields de mathématiques (2022), combien de lycéens ont décidé de mettre définitivement leur calculette à la poubelle ? Qui, parmi les allergiques aux figures de style et à l'argumentation, pour reprendre le flambeau de nos prix Nobel de littérature ? Ce n'est pas en proposant pour le bac de français 2024 l'auteure québécoise Hélène Dorion que nos chers petits vont découvrir les richesses de notre patrimoine. Il est vrai que la poétesse a un atout : elle écrit sur le thème des forêts, et correspond donc parfaitement aux objectifs affichés puisqu'il est prévu de faire entrer l'écologie dans les programmes. C’est le quatrième axe de notre ministre !
Nul ne conteste le bien-fondé de l’écologie mais il faudra bien choisir : apprendre aux élèves à trier les poubelles ou comprendre un texte de 20 lignes.
Vous me direz, à quoi bon être capable d'analyser correctement un texte le jour du bac ? De toute façon, les correcteurs sont invités à remonter les notes pour se situer dans « la moyenne » attendue par les inspecteurs. Et quand bien même : au mois de juin, les jeux sont déjà faits. Les élèves savent avant le bac s'ils ont été sélectionnés dans l'école ou l'université de leur choix. Les algorithmes de Parcoursup, à partir des notes du contrôle continu, ont déjà fait le travail. Pourquoi s'inquièteraient-ils pour le bac ?
Terminons par le meilleur : la lettre du ministère rappelle que le milieu scolaire doit aussi penser au « bien-être des enfants et des adolescents, qui n'est pas antithétique de l'effort et du travail ». Hourra ! Le mot « effort » et, mieux, le mot « travail » ont enfin été lâchés ! On pouvait commencer à penser que l'école se limitait à la cour de récréation. On peut donc partir en vacances tranquilles : nos enfants, lorsqu'ils auront intégré l'écologie et la lutte contre les discriminations, la violence sexiste et l'écologie, pourront se mettre au travail. Pour relever ce défi, il ne reste plus qu'à trouver des enseignants, espèce en voie de disparition. La rentrée de septembre s'annonce intéressante.
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