Le temps d'aimer et le temps de mourir

Comment la guerre fabrique des monstres

Ce lundi 11 avril 2022, à 13h35, la chaîne Arte rediffuse le chef-d'oeuvre de Douglas Sirk, Le temps d'aimer et le temps de mourir (1958). Ce mélodrame américain de 2h25 se déroule en 1944 dans les plaines de Russie et dans les ruines d'une ville allemande. Il est inspiré d'un roman de l'écrivain germano-américain Eric Maria Remarque (1898-1970) : L'Île d'espérance (1954, titre original : Zeit zu leben und Zeit zu sterben...

Le temps d'aimer et le temps de mourir est l'une des représentations les plus vraies qui soient de la guerre. Le futur cinéaste Jean-Luc Godard, alors jeune critique, écrivait très justement à sa sortie : « Je n'ai jamais cru autant à l'Allemagne en temps de guerre qu'en voyant ce film américain tourné en temps de paix ».

Américain, ce film l'est par sa technique hollywoodienne très efficace et par le choix des acteurs. Mais par le miracle de la fiction et du talent artistique, il nous en dit plus sur les horreurs des guerres et la manière dont elles ravagent les existences et les âmes que toutes les vidéos prises aujourd'hui sur le vif dans les villes martyres d'Ukraine.

Surprenantes présences de Klaus Kinski et Eric Maria Remarque

Notons la présence furtive de Klaus Kinski en gestapiste et surtout celle d'Eric Maria Remarque en vieux professeur rebelle. L'écrivain s'est rendu célèbre par son témoignage de la Grande Guerre, À l'Ouest rien de nouveau (1929), avant de s'exiler aux États-Unis en 1939 tout comme le réalisateur du film, Douglas Sirk, de son vrai nom Hans Detlef Sierck.
Marié une première fois à une actrice allemande, le réalisateur en avait eu un fils dont il avait perdu la garde suite à son remariage avec une Juive ! Il ne revit jamais son fils, disparu en Russie sous l'uniforme de la Wehrmacht. Avec Le temps d'aimer et le temps de mourir, il a tenté à sa manière de le faire revivre.

La guerre dans toute sa vérité

Le temps d'aimer, le temps de mourir (Douglas Sirk, 1959)Les premières images nous entraînent dans une campagne pétrifiée par l'hiver et la guerre. Des soldats de la Wehrmacht, en déroute, hagards et dépenaillés, croisent le chemin de quelques paysans russes, dont une femme et un vieillard. Le capitaine de la compagnie désigne des « volontaires » pour procéder à l'exécution de ces supposés partisans.

Les soldats n'ont pas le droit de manifester leurs sentiments et leurs scrupules. Certains prennent sur eux et en viennent au suicide. D'autres abolissent leur conscience et tentent d'oublier. D'autres enfin en prennent leur parti, s'endurcissent et deviennent des fous de guerre... Comment ne pas alors songer à des faits similaires et proches de nous, sur les mêmes lieux ?

La suite est toute aussi « vraie ». Le héros reçoit une permission de trois semaines et rentre dans sa ville avec l'espoir d'y retrouver ses parents. Las, sa maison a été pulvérisée par les raids aériens, comme la plus grande partie de la ville, et ses parents se sont évanouis dans la nature. Il rencontre une camarade d'enfance dont le père a été enlevé par la Gestapo en raison de propos défaitistes et ces deux âmes en détresse vont peu à peu se découvrir et s'aimer au milieu de la tragédie. Mais la permission arrive à son terme...

Le film nous montre la guerre intemporelle, sous tous ses aspects. La boue, les bombes et les abris souterrains où chacun survit tant bien que mal dans les frissons, les larmes ou le silence. La paix ressurgit en brèves séquences avec l'image d'un arbre en bourgeons, un ragoût fumant dans une maison épargnée par les bombes, quelques vues furtives d'une campagne bucolique par la fenêtre d'un train. Et il y a l'amour et la rébellion qui entretiennent l'espérance.

Publié ou mis à jour le : 2023-04-04 17:59:40
Michel J. (10-04-2022 11:37:42)

Ce commentaire correspond parfaitement à mon impression.
Anecdote : « im westen nichts neues », donné comme travail scolaire en 3°,m’a paru totalement inabordable par un adolescent de la génération millenium, par contre le film qui en a été tiré est plus compréhensible car moins systématique.

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