La troisième guerre de destruction de l'Europe est engagée. Elle pourrait nous être fatale si nos dirigeants se laissent emporter par la stupeur et l'émotion devant la brutalité de l'armée russe et de leur chef. Souhaitons qu'ils puissent malgré tout négocier la paix et éviter l'irréparable. Détachons-nous des images terribles de Boutcha et des larmes des victimes et pensons à l'avenir...
Depuis plus de soixante-dix ans, les Européens ont délégué aux Américains le soin de les protéger, sous couvert de l'OTAN. À l'exception de la France, ils se refusent à faire usage de leurs armes. Dans les crises, hier la Syrie, aujourd'hui l'Ukraine, ils déroulent le même triptyque : condamnations morales, accueil des réfugiés, sanctions économiques. Mais face à la Russie, ils se comportent aussi comme s'ils étaient engagés dans une guerre de long cours, sans se battre pour autant. S'alignant sur les Américains, ils multiplient les menaces à l'égard de l'agresseur en fermant la porte à la négociation. Ils ne veulent rien d'autre que détruire la puissance russe et se séparer à jamais du peuple russe. Peu importe que ce soit au prix de la mort de l'Ukraine et de la ruine définitive de l'Europe. Cette troisième tentative de suicide, après 14-18 et 39-45, sera-t-elle la bonne ? Beaucoup de gens, sur les autres continents, l'espèrent.
Dans ce drame, il est paradoxal que le seul dirigeant qui affiche une stature d’homme d’État soit le président Erdoğan. On le vouait aux gémonies il y a quelques mois et le président Macron était prêt à lui faire la guerre pour préserver l'intégrité de la Grèce ! Dans les jours qui ont suivi le déclenchement de la guerre, le président turc, en émule de Talleyrand et Metternich, a réuni les belligérants à Istanbul, dans le palais de Dolmabahçe. Et très vite, le président Zelensky a fait des ouvertures sur la neutralité de l’Ukraine et l'autonomie du Donbass, voire la rétrocession de la Crimée à la Russie, les trois pierres d’achoppement à l’origine de la guerre et du chaos actuel !
Une guerre régionale aux conséquences planétaires
La guerre d'Ukraine ne mobilise que les États européens et anglo-saxons. Les autres se contrefichent de cette guerre. L'expression « communauté internationale » a moins de sens que jamais et disqualifie ceux qui l'emploient. Il serait plus juste de parler de « communauté occidentale ».
Le 2 mars 2022, à l'ONU, l'agression russe a été condamnée par les gouvernements occidentaux et leurs affidés mais elle a laissé indifférents la plupart des autres gouvernements, représentant plus des deux tiers de l’humanité. Quant aux sanctions économiques contre la Russie, elles sont seulement le fait de l’Europe et de l’anglosphère (Royaume-Uni, Canada, États-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande). En y ajoutant la Corée, le Japon, Taïwan, la Colombie, le Paraguay, l'Équateur et le Costa Rica (carte ci-dessous), cela fait tout juste un peu plus d’un dixième de l’humanité (note).