13 octobre 2021 : attention, chef d’œuvre ! On nous dit que la gestation du film Eiffel a duré vingt ans. Vingt ans durant lesquels la scénariste Caroline Bongrand a couru de studio en studio avant de convaincre enfin Martin Bourboulon de le réaliser. Tant mieux car le résultat est à la mesure de l’effort.
Rien à voir avec un « biopic ». Nous découvrons tout à la fois un film à grand spectacle avec des effets spéciaux et une représentation exacte du Paris de la Belle Époque, un film d’Histoire qui respecte la réalité et l’explique avec tact, enfin un film sentimental avec une intrigue amoureuse qui n’enlève rien à la véracité du récit.
Romain Duris a trouvé dans le personnage de Gustave Eiffel le plus grand rôle de sa carrière et désormais sans doute, petits et grands imagineront le constructeur de la Tour avec les traits de l’acteur.
Eiffel nous plonge d'emblée dans une France à son zénith. Nous sommes en 1886 et l'on inaugure la statue de la Liberté, conçue par Auguste Bartholdi et dont Gustave Eiffel a réalisé la structure interne, une merveille de légèreté en fer capable de résister aux tempêtes océaniques.
L'ingénieur, 54 ans, veuf et père de cinq enfants, a accédé à la célébrité et à la fortune en installant des ponts métalliques dans le monde entier avec des éléments préfabriqués dans ses ateliers de Levallois, au nord-ouest de Paris. Avec justesse, le film montre d'emblée son lien très fort avec sa fille aînée, Claire. Il souligne aussi les qualités de l'entrepreneur. Ingénieur talentueux, c'est un exceptionnel meneur d'hommes qui sait s'entourer des meilleurs professionnels, qu'ils soient ingénieurs ou ouvriers. Il sait trouver les mots pour les galvaniser et ne rechigne pas à les payer à la hauteur de leurs mérites.
Romain Duris incarne de façon convaincante ce quinquagénaire à la barbe drue et aux traits burinés. Mais il incarne tout aussi bien le jeune ingénieur sportif et fringant que fut Eiffel à ses débuts. Le film fait en effet des retours un quart de siècle en arrière, du temps où il construisait un pont par-dessus la Garonne. Il sauve alors un ouvrier de la noyade et, déjà soucieux de la sécurité de son chantier, obtient que soient renforcés les échafaudages.
Son fournisseur de bois lui fait connaître sa fille, Adrienne Bourgès. S'ensuivent une idylle et une promesse de mariage. Mais arrive la fin du chantier et le commerçant, qui n'attend plus rien d'Eiffel, éloigne celui-ci de sa fille. Le jeune Gustave, très affecté, suppose qu'il veut la livrer à un prétendant plus fortuné.
Le film Eiffel fait son miel de ce mystère avec le retour d'Adrienne sous les traits de la belle Emma Mackey. Nous ne vous en dirons pas plus... Sachez seulement que cette intrigue sentimentale n'enlève rien à la validité historique du film.
La véritable héroïne, la Tour Eiffel, émerge avec l'évocation de l'Exposition universelle de 1889 destinée à célébrer le centenaire de la Révolution. Les autorités organisent un concours en vue d'ériger à cette occasion un monument sur le Champ de Mars, entre l'École militaire et la Seine, étant entendu que ce monument devra être démonté après l'exposition ! Au début réticent, Gustave Eiffel se rallie avec enthousiasme au projet pour mieux séduire Adrienne si l'on en croit le film, une entorse à la réalité, plus prosaïque : l'entrepreneur a simplerment mesuré toute la gloire qu'il pouvait tirer de ce projet.
La Compagnie des établissements Eiffel va remporter le concours, non sans difficulté ni contestation, avec le projet d'une tour élégante et légère de 1000 pieds (318 mètres), deux fois plus haute que le plus haut édifice de l'époque. La construction est émaillée de nombreux défis : tracas financiers, délais très serrés, tensions sociales, contestations des riverains et défis techniques, toutes choses que montre le film.
Tout l'art du réalisateur est de tenir en haleine le spectateur et l'on est tenté d'applaudir quand est posé le tablier du premier étage ou le jour de l'inauguration, le 31 mars 1889, en présence du président Sadi Carnot.
Le film laisse en suspens la suite, le scandale de Panama qui vaut à Eiffel une semaine de prison mais aussi l'exceptionnelle résilience de l'ingénieur qui lui vaut de multiplier les innovations dans la radio et même dans l'aviation naissante, jusqu'à la fin de sa vie, à 91 ans.
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